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Groupe de parole sur la contention

recits et contention

Etre privé – ne fut-ce qu’un moment – de sa liberté de mouvement, de sa liberté tout court… Cela existe.

 

Il ne faut pas aller spécialement en prison pour cela…

En Belgique, de nombreux usagers de la psychiatrie

ont vécu cette situation difficile d’avoir été « contenu ».

 

Que disent-ils de cette expérience souvent douloureuse? Qu’en pensent-ils? Quelles questions se posent-ils? Et les proches de ces usagers? Les professionnels?

Les paroles ont du mal à se libérer surtout, au sein même des institutions.

Récits et

Contention*

 

« Récits et contention » est un groupe de parole ouvert à toute personne ayant été confrontée à une mesure de contention en psychiatrie: usagers, professionnels et proches.

 

Nous entendons par « contention » la contention mécanique : sangles, liens divers, bâche… mais également, la chambre d’isolement. La contention chimique par l’administration de  drogues ou de médicaments peut être abordée aussi.
« Récits et contention » est un groupe de l’Autre « lieu ». Il a lieu sur une période limitée entre janvier et juin 2016 chaque second vendredi du mois entre 17h et 18h30 à l’Autre « lieu », rue Marie-Thérèse 61 à Saint-Josse.

« Récits et contention » est un groupe ouvert et confidentiel, il n’y a pas d’obligation à participer à l’ensemble des six groupes. Aucune participation financière ne sera demandée. Pas d’inscription préalable.

 

Contact

L’Autre « lieu »

Aurélie Ehx

aurelie.ehx@autrelieu.be

02 230 62 60

 

Détecter la psychose avant qu’elle ne naisse

Par figaro iconSoline Roy – le 27/08/2015

Des chercheurs tentent de développer un test sanguin pour dépister, parmi des sujets à très haut risque, ceux qui développeront une schizophrénie. Objectif : les traiter très tôt pour atténuer, voire éviter, la maladie.

Taciturne, renfermé, colérique, un brin parano et des résultats scolaires en chute libre… Bien des parents soupirent devant ces signes classiques de la crise d’adolescence. Mais chez 1 % des 14-27 ans, ils cachent un risque réel: celui de développer une psychose, au premier rang desquelles la redoutée schizophrénie. Un dépistage précoce des 20 à 30 % de ces sujets à risque qui développeront une psychose est essentiel, car le pronostic d’évolution dépend beaucoup de la rapidité de prise en charge.

Or différencier une mauvaise passe de signes avant-coureurs de la maladie n’est pas chose aisée, en particulier chez l’adolescent à propos duquel les neurosciences ont montré que les structures cérébrales (comme ses comportements) sont «normalement anormales». Ces symptômes peuvent être sujets à mille interprétations de la part des familles, dont certaines affichent une singulière tolérance à des déviances inquiétantes – quand ce ne sont pas les jeunes eux-mêmes qui cachent les plus graves, notamment les hallucinations.

Symptômes non spécifiques

Les médecins, en particulier les non-spécialistes, ne sont pas mieux armés: les prodromes de la maladie, signes annonciateurs d’une possible schizophrénie débutante, ne lui sont pas spécifiques, pas plus que les facteurs de risque. «Un même type de stress pourra favoriser chez l’un une dépression, chez l’autre une schizophrénie et chez un troisième rien du tout selon la façon dont le cerveau est “câblé” ou prédisposé», explique le Pr Marie-Odile Krebs, chef de service à l’hôpital Sainte-Anne (Paris) et directrice de recherches Inserm-université Paris-Descartes.

D’où l’idée de développer des techniques pour affiner le diagnostic au plus tôt, idéalement avant même la première crise psychotique. Publiée en juillet dans Translational Psychiatry, une étude menée par l’équipe du Pr Krebs avec l’université de Cambridge propose ainsi un test sanguin basé sur l’analyse de 26 biomarqueurs moléculaires, qui ont permis d’identifier, parmi des sujets à très haut risque, 92 % de ceux qui allaient développer une psychose dans les dix-huit mois suivant le prélèvement sanguin. «Ces marqueurs ont été mis en évidence sur plusieurs cohortes, précise Marie-Odile Krebs. Nous avons réduit leur nombre et affiné leur valeur prédictive, pour obtenir un test potentiellement utilisable en pratique clinique.»

Maturati

Ce test est encore loin d’être prescrit en routine dans les services spécialisés et il ne saurait être question de l’utiliser sur l’ensemble de la population, avertit la chercheuse. «La plupart de ces marqueurs sont en lien avec des facteurs de plasticité neuronale ou des processus immunitaires et ne sont pas spécifiques à ce que l’on sait de la biologie de la schizophrénie. On les retrouve dans la dépression, le vieillissement…», précise le Pr Krebs. Il ne peut donc s’agir que d’un outil supplémentaire au service du traditionnel diagnostic clinique posé par un spécialiste.

En revanche, les résultats «renforcent l’idée que les processus menant à la schizophrénie sont liés à la maturation cérébrale et à la neuroplasticité», explique la psychiatre. La schizophrénie, dont le risque est à son apogée entre 15 et 30 ans, «est largement liée à cette période de mutation qu’est l’adolescence, qui voit s’opérer une véritable transformation du cerveau». Et la chercheuse de rêver à un médicament spécifique à cette phase prodromique de la maladie, les antipsychotiques n’ayant pas prouvé leur efficacité dans ce cadre.

