J’ai perdu la notion du temps. J’ai perdu l’envie. Tout m’est égal. Et ça ne m’ennuie même plus. Ca m’est complètement égal. J’aime toujours mes amis et c’est bien la seule chose qui m’importe encore. Je l’aime toujours beaucoup trop. Cette indifférence est sans doute là pour me protéger de cet amour trop aiguisé.
Dieu qui n’existe pas, pourquoi es-tu si sadique? Pourquoi nous faire payer toutes les bonnes choses? Pourquoi la haine est-elle toujours partagée et non l’amour?
Pourquoi l’amour fait-il tant souffrir? Pourquoi?
Pourquoi meurt-on les yeux ouverts?
L’amour, c’est de la merde. Il fallait ça en plus de tout. J’arrivais tout juste à surnager et cet amour m’a précipitée au fond.
Je vais les voir mercredi. Je vais y retourner. J’avais tant de choses à leur dire. Et maintenant que j’en ai l’occasion, j’ai tout oublié. Je n’en ai plus ni le courage ni l’envie. Rien ne changera jamais, ce n’est même pas la peine d’essayer de leur ouvrir les yeux. J’ai abandonné.
L’amour ne m’a plus fait si mal depuis O. Je veux être avec lui. Je ne veux plus le voir. Je ne veux plus l’entendre chanter, ça me fait trop mal. Je ne veux plus pleurer pour lui. Je veux qu’il m’aime ou mourir, je veux que ça cesse. Je ne veux plus le voir en blanc. Je veux que l’on dorme encore une fois notre folie l’une contre l’autre, je veux qu’elles soient l’une dans l’autre. Je veux lui dire encore ce que je n’ai jamais dit à personne et savoir qu’il me comprend. Je veux qu’on lise encore les mêmes mots. Qu’on rie de nouveau aux histoires qu’on invente. J’ai l’impression qu’il le sait, je ne sais pas pourquoi. Est-ce qu’elle lui a dit?
Qui a créé cette injustice, ce calvaire, cette punition plus terrible que toutes les autres?
Le mutisme m’a repris. Et je me hais quand je suis dans cet état. Je vois les autres s’amuser, je voudrais être comme eux, je voudrais être parmi eux mais je ne peux pas. Je n’y arrive pas. Je ne sais même plus faire semblant. Chaque parole me coûte un effort. J’ai peur des les ennuyer, qu’ils ne comprennent pas ou croient que je ne les aime pas. Ils sont mon salut. Il est ma perte aussi. Alors, pendant qu’ils chantent dans la mezzanine, je casse du verre. Je saigne.
Il pouvait me voir, je m’en suis rendu compte plus tard. M’a-t-il vu? A-t-il compris?
Est-ce qu’il sait?
Bien sûr, il sait que je suis folle. Elle, elle sait que je suis amoureuse de lui.
Sait-il que je l’aime? Sait-elle que je suis folle? Pour elle, je crois que non. Pour lui, c’est moins sûr.
Ca y est, ils recommencent à crier, à soupirer, à hurler, à tout claquer. N’en sont-ils jamais las?
Je vis bien la semaine, sans disputes, sans conflits, sans cris. Enfin, je vivais bien jusqu’à ce que je sois amoureuse. Mais je suis mieux qu’ici, c’est sûr. Je le vois et il ne me manque plus. Parfois, je ne supporte plus de le voir, alors je m’en vais et il me manque. Et j’essaye de retenir mes larmes. Le plus souvent, je n’y arrive pas. Qu’il soit là ou non, il est toujours là.
Dormir sur son épaule, c’est la seule chose que j’ai eue et que j’aurai jamais. Et sa compréhension. C’est le plus beau cadeau qu’on m’ait fait depuis longtemps, peut-être même depuis toujours. Et je ne l’en aime que plus. Il sait des choses que je n’ai jamais dites à personne.
Pourquoi s’obstine-t-on à aimer des gens qui ne nous aiment pas?
Enfin si, bien sûr, il m’apprécie sans doute. Mais je veux plus que ça.
Peut-être que je devrais arrêter de le voir. Peut-être que ça irait mieux. C’est impossible de toute façon. A moins de renoncer à mes études et à mes amis. A moins de me tuer.
Je serais bien, enfin. Je serais calme, reposée. Je ne souffrirais plus. Et je ne penserais plus jamais à lui.
Je pourrais sauter dans le fleuve, dans l’eau noire qui coule sous le pont, qui incarne la mort.
Je pourrais m’écraser sur le béton.
Je pourrais m’envoler du toit.
Je pourrais me servir des morceaux de verre pour mon poignet plutôt que pour mes mains.
Je pourrais rester trop longtemps dans le fond de la baignoire.
Je pourrais m’enivrer à en mourir.
Je pourrais me jeter sur les rails.
Je peux continuer à traverser la rue sans regarder et peut-être qu’un jour une voiture arrivera trop vite.
Mais je ne veux pas mourir. Je veux arrêter de souffrir. Je ne veux plus penser à lui, ni à Renaud, je ne veux plus être folle et je ne veux plus songer à la mort. Hélas, le suicide est la seule solution que j’ai trouvée. Et je crois de plus en plus que Renaud a eu raison d’accepter qu’il n’y en ait pas d’autre.
Dis-moi, Renaud, est-ce que tes raisons sont les mêmes que les miennes?
Pourquoi t’as voulu mourir à seize ans?
A quoi sert la vie, Renaud? A quoi sert la vie puisqu’elle nous trahit toujours? A quoi sert-elle puisqu’elle nous enlève même nos rêves?
Comment on en est arrivé là? Qu’est-ce qu’il s’est passé?
Les rêves nous blessent trop quand on y a trop cru. Et moi, je saigne à mort.
« Ca ne me paraît pas du tout étranger » Jf.
J’en ai marre des cris, des hurlements, des soupirs d’agacement.
J’en ai marre des larmes.
J’en ai marre de cet amour inutile qui n’est bon qu’à me faire souffrir.
Je veux la paix, le repos, le calme, l’apaisement.
Je veux la paix. Je veux la paix. Celle qu’offre le sommeil sans rêve. Où puis-je la trouver ailleurs que dans la mort?