Posts Tagged ‘usagers’

Surprotection ou sincérité?

Aujourd’hui, je suis allée témoigner devant de futurs psychologues. Parmi les échanges, une question m’a interpelée. Une jeune femme travaille avec des adolescents hospitalisés, et ils ont un groupe de paroles sur l’après-hospitalisation où ils veulent faire venir d’anciens patients, mais certains soignants ont peur de ce qu’ils pourraient dire, notamment sur les traitements. Ca part d’une bonne intention, mais j’ai trouvé  ça assez paternaliste et surprotecteur.

C’est vrai, tout n’est pas rose dans l’après hospitalisation et dans les traitements, mais faut-il le cacher pour autant? Le rétablissement est un long chemin, fait de hauts et de bas. J’aurais aimé le savoir plus tôt, parce que dans le pires moments de ma vie, je compte ceux où j’ai rechuté alors que je me croyais tirée d’affaire. Concernant les traitements, c’est en en parlant avec d’autres usagers ou avec une psychiatre qui ne me cachait pas les effets secondaires que j’ai pu l’accepter.  Quand mon psychiatre me disait que les neuroleptiques ne faisaient pas grossir, je savais qu’il mentait et ça ne me mettait pas en confiance.

Oui, entre usagers, on est souvent cash, on ne se surprotège pas, on dit les choses telles qu’elles sont. Mais c’est ça qui fait qu’on se sent compris, soutenus, qu’on peut enfin parler librement. C’est un lien primordial, qui fait qu’on peut même aussi parfois rire de notre situation.

Beaucoup de gens touchés par la schizophrénie m’ont dit que mon blog les avait aidés. Et pourtant je n’enjolive rien. J’ai même écrit un billet qui s’appelle « J’envie les gens qui meurent ». Il y a beaucoup d’articles très noirs, je n’ai pas caché mes rechutes ou mes problèmes avec les médicaments, mais mon désir de vivre est toujours là, et c’est sans doute ce qui aide les gens, je ne sais pas.

En tout cas, ce lien avec d’autres usagers est plus qu’important dans ma vie, il est vital. J’aurais aimé avoir, au début de mes troubles, des discussions avec des gens ayant plus d’expérience de la maladie et du rétablissement. Quoi qu’ils m’aient dit, ça aurait été plus profitable que la solitude, les peurs, les angoisses sans réponse et les faux espoirs.

La vie avec une maladie mentale n’est pas rose. En parler de façon sincère, c’est sans doute ce qu’on peut offrir de mieux à des gens qui commencent leur parcours.

Demain nous sommes débout

Un court métrage pour lequel j’ai témoigné

La Maison des usagers

J’ai découvert un lieu hors du commun et tout nouveau: la Maison des usagers de ma ville.

C’est un endroit autogéré par des usagers, ouvert le vendredi soir et le dimanche après-midi. En arrivant, on se réunit dans la grande salle et on s’inscrit aux ateliers du jour: cuisine, quizz musical, jeux de société, méditation, mandalas, yoga du rire, marche, sortie au marché de Noël, etc. Chacun est libre de proposer quelque chose selon ses envies et ses capacités à animer un atelier. Dimanche, j’ai fait de la cuisine, aujourd’hui un quizz musical et un Trivial Pursuit. A la fin, on se réunit de nouveau pour parler des futurs ateliers et des moments qu’on vient de passer, pour ranger aussi et faire la vaisselle.

C’est un endroit pour les usagers en cours de rétablissement, où chacun amène ce qu’il est, ses capacités, ses trucs de rétablissement aussi. On est là pour s’amuser et s’entraider.

Ca fait longtemps que j’avais envie d’un endroit comme ça, ouvert le soir et le week-end, donc où je peux aller tout en travaillant. La plupart du temps, les endroits sympas ne sont ouverts que pendant mes heures de travail, à part le Pianocktail mais c’est à Bruxelles.

J’avais un peu peur de m’y rendre toute seule mais je suis heureuse d’avoir franchi le pas, car tout le monde est très sympa.

Avec un ami, on doit interviewer ceux qui le veulent et passer les enregistrements pendant l’émission de Psylence Radio de janvier (normalement, je vous tiens au courant).

 

« L’expérimentation des médiateurs de santé-pairs : Une révolution intranquille », Roelandt, Staedel, Doin