Prises en charges spécialisées

En attendant, les thérapies comportementales (permettant par exemple d’apprendre à gérer le stress) ou psychosociales (pour éviter notamment la consommation de toxiques, hautement associée au risque de développement d’une psychose) sont des pistes thérapeutiques de plus en plus utilisées . La simple prise d’oméga-3 en est une autre, qui doit encore prouver son efficacité.

«Des prises en charge spécialisées adaptées lors de cette phase prodromique chez des sujets à très haut risque pourraient permettre d’atténuer, voire de ne pas entrer dans la maladie, en renforçant la capacité de leur cerveau à passer outre à une éventuelle fragilité, estime la psychiatre. Dans les pays qui ont mis en place des programmes de détection et d’intervention précoces, le taux de transition, c’est-à-dire le pourcentage des patients à risque qui développent une psychose, a chuté de quasiment un tiers.»


Scruter le discours par ordinateur

Autre piste, une étude américaine de l’Université de Columbia, publiée dans NPJ-Schizophreniaassocie informatique et grammaire pour détecter les psychoses débutantes. Fenêtre sur l’esprit, la parole est ici au centre du jeu: des entretiens menés avec des sujets à haut risque ont été analysés par ordinateur pour étudier les spécificités sémantiques (le sens de leur discours) et syntaxiques (sa structure). Ces variables, susceptibles de révéler une pensée désorganisée, sont déjà scrutées par les praticiens, mais elles seraient mesurées avec plus de précision par la machine estiment les auteurs. Leur programme aurait identifié avec succès les 5 patients (sur une trentaine) qui allaient connaître un épisode psychotique dans les années suivantes. Reste à savoir si, sur un plus grand nombre de participants, le psy de silicium ferait toujours mieux que celui en chair et en os.

http://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/08/27/24051-detecter-psychose-avant-quelle-ne-naisse

Psy 107 : « des lieux à haute température institutionnelle « : un article du CBCS

Psy 107 : « des lieux à haute température institutionnelle « 

Pour la plupart des gens, la réforme Psy 107 reste un projet, disons… nébuleux. C’est bien là le nœud du problème, s’exclame L’Autre « lieu » ! D’abord très enthousiaste, l’asbl a peu à peu déchanté : « la réforme reste centrée sur une logique hospitalière alors qu’elle est censée se déployer dans les milieux de vie », résume Aurélie Ehx, chargée de projet au sein de l’association. Interview et éclairages sur la réforme et ses équipes mobiles, à travers un certain regard critique.

BIS+ : Pour L’Autre Lieu [1] que signifie cette réforme ?

Au départ, on ne peut pas s’empêcher de penser au mot « réforme » ; ça n’est pas n’importe quel mot ! Appliqué au champ de la santé mentale, on a envie de se dire que c’est une opportunité de désinstitutionnalisation qui pointe le bout de son nez. Malheureusement, la « réforme » à laquelle on est en train d’assister s’est finalement plus orientée vers un simple processus de déshospitalisation… Au départ des fonctions et des différents projets 107 semble se recréer une sorte de circuit standardisé de soins dans lequel on reproduit des lieux à haute température institutionnelle. Pour nous, cette réforme est une phase d’un processus qui cherche à faire en sorte qu’il y ait des institutions pour prendre soin des gens dans le milieu de vie. C’est intéressant. Mais la transformation, par rapport à ce qui pourrait être réalisé ou inventé reste assez faible. Il y a toujours une dominance énorme de l’hôpital psychiatrique. Il suffit de se pencher sur l’aspect budgétaire : tous les moyens financiers (et donc aussi humains) sont mis du côté de l’hôpital. Quoi qu’on en dise, cela se répercute directement sur les manières de faire et de penser, pas seulement au niveau des professionnels de la santé mentale, mais aussi au niveau du public.

Initier une réforme des soins de santé mentale, c’est se demander que faire quand le mal-être survient ; c’est explorer comment trouver son chemin au sein des différents services ; c’est repérer les ressources susceptibles de nous aider (et celles-ci peuvent être très éloignées d’un circuit de soin stricto sensu) ; mais c’est aussi explorer la manière dont la communauté peut prendre soin de ceux qui, à un moment de leur vie, se sentent plus vulnérables. Le logement, l’emploi, les dispositifs d’insertion, les associations socioculturelles sont des bases essentielles pour reprendre pied en cas de coup dur. Et si c’est important de pouvoir s’appuyer sur des équipes de réhabilitation psychosociale (comme le propose l’une des fonctions de la réforme), faire coopérer les acteurs non spécialisés à des politiques de santé mentale plus inclusives nous semble l’être tout autant.

BIS+ : On poursuivrait donc sur la voie de la médicalisation, de la standardisation…

Disons que pour faire santé mentale, il faut – bien sûr – prendre en compte les soinsmais aussi tout un ensemble de déterminants sociaux qui contribuent tant à la prévention qu’à la restauration d’un certain bien-être. Et donc il s’agit de s’appuyer sur un système constitué de l’ensemble des éléments qui contribuent au maintien de l’état de santé mentale des personnes. C’est donc un système plutôt ouvert, un système qui est directement articulé aux actions et organisations socio-culturelles qui sont au cœur de la vie dans le tissu social ; ce sont les associations de quartier de toutes sortes (maisons de jeunes, ateliers culturels, clubs de sport, bars socio-culturels…). En d’autres termes, la santé mentale, ce n’est pas qu’une affaire de blouses blanches.

