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La guérison et le rétablissement

La guérison, j’ai en rêvé. Je l’ai souhaitée, attendue, j’ai pleuré parce qu’elle ne venait pas. Je comptais mes années des maladie, une année s’ajoutant inexorablement aux autres, de plus en plus longues, le tiers de ma vie, la moitié de ma vie.

La guérison, ça ne me concerne plus. Et je vais bien mieux depuis que je ne compte plus sur elle. Je n’ai pas guéri mais je me suis rétablie. Et c’est bien plus important. Quand on a une maladie chronique, attendre une guérison improbable, ça enferme dans la maladie. On se sent nulle de ne pas y arriver, à cette fameuse guérison, ce graal inaccessible. Un psychiatre m’avait dit « vous pourrez arrêter vos médicaments quand vous arrêterez de penser à ce que vous avez vécu ». Ca paraissait si simple, à portée de mains. Et pourtant, à force de se dire qu’on ne doit pas penser à quelque chose, on ne fait que penser à cette chose. C’est la même chose pour la guérison, à force de vouloir l’atteindre à tout prix, on ne fait que penser à la maladie.

Tandis que quand on se rétablit, on reprend le pouvoir sur sa vie, on apprend à vivre avec sa maladie, ses hauts et ses bas, ses forces et ses faiblesses. On apprend à être en paix avec soi-même. A ne pas se détester parce qu’on passe une journée au lit, à ne pas voir chaque bas comme un échec inexorable, à ne pas s’en vouloir parce qu’on va mal. Et étonnamment, mais l’est-ce vraiment, c’est comme ça que la maladie devient plus discrète, quand on l’accepte.

On peut continuer sa vie, aussi. Ne plus voir les années de maladie comme une parenthèse qu’on veut à tout prix refermer. Non, ces années, aussi difficiles ont elles été, ne sont pas une parenthèse. Elle m’ont construite, elles font celle que je suis aujourd’hui.

Je n’attends plus la guérison,  je n’attends plus le jour où ma vie reprendra, simplement parce qu’elle ne s’est jamais arrêtée.

Avoir peur et avancer

« Continuez à avoir peur, mais faites-le quand même. L’important, c’est l’action. Pas besoin d’attendre d’avoir confiance en vous. Lancez-vous, et la confiance suivra. »

Carrie Fischer, sur le fait de réaliser ses rêves malgré la maladie mentale.

C’est ma philosophie de vie, et jusqu’ici ça a plutôt bien fonctionné. J’ai décidé il y a longtemps de ne pas attendre d’aller bien pour faire les choses. Parce que j’allais mal tout le temps. On me conseillait de laisser tomber ce à quoi je tenais, pour me concentrer sur ma santé. Mais je ne crois pas que j’aurais retrouvé la santé mentale en me « concentrant » dessus. Je ne sais pas ce que c’est, d’ailleurs, se concentrer sur sa santé mentale. Je sais me concentrer sur ma vie, sur mes projets, me battre pour me lever le matin, me battre pour étudier et travailler, me battre pour sortir et croiser des gens, me battre même pour simplement rester en vie. Me battre contre moi et la maladie, je connais. Me concentrer sur quelque chose qui n’est plus là, non. J’ai décidé d’avancer malgré la peur, malgré l’angoisse, d’avancer un pas après l’autre et de voir où j’arriverais. Et oui, quand on se lance, quand on avance, la confiance vient parce qu’on voit qu’on arrive à faire des choses qu’on ne croyait pas pouvoir faire. Alors, petit à petit, on a moins peur de certaines choses, puis plus du tout. On peut avoir peur d’autres choses, des choses plus dures, plus grandes, et se lancer dans celles-là aussi, parce qu’on a pris confiance en soi, parce qu’on sait qu’on n’est pas mort d’avoir osé, de s’être battu, qu’on est même plus vivant qu’avant. Le combat contre la maladie m’a appris ce que je valais et m’a donné confiance en moi. Je ne dis pas que c’est facile, je ne dis pas que c’est sans chute douloureuse, mais ça en vaut la peine, d’affronter sa peur et son angoisse. Et quand on avance comme ça, cahin-caha, on finit parfois par croiser la santé sur le chemin, sans s’être concentré dessus, sans l’avoir attendue pour avancer.

