C’est une invitation au voyage que nous propose ici Gudmundsson. Empreinte de
poésie et de légèreté, elle a pourtant des accents tragiques car elle mène aux
confins de la folie. Sur ces terres du septentrion cernées par la mer, sur cette
Islande méconnue, peuplée « d’ombres errantes », la réalité cogne aux murs de
Kleppur. Kleppur, là où se brisent les ailes des « anges de l’univers », l’asile
des âmes perdues, le dernier refuge pour ceux qui comme Páll, Oli ou Viktor ont
sombré dans la démence. Mais avant les heures cruelles de l’enfermement, c’est
toute l’enfance de Páll à travers des tableaux naïfs et colorés que nous raconte
l’auteur, puis sa longue déroute à la fois si drôle et si désespérée. Ce récit
tendre et poétique de la déraison évoque avec grande pudeur les souffrances
mentales, sans sombrer pourtant dans un optimisme béat car « Kleppur est
partout ». En 1995, Gudmundsson recevait le Grand prix de la littérature nordique
pour cet ouvrage inoubliable, son quatrième roman. –Lenaïc Gravis &
Jocelyn Blériot

Description
»
Il est certain que je comprends aussi peu la réalité qu’elle ne me comprend. A
cet égard, nous sommes quittes. Mais elle ne me doit aucune explication, tandis
que moi je suis censé lui rendre des comptes. » : ainsi s’exprime Páll Olafsson,
au détour d’une des maintes réflexions qui meublent ses curieuses journées. Car
ce fils de chauffeur de taxi, qui ne cesse de faire défiler le film de sa vie,
est le pensionnaire de l’hôpital psychiatrique de Kleppur. Si le jour de sa
naissance, qui correspond à l’entrée de l’Islande dans l’Otan, lui semble être
un premier malentendu, les coïncidences suivantes s’enchaînent comme autant de
tableautins cocasses et incongrus. Ainsi l’arrivée dans la passe de Reykjavik
d’un superbe voilier, propriété d’un marquis richissime… n’est en vérité que
l’embarcation d’un adolescent atteint de mal de mer. Et lorsque s’ouvre la
célèbre et si attendue chasse aux oies sauvages et aux perdrix des neiges, gare
à ce que l’oeil du chasseur ne soit pris pour cible ! Narquois, triste et drôle
à la fois, Páll teinte sa fable d’une touche de réalisme légèrement amer, à moin
que sa réalité ne soit effectivement fabulée ? Et ceci grâce à un talent de
conteur que Einar Már Gudmundsson se plaît à manier avec une surprenante
agilité…