BIS+ : Selon vous, la réforme ne ferait que déplacer le médical à l’extérieur de l’hôpital. Mais parfois, la médicalisation, l’hospitalisation est la seule accroche possible…

Evidemment. Comme il ne faut pas oublier que certains d’entre nous souffrent de troubles psychiques très sévères qu’il s’agit de ne pas prendre à la légère.
A l’Autre « lieu », Si certains des objectifs de cette réforme nous semblent pertinents (comme le fait d’axer davantage les soins de santé mentale sur la collectivité et de se baser sur les besoins de la personne en partant de son milieu de vie), cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux controverses qu’elle ne manque pas de faire surgir. Dans un monde qui prône les politiques d’activation et sanctionne tout ce qui s’éloigne de la norme, comment appréhender des troubles psychiques d’origine sociale en constante augmentation ? Comment permettre aux personnes de trouver leur propre chemin, celui qu’elles auront choisi, au sein d’un réseau préétabli de professionnels ? Comment proposer aux gens une métamorphose d’eux-mêmes s’ils sont intégrés dans un dispositif qui les normalise ?

BIS+ : Quelle différence alors dans votre manière de travailler avec la folie ?

Dans le contexte qui est le nôtre à l’Autre « lieu », on a l’impression que les paradigmes médicaux généraux (l’urgence, la crise, l’aigu et le chronique, le diagnostic, la causalité linéaire, le dossier médical…) semblent, seuls, insuffisants pour aborder une réalité bien plus complexe. Nous pensons que, plus les dispositifs seront multiples et variés, plus les systèmes d’aide et de soins seront décloisonnés, plus de nouveaux espace-temps (moins spécifiques au traitement du trouble mental) pourront émerger, assurer une continuité de présence et permettre le cheminement un peu plus sinueux (mais non moins riche ?) de ceux d’entre nous qui en auront besoin.

Ce qui est important pour nous, c’est de voir quels sont les choses qui sont difficiles pour une personne en souffrance. Cela peut être des rapports difficiles avec les proches, une solitude subie ou compliquée à supporter au quotidien, cela peut être la peur des autres, de leurs jugements, ou de l’indifférence du monde extérieur. Parce que c’est dans ces situations de vie de tous les jours qu’on arrive à comprendre et à déplier un problème. Quand on parle avec les personnes qui fréquentent l’Autre « lieu », c’est dans ces contextes-là qu’ils pensent leurs problèmes. Alors, l’hôpital est une structure intéressante parce que, parfois, il faut mettre une certaine distanciation : cela constitue une option qui peut soulager une personne et son entourage. Mais cela ne doit pas constituer la perspective de travail dominante.

BIS+ : On passerait à côté de tout le volet « opérationnalisation sur les milieux de vie ». Mais n’existe-t-il pas tout simplement un manque de moyens pour mener à bien ce processus ?

Je pense qu’il y a à peu près une dizaine de pour cent des moyens (des lits) qui sont impliqués dans la « réforme » actuelle à travers le 107. Ces moyens, ils ont été convertis afin de mettre sur pied des équipes mobiles. Mais la majeure partie des moyens de la santé mentale restent affectés à l’hospitalier. Nous pensons qu’il faut inverser cette tendance. La question n’est pas d’augmenter les moyens généraux en santé mentale mais bien de répartir ces moyens différemment.

BIS+ : Intégrer la communauté au niveau politique représente sans doute aussi une gageure…

C’est certain ; ça n’est pas évident mais cela fait émerger de belles questions : comment les populations et leurs autorités locales peuvent-elles prendre en considération les questions liées à la folie et éviter ainsi d’en faire seulement une question de spécialiste ? Comment éviter les stigmatisations à la base de discriminations multiples ? Bon, peut-être que la réponse à ces questions se trouve dans l’accueil des personnes en souffrance dans des lieux généralistes et/ou aspécifiques.

La nécessité d’une éducation générale du grand public au trouble mental se pose d’une manière particulièrement importante dans le cadre de cette réforme. Et la participation de la société à la réflexion peut se faire à travers des lieux d’expériences, au travers d’activités diverses ouvertes à tous où sont prévus des temps de partage des vécus de chacun. Il s’agit peut-être de réactiver les systèmes d’échanges présents dans nos sociétés et de prendre en considération l’apport (sur le plan symbolique) de chacun d’entre nous.

BIS+ : Proposer un « aller mieux » au domicile ne permettrait pas à la personne de travailler sur d’autres hypothèses. Cela revient-il à contenir plutôt que libérer ?

C’est ce qui nous préoccupe à l’Autre Lieu : nous avons cette crainte que les gens n’aient plus l’occasion de pouvoir s’aménager leur trajectoire pour pouvoir se transformer.

Notre boulot, c’est de combattre la limitation de l’autonomie, du gouvernement de soi, la limitation de la responsabilisation des personnes. Si nous voulons opérer une transformation auprès des personnes que nous rencontrons, nous devons explorer les demandes de manière globale et non pas seulement à travers la lorgnette médicale, et revenir à cette question, différente pour chacun : de quoi la personne est-elle preneuse ?