« Le rétablissement dans la schizophrénie », Marie Koenig, PUF

Présentation de l’éditeur

La rencontre avec les personnes atteintes d’un trouble psychique nous apprend autant qu’elle nous confond. Elle vient parfois bousculer l’ensemble de nos savoirs communs et professionnels, au point de les dévoiler sous les traits de préjugés.
Dans le champ de la santé mentale, le nouveau paradigme du rétablissement (recovery) met en évidence ce décalage existant entre le vécu des personnes et les discours tenus à leur égard, en particulier dans le cas de la schizophrénie, qui demeure associée au trouble psychique le plus grave. Contre l’idée d’une détérioration inéluctable de la maladie, le concept de rétablissement postule la possibilité d’un devenir favorable des personnes qui en sont atteintes.
Le coeur de cet ouvrage consiste en une approche qualitative du rétablissement par le recueil et l’accueil de l’expérience des personnes atteintes de schizophrénie. Il décrit le vécu de ces personnes et met en lumière ce qui, dans leur quotidien, contribue à renforcer le sens de leur existence et à les éloigner d’une identité de « malade ».

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Biographie de l’auteur

Marie Koenig est docteur en psychologie clinique. Elle exerce en tant que psychologue au centre hospitalier René Dubos à Pontoise et est chargée de cours à l’université Paris 8. En parallèle, elle travaille au Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS, Lille) pour la recherche et la formation en santé mentale.

« Santé mentale :guérison et rétablissement », collectif, John Libbey

Présentation de l’éditeur

Peut-on parler de guérison dans le champ de la santé mentale ou devrait-on parler de rétablissement ? Quelles significations attribuer à ces concepts dans un domaine où la pathologie est marquée du sceau de la chronicité et empreinte de représentations stigmatisantes ? Quelles applications concrètes l’émergence de ces concepts en santé mentale engendre-t-elle en termes de pratique clinique et de politique de santé publique ? Cet ouvrage aborde les notions de guérison et de rétablissement en santé mentale d’un point de vue théorique, clinique et expérientiel par des auteurs issus de divers horizons. La mise en perspective de ces regards croisés (chercheurs en sciences sociales, cliniciens et usagers) vise l’élaboration de savoirs complexes et inédits autour de questions constituant des enjeux fondamentaux de la recherche contemporaine en santé mentale. En France, l’approche du rétablissement en santé mentale est encore très peu abordée aussi bien sur le plan de la recherche scientifique, que dans les services de santé mentale. Les auteurs souhaitent ainsi sensibiliser le public à ces approches novatrices tout en produisant de nouvelles connaissances dans le champ de la sociologie de guérison.

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Biographie de l’auteur

Catherine Déchamp-Le Roux est sociologue, professeur à l’Université de Lille 1 et chercheur au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques. Florentina Rafael est chercheur en santé publique et consultante en épidémiologie.

La revanche du patient

En diagnostiquant sa schizophrénie à l’adolescence, son psychiatre le prévient qu’il ne pourra jamais travailler ni avoir de vie sentimentale. Luc Vigneault, par revanche sur le destin, lui démontre le contraire. Conférencier, auteur et chargé de cours, il promeut l’approche du rétablissement, une technique qui repose sur l’espoir et le pouvoir d’agir sur sa propre vie. Aujourd’hui, il n’entend plus de voix, mais s’efforce de faire résonner la sienne afin de changer les perceptions et de sauver des vies.

« Le rétablissement par soi-même », Chantal Van Audenhove, Racine

Un livre pour lequel j’ai témoigné

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Comment reconstruire sa vie pas à pas ?
Quelle place donner à ses vulnérabilités ?
Comment devenir son premier allié ?

Le rétablissement par soi-même décrit les petites et grandes victoires remportées par des personnes avec une vulnérabilité psychique. Ils témoignent ici, en paroles et en images, de leur parcours de rétablissement, de ce qui les a inspirés, de ceux qui les ont soutenus dans ce parcours. Leurs témoignages engendrent des recommandations pour des soins de santé mentale sur mesure, plus en phase avec leur identité et leurs besoins personnels.