Présentation de l’éditeur

– Un sujet d’actualité qui fait couler beaucoup d’encre – Un retour d’expérience, aussi bien en France qu’à l’étranger – Un point complet et objectif sur cette épineuse question « Médiateur de santé pair ». Cette expression est la déclinaison française d’un programme québécois qui propose aux hôpitaux d’embaucher d’anciens malades dans le but de mieux soigner ceux qui le sont encore. Ce projet révolutionnaire s’inscrit dans un mouvement plus général d’émancipation des patients, à qui on reconnaît le droit à l’autonomie et à un statut respectable. Mais comme toute révolution, celle-ci ne se passe pas forcément dans la douceur, et les résistances, voire les oppositions, ont été et sont toujours nombreuses : reconnaissance du médiateur comme un professionnel et non plus comme un usager, crainte de la part des personnels de santé pour cette nouvelle organisation, critique sur l’utilisation de moyens financiers utilisés à mauvais escient, risque pour le médiateur de se confronter à sa maladie, etc. Et pourtant, cette expérience menée dans trois régions française a aussi apporté bon nombre de points positifs : valorisation du médiateur par le travail, reconnaissance de ses compétences par ses confrères, aide réelle aux malades qui se sentent plus à l’aise avec quelqu’un qui a vécu ce qu’ils vivent, etc. Cet ouvrage permet de faire le point sur ce dispositif, en toute transparence, et chacun pourra, après l’avoir lu, se faire sa propre opinion.
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Mad Pride: fier de quoi?

Le 11 juin auront lieu la Mad Pride à Paris et la Fada Pride à Marseille. J’ai lu parfois qu’il n’y avait pas de quoi être fier d’avoir une maladie psychique, ce qui est vrai.

Alors pourquoi être fier? Et de quoi?

Je suis fière parce qu’on nous dit d’avoir honte.

Je suis fière et je parle parce qu’on nous dit de nous taire.

Je suis fière du combat que je mène.

Je suis fière de la vie que j’ai construite.

Je porte fièrement mes blessures.

Je suis fière de la façon dont la maladie à changé mon regard sur le vie et sur les autres.

Je suis fière de celle que je suis devenue malgré la schizophrénie.

Je suis fière de celle que je suis devenue grâce à la schizophrénie.

Je suis fière de nous tous qui vivons chaque jours avec la maladie.

Je suis fière alors je veux des droits, pour ceux qui sont fiers et ceux qui ne le sont pas.

Un pair-aidant, pas un modèle

En janvier, je débuterai une formation de pair-aidante en psychiatrie.

Bien sûr, je me pose beaucoup de questions, et je lis des articles sur la pair-aidance. Certains parlent du pair-aidant comme d’un modèle, et que faire s’il rechute?

Modèle que je ne veux pas être. Modèle bien lourd à porter.

Que faire si le pair-aidant rechute? Je répondrais prendre un congé maladie, tout simplement, fin du problème. Evidemment, si on le voit comme un modèle de guérison, le voilà tombé de son piédestal, déchu de sa fonction, relégué au rang de mauvais malade. Mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’opposer les bons et les mauvais malades, ni d’ériger quelqu’un en modèle.

Je pense à l’époque du début de ma maladie, et à ce qu’un pair-aidant aurait pu m’apporter.

De l’espoir d’abord. Peut-être aurais-je eu envie d’un modèle, mais je pense que quelqu’un qui m’aurait remis les pieds sut terre en m’expliquant qu’il vivait avec sa maladie, qu’il la gérait, avec ses hauts et ses bas, m’aurait fait du bien. Car j’oscillais entre la peur de ne jamais en sortir et l’espoir que tout redevienne comme avant. Un pair-aidant aurait pu m’expliquer qu’il y avait un entre-deux, ce que n’a fait aucun soignant. J’aurais pu le voir de moi-même et ça m’aurait sans doute épargné des souffrances et des faux espoirs.

De l’aide aussi. Pour aller à un rendez-vous, oser poser des questions aux médecins, faire valoir ses droits. De l’aide pour des choses qui peuvent paraître banales mais sont difficiles à faire quand on est malade.

Et bien sûr la compréhension de quelqu’un qui est passé par là, qui connaît la maladie de l’intérieur.

De l’espoir et un peu d’aide, de la compréhension, c’est peu et c’est beaucoup à la fois. C’est ce que j’espère apporter en tant que pair-aidante.

Peut-être que ces considérations sont bien naïves, peut-être dirais-je le contraire dans un an, et encore autre chose dans deux. Ce sont juste les quelques réflexions qui me poussent à m’engager dans cette voie.

 

Groupe de parole sur la contention

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Etre privé – ne fut-ce qu’un moment – de sa liberté de mouvement, de sa liberté tout court… Cela existe.

 

Il ne faut pas aller spécialement en prison pour cela…

En Belgique, de nombreux usagers de la psychiatrie

ont vécu cette situation difficile d’avoir été « contenu ».

 

Que disent-ils de cette expérience souvent douloureuse? Qu’en pensent-ils? Quelles questions se posent-ils? Et les proches de ces usagers? Les professionnels?

Les paroles ont du mal à se libérer surtout, au sein même des institutions.

Récits et

Contention*

 

« Récits et contention » est un groupe de parole ouvert à toute personne ayant été confrontée à une mesure de contention en psychiatrie: usagers, professionnels et proches.

 

Nous entendons par « contention » la contention mécanique : sangles, liens divers, bâche… mais également, la chambre d’isolement. La contention chimique par l’administration de  drogues ou de médicaments peut être abordée aussi.
« Récits et contention » est un groupe de l’Autre « lieu ». Il a lieu sur une période limitée entre janvier et juin 2016 chaque second vendredi du mois entre 17h et 18h30 à l’Autre « lieu », rue Marie-Thérèse 61 à Saint-Josse.