Parfois, cela demande de faire tout un travail sur l’envie parce que certaines personnes sont tellement détruites qu’elles n’ont plus envie de rien. Alors, cela prend du temps. Mais, à un moment donné, ça prend…

BIS+ : Face à de tels constats, comment L’Autre « lieu » peut continuer à avancer sans tomber dans une critique stérile ?

Nous avons opéré un retrait que nous pourrions qualifier de « fécond » pour pouvoir conserver une liberté critique ; nous souhaitons pouvoir interroger cette réforme tout en étant des alliés (L’autre « lieu » n’est pas inscrit dans le réseau HermesPlus de la réforme Psy107, mais soutient certains de leurs projets, ndlr). Depuis le début de l’Autre « lieu », la structure a toujours été à la recherche d’autres moyens d’agir : comment penser autrement les façons de concevoir le soin de santé mentale ? Comment travailler autrement avec nos membres ? Comment travailler le malaise psychique au départ d’un principe d’incertitude ?…

A nos yeux, l’intérêt de cette réforme est d’en faire autre chose, moins prescriptif, plus inventif. Nous détectons un grand nombre d’éléments qui ne nous séduisent pas, mais nous espérons qu’il est encore possible de redresser la barre, que rien n’est encore complètement figé.

Interview réalisée par S. devlésaver, CBCS asbl (le 7/04/2015), avec la précieuse collaboration de Aurélie Ehx, L’Autre « lieu ».

BON A SAVOIR, BON A LIRE !

En tant que service d’Education permanente, l’Autre « lieu » développe et soutient des initiatives qui concourent à éviter l’abandon des personnes en souffrance psychique ainsi que leur stigmatisation. Il fait le pari que ces personnes puissent, autant que possible, reprendre en main leur propre vie et leur place de citoyen dans la Cité. Ainsi, la créativité culturelle et sociale, des recherches-actions en santé mentale et des campagnes d’information participent de ce processus qui vise aussi à sensibiliser un large public, les professionnels et les décideurs politiques.
Pour avoir un aperçu de ces publications.

« On dit lutter contre l’anorexie mais on lutte contre les malades »

L’Assemblée a voté en faveur d’un délit d’incitation à l’anorexie. Pour le sociologue Antonio Casilli, qui a participé à un rapport sur les sites « pro-ana », la répression est contre-productive.

Cachez cette maladie que je ne saurais voir. L’Assemblée nationale a créé, dans la nuit de mercredi à jeudi, un nouveau délit, puni d’un an d’emprisonnement et de 10.000 euros d’amende visant à réprimer l’incitation à la maigreur excessive, notamment de la part de sites internet pro-anorexie (ou « pro-ana »).

Cet amendement, voté par les députés dans le cadre de la loi Santé, proscrit désormais le fait de « provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé ».

Antonio Casilli, sociologue à Télécom ParisTech, a participé à « Anamia », une étude européennefinancée par l’Agence nationale de recherche, qui présentait fin 2013 les résultats de quatre années de recherches sur ces sites « pro-ana » et « pro-mia » (boulimie). Pour lui, la mesure du gouvernement ne va pas dans le bon sens.

Que pensez-vous de cet amendement ?

– On va jeter en prison des personnes qui souffrent de troubles alimentaires (anorexie, boulimie, hyperphagie, etc.) simplement parce qu’elles en ont parlé sur internet. Au prétexte de lutter contre la maladie, on lutte contre les malades. Cet amendement relève d’une grande méconnaissance du terrain. Le texte n’évoque qu’un seul article scientifique, datant de 2006. C’est peu dire qu’il est suranné, mais en plus il est pompé de la version anglaise de la page Wikipédia « pro-ana ». Le sujet a beaucoup évolué. Les chercheurs qui ont travaillé sur Anamia sont les premiers au monde à avoir étudié les interactions sur ce type de sites. Nos conclusions sont à l’opposé de cette loi liberticide et mal renseignée.

Vos recherches ont démontré que parler d’anorexie ne revient pas à en faire son apologie…

– Les personnes qui souffrent de troubles alimentaires ont besoin d’un espace de parole où elles rencontrent des gens avec le même type d’expérience. Ces maladies sont bouleversantes et le fait de s’exprimer sur le sujet ne constitue pas une apologie, mais le symptôme même qui se manifeste. Dans certains cas, des personnes vont tenir des propos provocateurs, qui sont en fait le signe d’une grande détresse. Au lieu de les aider, on annule le problème en les mettant en prison. Ces personnes n’ont pourtant pas d’espace pour en parler dans le cadre du système de santé actuel, qui manque de ressources, de moyens et de personnel. Cette loi est démagogique, elle s’en prend à la mauvaise cible.

Les sites sur l’anorexie peuvent aussi être des espaces d’entraide ?

– Oui, certains sites proposent un soutien émotionnel ou pratique, en orientant vers les soins, par exemple en recommandant des médecins spécialisés. Dans plusieurs cas, les personnes que nous avons interrogées pour notre étude habitaient dans des déserts médicaux. Pour elles, faire des recherches sur internet intervient en tant que complément des soins médicaux ou à défaut d’y avoir accès.