Ces récits peuvent ouvrir de nouvelles pistes et perspectives aux responsables politiques, aux soignants de différentes disciplines, aux patients et aux aidants-proches. Comment entre-t-on dans un processus de rétablissement ? Quels sont les facteurs de réussite ou d’échec de celui-ci ? C’est à ces questions fondamentales et à d’autres questions connexes que ce livre tente de répondre.

Les voix dans ma tête

À tout point de vue, Eleanor Longden était comme les autres étudiant, se dirigeant vers l’université d’un pas alerte et sans le moindre souci. C’était avant que les voix dans sa tête ne commencent à parler. D’abord inoffensifs, ces narrateurs internes sont devenus de plus en plus hostiles et dictatoriaux, transformant sa vie en un cauchemar éveillé. Diagnostiquée schizophrène, droguée et finalement abandonnée par un système qui ne savait pas l’aider, Longden raconte l’histoire émouvante de son long retour à la santé mentale, et démontre que c’est en apprenant à écouter ses voix qu’elle a réussi à survivre.

Ce qui me gêne dans le « Tu es courageuse »

Les pratiques de réadaptation exemplifient, en l’exacerbant même, le paradigme de la « normalité moyenne ». Tous les efforts convergent pour que les personnes handicapées puissent être assimilées au lot commun. L’individu stigmatisé s’efforce de répondre aux normes sociales et « s’il parvient à trouver un emploi et à fonder une famille, on dit de lui qu’il « a su faire quelque chose de sa vie » « . Ces « héros de l’adaptation » se rapprochent, en dépit du stigmate, d’une certaine normalité; « normalité fantôme » cependant, puisque leurs actions restent interprétées à la lumière du stigmate. L’épreuve privée du handicap et l’idéologie de la réadaptation nourrissent une psychologisation du handicap, lequel est pensé comme une épreuve à « surmonter » exigeant une constitution psychique forte et volontaire. La réponse à l’épreuve est binaire: on la surmonte ou non.

« Introduction à la sociologie du handicap », Ville, Fillion, Ravaud, éditions de boeck, p.112

Le problème avec le développement personnel appliqué à la schizophrénie

Déjà, le problème avec le développement personnel tout court, c’est qu’à force de vouloir une vie parfaite et être heureux tout le temps, on finit par se gâcher la vie et à être éternellement insatisfait. Parce qu’on n’arrive jamais à appliquer toutes ces recettes magiques, ces petits trucs qui ont l’air si simple et dont regorgent ces livres qui puent la guimauve. Personnellement, à force des les brasser par dizaines au travail, je finis par avoir des nausées.  Il y en a bien un ou deux qui vous expliquent en quoi le bonheur est un piège et ne penser qu’à ça la meilleure façon de se rendre malheureux, mais il faut bien les chercher avant de tomber dessus.

Mais quand on commence à appliquer le développement personnel à la schizophrénie, là, ça craint vraiment. C’est pourtant ce que fait la page facebook de Janssens, Schiz’autrement. Vu le nom de la page, on espère une vision nouvelle de la maladie, échapper aux bons conseils de monsieur et madame tout le monde (les mêmes qui viennent acheter en librairie « La Vie en rose, mode d’emploi » pour quelqu’un qui fait une dépression) ou au négativisme habituel et à l’infantilisation qu’on peut rencontrer dans certaines associations de proches. Bien, bien, bien.

Sauf que… non, pas du tout.

Déjà, sachez que le famille est essentielle pour s’en sortir. Vous n’avez pas de famille, une famille dysfonctionnelle ou aucune envie, comme le conseille Schiz’autrement, que vos proches vous accompagnent chez le psychiatre et tiennent un calendrier de vos symptômes? Tant pis pour vous, vous ne vous en sortirez pas. Ca vaut également pour le travail et la créativité. essentiels pour s’en sortir eux aussi. Donc, devenez un artiste qui a un bon travail et une famille sympa si vous voulez aller mieux. Facile, non?

