« Un homme comme vous », Patrick Coupechoux, Seuil

Au cours de l’histoire, on a toujours dénié aux fous la qualité d’êtres humains. On les a brûlés au Moyen Age, parqués dans l’hôpital général de Louis XIV, enfermés dans l’asile, on les a laissés mourir de faim durant l’Occupation, exterminés sous le régime nazi. Pourtant, la folie appartient à l’humanité : elle concerne l’existence même, et pas seulement des symptômes ou ce qui pourrait être leur fondement biologique. Oublier cela, c’est la condamner au rejet, à l’exclusion, à l’enfermement. C’est se condamner à ne jamais la comprendre – et à ne jamais entendre ce qu’elle dit de notre monde. Patrick Coupechoux montre que cela n’a rien d’une fatalité. La psychiatrie désaliéniste, née au coeur de la Résistance française, en fait la démonstration : le fou peut vivre parmi nous, comme les autres citoyens, à condition qu’on le considère et qu’on le traite comme une personne. A condition que l’on défende cette idée simple : le soin, c’est la relation avec lui et seulement cela, loin des traitements médicamenteux. Ce passionnant ouvrage explore les sources théoriques et cliniques, politiques et poétiques de la psychiatrie désaliéniste. Il montre comment le paradigme actuel de la santé mentale délaisse l’humanité de la folie au profit d’une conception scientiste et gestionnaire de l’individu. Une étude ambitieuse et approfondie en même temps qu’un magnifique éloge du désaliénisme.

10 commentaires »

  1. Sybilline Said:

    Ce livre semble être un très bel essai. Je viens de passer commande…En effet, je commence à travailler pour mon mémoire…si mon sujet est accepté. Je compte m’y mettre dans un ou deux ans! « Création et folie » dans la littérature…Il faudra probablement que je précise.

    Je remarque en tout cas que la littérature de la Renaissance (Erasme et Shakespeare)est très prolixe sur le sujet et qu’elle a un regard vraiment intéressant sur la folie. Ce n’est pas binaire, elle en montre les différentes nuances. Je trouve que nous sommes dans une société assez matérialiste, plus proche des Lumières que de l’humanisme. Du coup, on oublie d’interroger cette part de l’humanité et de grandir en sachant l’observer et en tirer des leçons de vie. C’est la preuve d’une époque en crise, qui n’arrive pas à atteindre son plein potentiel humain. On parle toujours de crise économique, mais ne viendrait-elle pas d’une crise plus profonde, existentielle et spirituelle? Peu s’y intéressent…

    Cette approche mérite le détour en tout cas. Je vous dirai si j’ai aimé l’ouvrage…

    Je partage totalement cette synthèse: « le soin, c’est la relation avec lui et seulement cela, loin des traitements médicamenteux. » On oublie parfois l’essentiel dans la formation des infirmiers en en ayant même retiré la spécialité. Je me demande pourquoi on a pensé les choses ainsi…Qui a décidé de cette absence de cette suppression d’une formation adaptée? On délaisse à nouveau le spirituel pour le matériel et la rentabilité…Cela ne peut conduire qu’à une crise et tout le monde la subit, pas les plus fragiles qu’on appelle avec beaucoup de mépris « les fous ». Peut-être qu’eux sont plus sensibles à l’humain et à la nécessité qu’il y ait du progrès dans ce domaine…

  2. Lana Said:

    C’est chouette que tu te lances dans ce mémoire. Tu devras effectivement sans doute préciser, parce que ton sujet, comme m’a dit mon promoteur, est plus un sujet de thèse que de mémoire. J’avais voulu me lancer dans l’évolution de la vision de la folie dans la littérature, mais c’était beaucoup trop vaste.

  3. Alain Said:

    Je pense que ton sujet, Lana, l’évolution de la vision de la folie dans la littérature est différent de celui de Sybilline qui souhaite développer quelque chose sur le lien entre la folie et la créativité des auteurs ou autres artistes. Ton sujet est aussi intéressant et il y a sans doute des rapprochements. Penses-tu t’y consacrer un jour en ciblant plus le sujet ?

  4. Lana Said:

    Oui, c’est différent mais tout aussi vaste pour un mémoire. J’ai finalement fait mon mémoire sur un tout autre sujet.

  5. Alain Said:

    C’est indiscret si on te demande sur quoi portait ton mémoire ?

    Tu l’as publié ?

  6. Lana Said:

    Sur Zola. Il n’est pas publié, on peut le consulter à la bibliothèque de la fac, comme tous les mémoires, mais il n’a pas grand intérêt. Je ferais autre chose aujourd’hui, c’est sûr, mais j’ai bien plus de connaissances qu’à 22 ans.

  7. Sybilline Said:

    Chère Lana,

    C’est assez incroyable qu’on ait eu des idées communes. Je crains justement qu’on me décourage en raison de mon vaste sujet…Je n’en ai encore parlé à personne de l’université Ce serait pour le master II, car j’ai déjà fait un sujet de maîtrise sur Christian Bobin (discours amoureux et poétique dans l’œuvre de Christian Bobin). Cela dit, je veux absolument travailler sur ce thème (la folie) que je trouve en plus essentiel quand on aborde les auteurs qui en parlent et en souffraient aussi…C’est pourquoi la créativité semble jaillir de ces crises intérieures. Evidemment, il faut nuancer, car on ne peut nier la souffrance d’une telle maladie et on ne peut la souhaiter non plus. Mais quand elle est là autant essayer d’en tirer le meilleur parti. On ne montre jamais que l’aspect rebutant de la folie sans se pencher sur ses côtés « positifs ». Du coup, on ne peut considérer quelqu’un comme son égal si on ne voit que le côté négatif ou si on le croit inférieur. D’où ma volonté de rétablir un certain équilibre, un peu dans l’esprit de l’auteur que tu cites…
    Je crois que même mon ami ne me croit pas sincère dans l’affection que je lui porte. Il pense que je suis malade…Sympa! Pourtant, mes sentiments sont parfaitement sains. On est tellement habitué à raisonner négativement que l’autre ne nous croit plus lorsqu’on ressent un véritable attachement.

    Il faut alors lutter contre ses propres moments de désespoir, contre l’image que la société en renvoie, contre ceux qui n’ont reçu aucune éducation sur le sujet. Bref, un vrai parcours du combattant! Il faut avoir la Foi! Et devenir philosophe…J’ai du chemin à faire, mais je m’y attelle. Après tout, chaque expérience peut nous apporter une évolution positive, surtout quand on l’a choisi et qu’on ne la subit pas (ce qui est mon cas).

    Très bonne soirée à vous tous.

  8. Sybilline Said:

    Bonjour à tous,

    Je viens de recevoir le livre ce soir que je trouve passionnant. Un chapitre m’a particulièrement interpellée sur la folie exploratrice et la poésie de Rimbaud. J’en ai rédigé un article (pour ceux que cela intéresse), ça donne un peu un aperçu du livre (qui est très riche):

    http://folieetespoir.over-blog.com/2014/04/la-folie-exploratrice.html

    Merci, Lana, de nous l’avoir fait découvrir!

  9. Lana Said:

    Je suis contente que le livre te plaise.

  10. Sybilline Said:

    Merci Lana pour tes bons conseils en tout cas!


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