Quelles peuvent être les conséquences de cette loi pour les personnes qui souffrent de troubles alimentaires ?

– Probablement un effet de déplacement des blogs et des sites vers des lieux encore plus cachés. Nous allons rentrer dans une phase encore plus extrême de clandestinité, qui s’est déjà aggravée depuis 2010 avec ce climat de censure généralisée. Le risque, c’est que les familles, les spécialistes ou les associations n’aient plus accès à ces sites web. Or, il n’existe pas de patient idéal, qui arrive « pur » chez le médecin. En général, ils sont allés chercher des infos sur internet, sont entrés en contact avec des forums qui parlent de ça. Pour pouvoir continuer à faire ça, il faut que ces espaces restent libres. Il faut créer des passerelles entre le corps médical et ces lieux d’expression.

Le rapporteur, Olivier Véran, explique que la loi fera le distingoentre les sites qui relèvent d’une détresse et ceux qui promeuvent l’anorexie. Vous y croyez ?

– C’est non seulement impossible, mais en plus c’est faux. Les députés se déresponsabilisent en disant qu’ils vont en parler lors du décret d’application, en prétendant pouvoir faire la différence entre les « bons » et les « mauvais » anorexiques, et que seuls les « mauvais » anorexiques iront en prison. En réalité, la parole des malades est complexe, imbriquée, il y a une ambivalence impossible à décrypter.

Cette loi est une atteinte grave à la liberté d’expression sur internet qui s’inscrit dans une longue série (loi Santé, loi renseignement, loi anti-terrorisme, loi de programmation militaire). On note un « pattern » qui consiste à réprimer d’entrée internet de façon bête et méchante.

Selon vous, pourquoi les conclusions de votre rapport ont-elles été ignorées ?

– C’est paradoxal, car notre étude a été financée par l’Etat, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Mais nos recommandations ont été ignorées, alors même que Manuel Valls incite les chercheurs à prendre des positions politiques. C’est absurde et insoutenable.

Comment comptez-vous réagir ?

– En fédérant les associations, les professionnels de santé et les groupes d’usagers (malades, parents, famille) et réfléchir à ce que l’on peut faire. L’amendement est passé à 0h59, empêchant tout débat. Il reste l’espoir, très improbable, qu’un député propose un nouvel amendement qui irait contre celui-ci. Le Sénat pourrait aussi jouer son rôle de garde-fou et le reprendre. Mais nous sommes dans un combat de David contre Goliath.

Propos recueillis par Amandine Schmitt le 3 avril

http://tempsreel.nouvelobs.com/les-internets/20150403.OBS6405/on-dit-lutter-contre-l-anorexie-mais-on-lutte-contre-les-malades.html

«The Voices», encore un film qui véhicule une image trompeuse de la schizophrénie

The Alphabet Killer, Butcher Boy, Fous d’Irène, Psychosomatic ou plus récemment The Voices sont autant de films qui donnent au public une vision négative et «inexacte» de la schizophrénie, explique David Crepaz-Keay dans un article du Guardian.

Lui-même ayant été diagnostiqué schizophrène il y a 35 ans, il se questionne:

«Pourquoi la schizophrénie est-elle représentée négativement à l’écran?»

«Une récente étude sur plus de 40 films sortis entre 1990 et 2010 montrait que plus de 80% des personnages principaux diagnostiqués schizophrènes faisaient preuve d’un comportement violent et presque un tiers étaient dépeints comme des meurtriers», mentionne David Crepaz-Keay.

 Mais, «près de 220.000 citoyens du Royaume-Uni vivent avec cette maladie. Si un tiers d’entre nous étions réellement des tueurs, le nombre de nos victimes aurait de quoi rendre fier Quentin Tarantino», souligne-t-il.

David Crepaz-Keay travaille pour la Mental Health Foundation et raconte avoir eu l’opportunité de rencontrer de nombreuses personnes affectées par une maladie mentale, dont la schizophrénie. Des individus qui, malgré leur diagnostic, ont «réalisé de grandes choses».

«Les personnes atteintes de maladies mentales sont plus susceptibles d’être les victimes de crimes que leurs auteurs», soulignait d’ailleurs le 20 mars Sue Baker, directrice de l’association caritative Time to Change. «La grande majorité des personnes qui entendent des voix ne représentent aucune menace», ajoute-t-elle.

Sue Baker dénonce donc le film The Voices, dont l’histoire est celle d’un meurtrier recevant l’ordre de tuer ses victimes par les voix dans sa tête.

«The Voices est un film irresponsable qui nourrira des stéréotypes préjudiciables sur les personnes atteintes de maladie mentale, particulièrement les personnes qui entendent des voix –une chose rarement comprise.»

Ce film a «le potentiel de détruire certains progrès faits ces dernières années en changeant l’attitude du public», estime-t-elle.

http://www.slate.fr/story/99595/films-image-trompeuse-schizophrenie#xtor=RSS-2 (avec la bande-annonce)

La révolution des « patients experts »

Ils refusent d’être des marionnettes, discutent sur un pied d’égalité avec leur médecin, soutiennent les autres malades. Devenir expert de sa santé, c’est possible.

 « De victime, je suis devenu acteur de ma santé, puis  » personne ressource « , à la fois pour les autres malades et pour les soignants », résume Luigi Flora, précurseur canadien. Un retournement de plus en plus fréquent, qui révolutionne le monde de la médecine.