Heureusement, Schiz’autrement nous donne des conseils concrets pour y arriver. Et c’est là qu’on tombe en plein dans le développement personnel et les bons conseils qu’on n’en peut plus d’entendre depuis qu’on est tombé malade. Mais puisque c’est une firme pharmaceutique qui nous le dit, et pas notre voisin de palier, allons voir ce qu’il en est.

« La vie n’est pas un problème à résoudre, mais une réalité à expérimenter »: certes, sauf que mon équilibre dépend d’un problème qui risque bien de durer toute ma vie ou au moins quelques décennies.

« Le bonheur est un art à pratiquer comme le violon »: et tant pis pour toi si tu ne sais pas jouer du violon, ou seulement par intermittence, le bonheur ne sera pas pour toi.

« Quoique que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie. »; l’angoisse qui paralyse? Connais pas! Ton rêve est délirant? C’est pas grave, vas-y à fond, c’est Janssens qui te le dit.

« Le bonheur le plus doux est celui que l’on partage »; bonne idée de dire ça à une population majoritairement célibataire et sans enfants. Tu es arrivé à trouver du bonheur dans des activités solitaires? C’est pas terrible, sache-le, les autres sont beaucoup plus heureux que toi.

« Quand on ne peut revenir en arrière, on ne doit que se préoccuper d’aller de l’avant »: traumatisé par l’HP, par la maladie? C’est bon, arrête et pense à autre chose!

« Le moment présent a un avantage sur tous les autres: il nous appartient »: tu te diras ça la prochaine fois que l’angoisse te détruira: au moins ce moment est à toi, profites-en!

« Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit »; et c’est reparti pour le couplet « on est tous un peu fous », sous-entendu: ne fais pas une telle histoire avec ta maladie.

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Bon, vous avez compris l’esprit. Heureusement, entre chaque aphorisme, Janssens nous rappelle l’importance de prendre son traitement (faudrait pas non plus perdre de vue le but véritable de la page). Parmi les gens commentant la page, il y a ceux qui trouvent ces conseils pertinents et ceux qui les remettent en cause. D’un côté les proches, de l’autre les schizophrènes (c’est juste une intuition). D’un côté ceux que ça rassurent, de l’autre ceux qui se sentent encore plus mal de ne pas être à la hauteur.

Allez, encore un aphorisme pour terminer: « Vivre sans espoir, c’est cesser de vivre ». Ben oui, c’est pour cela que tant de schizophrènes se suicident.

Merci Janssens pour les conseils, mais non merci. Définitivement, je n’aime pas la guimauve.

« Je suis une personne, pas une maladie! », collectif, Performance

Les personnes atteintes de maladies mentales décrites auparavant comme irrécupérables peuvent maintenant avoir une vie pleinement épanouie. C’est pour donner espoir à ces gens qui se croient condamnés à vie, à leurs proches ainsi qu’aux intervenants en santé mentale que ce collectif d’auteurs prend la parole aujourd’hui. Animé par l’engagement et la détermination de Luc Vigneault, pair aidant en santé mentale (l’intégration en tant que professionnels, dans les équipes soignantes, de personnes ayant vécu un trouble psychique et s’étant rétablies, se développe de plus en plus) et de la Docteure Marie-Luce Quintal, psychiatre, ce collectif propose un modèle illustrant le parcours du rétablissement. Concept anglo-saxon, porté par des mouvements d’usagers, le processus du rétablissement décrit un cheminement personnel pour se remettre de la maladie et se réinsérer dans la société. Pour les soignants, cela suppose un accompagnement sur le long terme et axé dès le début vers une reprise en main de sa vie par la personne. Ce livre propose des témoignages vécus de l’intérieur et soutenus de l’extérieur par des professionnels passionnés et animés d’une même folie : faire du rétablissement la pierre angulaire du traitement et du soutien des personnes vivant avec un trouble mental. Souhaitons que ce livre pose un jalon de plus dans la mise en place d’un système de soins soutenant véritablement les personnes qui crient haut et fort «Je suis une personne, pas une maladie !».

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