L’hospitalisation d’office sur notoriété publique déclarée contraire à la Constitution

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L.313-2 et -3 du code de la santé publique, les Sages de la rue Montpensier ont censuré avec effet immédiat la possibilité pour le maire de faire hospitaliser d’office une personne sur la seule « notoriété publique » de son état.

Plus largement en cause dans cette décision : le régime d’hospitalisation d’office des personnes atteintes de troubles mentaux. Concrètement, l’article L. 3213-2 du code la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques dispose qu’ « En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l’État dans le département qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’hospitalisation d’office dans les formes prévues à l’article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l’État, ces mesures provisoires sont caduques au terme d’une durée de quarante-huit heures ».

L’article L. 3213-3 du code de la santé publique prévoit notamment l’obligation d’établir un certificat médical dans les 15 jours, puis dans le mois suivant l’hospitalisation, précisant les caractéristiques de l’évolution ou de la disparition des troubles justifiant celle-ci.

Ces conditions étaient insuffisamment encadrées et méconnaissaient les exigences constitutionnelles qui assurent la protection de la liberté individuelle, selon la dame à l’origine de la question.

Pour le Conseil constitutionnel(1), l’hospitalisation sans le consentement de la personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe constitutionnel selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire.

Une atteinte à la liberté individuelle qui doit être adaptée, nécessaire et proportionnée

Il incombe ainsi au législateur, relèvent les Sages, « d’assurer la conciliation entre, d’une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l’ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ».

Au nombre de celles-ci figurent la liberté d’aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l’article 66 de la Constitution confie la protection à l’autorité judiciaire. Le Conseil rappelle que les atteintes portées à l’exercice de ces libertés doivent être « adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ».

Et pour le Conseil, la disposition de l’article L. 3213-2 permettant l’hospitalisation d’office sur la base de la seule « notoriété publique » ne remplit pas ces critères. Celle-ci « n’assure pas que cette mesure de privation de liberté soit réservée aux cas dans lesquels elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du malade ainsi qu’à la sûreté des personnes ou la préservation de l’ordre public ».

Ainsi, le Conseil juge que les mots « ou, à défaut, par la notoriété publique » doivent être déclarés contraires à la Constitution. Cette déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la décision et est applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date. Toutes les autres dispositions des articles L.3213-2 et -3 du code de la santé publique, fixant un régime « adapté à la privation de liberté en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes », sont validées.
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(1) Cons. constit., 6 oct. 2011, n° 2011-174 QPC, Oriette P.

http://www.lextimes.fr/4.aspx?sr=1037#.TpFCqBjTa88.facebook

5 commentaires »

  1. behemothe Said:

    J’ai essayé de chercher qui était à l’origine de la QPC et je n’ai pas trouvé. C’est dommage que les gens ne donnent pas l’organisation ou la personne à l’origine de la question, il me semble que c’est important.

  2. behemothe Said:

    Voici le lien vers la QPC qui a été déclenchée par une patiente hospitalisée d’office sous le motif de danger immédiat.On peut voir l’audience en vidéo. C’est une QPC qui vient de la chambre de cassation.

  3. Lana Said:

    Il n’y a pas de lien.

  4. behemothe Said:

    C’est Le GIA le soutient (Groupe Information Asile)


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