L’impact du sida

Face au raz-de-marée du sida, et face aussi à l’impuissance des médecins, qui mettront pourtant seulement trois ans à découvrir le virus (VIH) responsable de cette maladie, les personnes infectées s’organisent en associations. Et créent des groupes de parole d’un nouveau genre, ainsi que des services d’information, comme l’explique Philippe Barrier (1), philosophe et docteur en sciences de l’éducation, également diabétique se présentant comme« patient chronique » : « Tout est venu de là. Grâce à des associations comme Aides ou Act Up, les malades ont appris à assumer leur maladie, mais aussi à en faire un combat politique. »
Tout au long des années 1990, les patients s’informent entre eux sur le mal qui les frappe ainsi que sur les traitements, et apostrophent les médecins : à quand la trithérapie, déjà disponible aux États-Unis ? Ces symptômes ne sont-ils pas ceux d’un cytomégalovirus ? Les réseaux s’organisent, et les médecins engagés dans ces associations initient eux aussi un changement de posture décisif dans la relation soignant-soigné en acceptant de se mettre en position de chercher, comme les malades (2).
Avec l’apparition d’Internet, pas une maladie qui ne génère ses sites de patients, ses blogs, ses informations pratiques, y compris pour les proches. Ce qui se révèle alors le plus précieux, c’est « l’expérience des malades ». Le dispositif d’annonce du diagnostic de cancer, par exemple, mesure phare du Plan cancer 1 (2003-2009), est ainsi directement né de la parole des malades.
Grâce aux progrès de la médecine, des pathologies considérées comme mortelles se transforment en « maladies chroniques » : VIH-sida, cancer, insuffisance rénale… « C’est la connaissance de la vie  » avec  » la maladie qui devient essentielle, poursuit Philippe Barrier. Avoir éprouvé l’hypoglycémie, savoir la ressentir afin d’adopter les bons gestes, devient aussi nécessaire que connaître les mécanismes théoriques de la maladie. »

 Maladies chroniques

Des cursus universitaires – notamment le doctorat impulsé par Catherine Tourette-Turgis à la faculté de médecine de l’université Pierre-et-Marie-Curie, Paris-VI – se sont ouverts aux patients experts venant de tous horizons. Là, ils abordent « l’éducation thérapeutique » et suivent, sur les mêmes bancs que des soignants, des cours tels que« Savoir sur la maladie » ou « L’autodiagnostic ». Ces révolutions dans l’institution modifient peu à peu les relations sur le terrain.
Autres marqueurs de cette transformation : de plus en plus de médecins osent lâcher un certain « technicisme » et dévoiler les défis émotionnels auxquels eux aussi sont confrontés (3) ; des sujets jusque-là tabous peuvent être abordés en consultation ; des « mandarins » orientent leurs malades vers des sites d’informations gérés par des patients…
Mieux entendus, davantage insérés : tous les malades peuvent tirer de réels bénéfices de l’action des « patients experts ». Mais ces derniers ne doivent pas oublier d’où ils viennent : s’ils enlèvent leur valeur ajoutée, ils risquent de perdre ce qui fait le sel de leur expertise. Or, ce sel, c’est tout le monde de la santé qui en a besoin.

(1) « Le Patient autonome » (PUF, 2014). (2) « La Révolution sida » d’Hélène Cardin et Danielle Messager (Odile Jacob, 2013). (3) « Cancer du sein, un médecin à l’épreuve de l’annonce » de Laurent Puyuelo (Érès, 2011).

témoignage

> Luigi Flora, engagé depuis cinq ans comme intervenant dans des associations, est tout doucement passé au statut de spécialiste. « La maladie s’est réveillée, se souvient-il, et j’ai dû être hospitalisé. Pour m’administrer une chimiothérapie, on m’avait installé sous la peau une chambre implantable (*) et je me suis rendu compte que celle-là, comme celle de tous les autres malades autour de moi, risquait sans cesse de se boucher et de s’infecter, mais que je ne savais pas comment y remédier seul. Les soignants semblaient ne pas avoir pris en compte ce fait. J’ai demandé à rentrer chez moi, en insistant sur le fait que l’on devait m’apprendre à devenir autonome pour poursuivre le traitement. »
> De longues discussions avec les infirmiers commencent. Pas question de changer leur protocole ni leur rôle de soignant comme ça ! Peu à peu, l’équipe médicale initie Luigi Flora au bon fonctionnement de son cathéter et s’engage dans une nouvelle forme de collaboration avec lui. Une « coconstruction », encore inimaginable dix ans auparavant, se met en place.
> « Aujourd’hui, je ne précise plus quels maux me minent, justifie Luigi Flora, car je souhaite que mon parcours entre en résonance avec le maximum de malades. Lorsqu’ils sont reconnus comme «  experts  », certains ont tendance à vouloir se débarrasser de leur étiquette de «  malades  » », regrette-t-il.

(*) Dispositif composé d’un petit boîtier (la chambre implantable) et d’un cathéter (tuyau souple et fin). Placé sous la peau, il permet d’administrer les médicaments liquides sans abîmer le système veineux.

Pascale Senk avec Psychologies (www.psychologies.com)

A quoi ressemblerait un hôpital psychiatrique conçu par les patients?