« Récits et contention » est un groupe ouvert et confidentiel, il n’y a pas d’obligation à participer à l’ensemble des six groupes. Aucune participation financière ne sera demandée. Pas d’inscription préalable.

 

Contact

L’Autre « lieu »

Aurélie Ehx

aurelie.ehx@autrelieu.be

02 230 62 60

 

Nous ne sommes pas des exceptions

« Tu es une exception. » Combien de fois n’ai-je pas entendu cette phrase? Voire « Très calée, Lana, pour une psychotique » de la part d’un infirmier. J’avais fini par le croire. Et à douter du bien fondé de ce que je disais. Au nom de qui pouvais-je parler, que pouvais-je critiquer, que valait mes idées, puisque j’étais une exception? Je rencontrais des usagers de la psychiatrie qui me ressemblaient, qui partageaient mes idées, en me disant que c’était eux aussi des exceptions. Jusqu’à ce que je me dise que ça faisait beaucoup d’exceptions, quand même, mais sans vraiment mettre le doigt sur le noeud du problème.

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Et puis, j’ai lu cette phrase, de Robert W. Surber, dans « Pour des usagers de la psychiatrie acteurs de leur propre vie », chez Erès: « Ma première réaction,  partagée par mes collègues de travail, a été d’expliquer ces témoignages par le fait qu’ils venaient de personnes non représentatives de la moyenne de la population hospitalisée ou qui étaient soignées sans leur consentement, et n’étaient donc pas en mesure de savoir ce qui étaient le mieux pour elles lors de leur hospitalisation » Ca a été sa réaction suite aux témoignages d’usagers déçus des soins en psychiatrie.

Ensuite, j’ai pensé aux travailleuses et travailleurs du sexe. Quand ils se réunissent en syndicat, quand ils disent choisir leur travail en connaissance de cause, quand ils demandent des droits et dénoncent la criminalisation de leurs activités, on leur répond « Vous êtes une exception. Vous n’êtes pas représentatifs ». Leur parole n’est audible quand s’ils disent vouloir sortir de la prostitution. Leur parole n’est audible que quand elle est confisquée, par les associations abolitionnistes la plupart du temps. Eux, ils ne savent pas ce qui est bon pour eux.

Il est frappant que la réaction à la demande d’une plus grande justice de la part de deux groupes marginalisés soit la même. Cette réaction, c’est celle d’un paternalisme bon ton: « On veut votre bien, vous ne savez pas ce qui est bon pour vous » ou « Toi, tu es une exception, tu ne peux pas parler pour les autres ». Cette réaction, c’est celle de ceux qui ne veulent pas entendre que ces groupes marginalisés peuvent très bien savoir ce qui est bon pour eux, mieux que n’importe qui d’autre. Celle de ceux qui justifient la maltraitance en psychiatrie ou la criminalisation de la prostitution, au nom du bien commun. Mais de quel bien commun? Celui des usagers et des travailleurs ou celui de la société? Cette société qui a une image du pauvre malade mental, de la pauvre prostituée et ne veut pas voir le quotidien des personnes derrière les images d’Epinal. Ca l’arrange, elle peut penser pour eux, car on ne laisse pas impunément penser les marginaux.

Qu’on ne s’y trompe pas, « Tu es une exception », ce n’est pas un compliment, c’est une façon de dire « Tais-toi ». Ca veut dire « Reste dans ta position de pris en charge, ne pense pas, ne critique pas, ne prends pas ta vie en main, ne nous dérange pas ».

Ce n’est qu’en parlant, en pensant, en critiquant, tous, chacun à notre niveau, que nous montrerons que nous ne sommes pas des exceptions et que nous pourrons faire changer les choses.

Pour des usagers de la psychiatrie acteurs de leur propre vie

« Le rétablissement par soi-même », Chantal Van Audenhove, Racine

Un livre pour lequel j’ai témoigné

9789401421584

Comment reconstruire sa vie pas à pas ?
Quelle place donner à ses vulnérabilités ?
Comment devenir son premier allié ?

Le rétablissement par soi-même décrit les petites et grandes victoires remportées par des personnes avec une vulnérabilité psychique. Ils témoignent ici, en paroles et en images, de leur parcours de rétablissement, de ce qui les a inspirés, de ceux qui les ont soutenus dans ce parcours. Leurs témoignages engendrent des recommandations pour des soins de santé mentale sur mesure, plus en phase avec leur identité et leurs besoins personnels.

Ces récits peuvent ouvrir de nouvelles pistes et perspectives aux responsables politiques, aux soignants de différentes disciplines, aux patients et aux aidants-proches. Comment entre-t-on dans un processus de rétablissement ? Quels sont les facteurs de réussite ou d’échec de celui-ci ? C’est à ces questions fondamentales et à d’autres questions connexes que ce livre tente de répondre.

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