Le but du projet artistique de James Leadbitter et de Hannah Hull est de comprendre comment créer des espaces agréables et adaptés aux patients, au lieu des salles mornes et impersonnelles.

A quoi ressemblerait le design d’un hôpital psychiatrique s’il était conçu par les patients? C’est la question posée par le projet «Madlove: A Designer Asylum» de l’artiste et militant britannique James Leadbitter (surnommé «the vacuum cleaner», l’aspirateur). James Leadbitter –dont les oeuvres ont été exposées, entre autres, au Tate Modern et au musée d’art contemporain de Chicago– a lui-même passé plusieurs séjours dans de nombreux hôpitaux psychiatriques publics.

Convaincu que le design triste des hôpitaux psychiatriques affecte les patients comme lui, James Leadbitter et sa collègue Hannah Hull ont passé des mois à organiser des ateliers à travers le Royaume-Uni pour récolter les idées de plus de 300 patients, psychiatres, architectes et designers.

Leur but était de comprendre comment créer des espaces agréables et adaptés aux patients, au lieu des salles mornes et impersonnelles.

Par email, Leadbitter m’a dit que les commentaires avaient été très variés, avec plusieurs idées mémorables, comme celle d’un jeune homme de Birmingham qui avait dit:

«Tout ce que je veux, c’est une chambre avec des oeufs de Fabergé et un marteau.»

La suite en photos sur Slate http://www.slate.fr/story/99273/hopital-psychiatrique-james-leadbitter

Le groupe d’entraide mutuelle, «un lieu où on nous fout la paix»

http://www.liberation.fr/societe/2015/02/16/le-groupe-d-entraide-mutuelle-un-lieu-ou-on-nous-fout-la-paix_1203856

C’était le 15 novembre 2007, un groupe de malades mentaux d’Armentières, près de Lille, se retrouvait. Aujourd’hui, ils racontent :«15 personnes usagères [de psychiatrie] s’étaient réunies pour monter l’assemblée de notre association. La semaine précédente, trois personnes avaient proposé une quarantaine de noms de baptême. Nous avons voté à main levée et c’est « Juste ensemble » qui est sorti. Ce qui plaisait beaucoup aux adhérents, c’est le mot « ensemble », qui est très représentatif de l’entraide et de la solidarité d’un groupe d’entraide mutuelle (GEM)». Les GEM, au début, cela sentait bon la gentille solidarité entre paumés. Créés juridiquement par la loi du 11 février 2005 «pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées», on en compte désormais près de 380, répartis dans toute la France, avec un budget global de plus de 27 millions d’euros. La semaine dernière s’est tenu, au ministère de la Santé, le colloque «Dix ans de GEM, le temps d’un bilan».

«C’est un lieu où on nous fout la paix», a expliqué – fortement – Bernard Durand, président de Croix marine, une association de proches des malades. Et il n’a pas tort. Bien souvent, les malades mentaux sont soit ignorés soit surveillés. Reprenant ce que la psychothérapie institutionnelle appelait dans les années 60 les «clubs», les GEM sont nés de l’idée de «désenclaver une population souffrant plus particulièrement d’isolement et d’exclusion sociale en instaurant à la fois des liens sociaux réguliers entre pairs et avec le reste de la cité». La loi leur a donné une entité juridique type association loi de 1901 «composée d’adultes ayant des troubles psychiques reconnus ou non». Chaque structure devait «se doter d’un local d’une surface comprise entre 80 et 150 m2 incluant une cafétéria, d’un personnel d’encadrement salarié et des animateurs chargés d’organiser une série d’activités, qui vont de simples échanges à des ateliers», disait l’administration. Avec un budget fourni par le ministère de la Santé.

Voilà donc que cela marche, loin du spleen récurrent du monde de la psychiatrie. Certains sont plus actifs que d’autres. «Mais c’est déjà ça, on se parle et cela nous change», disait l’un des participants au colloque. Certains se sont donné des noms bizarres : Au p’tit vélo, Les pieds dans le plat, GEM et toi. «Et vous ne pouvez pas savoir comme de les voir fait du bien», nous disait Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie. Cette militante historique s’est battue sans compter pour que les GEM existent, puis qu’ils vivent. Et, ce jour-là, cela faisait plaisir de la voir si souriante, même si, en aparté, elle se disait désespérée : le ministère lui a supprimé la subvention de sa fédération. Drôle de façon de fêter un anniversaire.

Eric FAVEREAU

Schizophrénie et prise de poids: une nouvelle explication

Les cannabinoïdes seraient à l’origine de la prise depoids observée chez les personnes atteintes deschizophrénie et traitées avec l’antipsychotique olanzapine, selon une étude-pilote publiée dans Journal of Clinical Psychopharmacology par des chercheurs de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et de l’Université de Montréal.

« Le cannabis produit ses effets psychoactifs par le biais des cannabinoïdes endogènes, qui sont des molécules chimiques présentes dans le cerveau« ,  déclare Stéphane Potvin, premier auteur et chercheur à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal. « Nos données préliminaires suggèrent que les cannabinoïdes endogènes seraient impliqués dans la prise de poids chez les personnes atteintes de schizophrénie, en agissant notamment dans certaines parties spécifiques du cerveau ».

L’équipe de monsieur Potvin a récemment étudié le comportement alimentaire de 15 personnes atteintes de schizophrénie traitées pendant 16 semaines avec l’olanzapine, un antipsychotique de type atypique réputé pour stimuler l’appétit. Ces participants ont visionné des images neutres ou destinées à stimuler leur désir de manger durant un examen d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), avant et après 16 semaines de traitement avec l’olanzapine. En parallèle, leurs niveaux sanguins de glycémie à jeun, d’insuline et de lipides ont été mesurés, de même que leurs niveaux de cannabinoïdes endogènes.

Résultats

Après le traitement, les chercheurs ont observé chez les sujets une hyperactivité de l’amygdale (région limbique) de l’hémisphère gauche, comparativement au groupe témoin constitué de sujets sains. Ces changements cérébraux ont été associés à une augmentation des niveaux de glucose, de triglycérides et d’anandamide, le principalneurotransmetteur cannabinoïde. Pendant le traitement, les participants ont également pris du poids et ont présenté moins de symptômes positifs (délires et hallucinations). L’analysestatistique, quant à elle, suggère une implication de l’anandamide dans l’hyperactivation de l’amygdale chez ceux qui ont visionné des images stimulant l’appétit.

« Ce résultat est cohérent avec la littérature scientifique rapportant que l’augmentation des cannabinoïdes, et en particulier de l’anandamide, est impliquée dans l’aspect motivationnel du comportement alimentaire. C’est aussi cohérent avec le fait que le cannabis augmente l’appétit, un phénomène que les consommateurs connaissent fort bien, et qu’on appelle lesmunchies, » explique Stéphane Potvin. « À notre connaissance, c’est la première étude de neuroimagerie qui rapporte un lien entre les niveaux d’anandamide et un trouble du comportement alimentaire chez des personnes atteintes de  la schizophrénie. Cependant, rien ne prouve qu’il existe un lien de cause à effet. Ces résultats préliminaires devront être confirmés avec des échantillons plus importants. Ils permettraient de mieux comprendre la prise de poids associée au traitement de la schizophrénie par des antipsychotiques. Il s’agit d’une problématique clinique préoccupante, puisque certains antipsychotiques ont des effets secondaires métaboliques importants , » conclut le chercheur.

http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=13638

MALADES MENTAUX AU BÉNIN, LES DERNIERS OUBLIÉS

Le centre Saint Camille d’Avrankou au Bénin recueille les malades atteints de schizophrénie et de psychose. Les méthodes employées par le centre sont originales : les patients sont encadrés par d’anciens malades et reçoivent une formation professionnelle pour être réinsérés au plus vite. Ce qui a l’air simple mais ne l’est pas forcément. Parce qu’en Afrique, encore plus qu’ailleurs, il faut souvent faire des miracles avec des bouts de ficelles.

 

Les patients de Saint Camille se sont tous perdus. Mais beaucoup se sont retrouvés. « Se retrouver », c’est l’expression communément utilisée au centre. On ne guérit pas, on se retrouve. Consterné par le traitement réservé aux malades mentaux en Côte d’Ivoire, Grégoire Ahongbonon s’est jeté corps et âme dans leur protection. La cause d’une vie. Cet ancien vendeur de pneus, victime lui-même d’une dépression profonde, est persuadé au retour d’un pèlerinage à Jérusalem qu’il n’en fait pas assez pour les autres et qu’il est temps d’agir. En 1994, il crée un centre d’accueil pour prendre soin des malades mentaux. Celui de Bouaké, en Côte d’Ivoire, sera le premier d’une série qui en compte aujourd’hui cinq au Bénin et dix en Côte d’Ivoire. Celui d’Avrankou est un centre de soin et d’hébergement rattaché à un centre de formation. A ce jour, il accueille quelque 200 patients.

CÉRÉMONIE D’ACCUEIL

Dans la petite chapelle du centre d’hébergement, à une quarantaine de kilomètres de Cotonou, les visiteurs sont accueillis par les patients qui, un à un, viennent se présenter. Ils reviennent sur leur histoire, parfois décousue, souvent douloureuse. Une jeune femme s’est levée, un peu agitée, elle raconte : « Je suis ici depuis 2007, j’ai été amenée par ma famille. Elle a pris peur quand je lui ai dit que l’Ange Gabriel me parlait et me disait de chanter, de danser… Personne ne me croyait. » La jeune femme porte ses mains à sa bouche, elle parle sans avoir l’air de savoir vraiment ce qu’elle dit, le regard fuyant d’une petite fille qui vient de dire une bêtise. Trois autres patients prennent la relève et rapportent ce qu’ils ont enduré. Les bastonnades, l’errance dans la rue, les chaînes qu’on leur a passées aux poignets ou aux chevilles lorsqu’ils ont perdu la raison.

LES POPULATIONS IGNORENT TOUT DES MALADIES MENTALES

Les patients du centre d’Avrankou souffrent de schizophrénie, de dépression profonde ou de psychose sur lesquelles aucun diagnostic n’avait jusqu’alors été posé. Les populations ignorent tout des maladies mentales. Soupçonnés d’avoir été ensorcelés ou d’être possédés par des forces démoniaques, les malades sont considérés comme une honte pour leur famille et les contacts physiques avec eux se font rares, par peur de la contamination. Dans leurs villages, ils sont isolés, battus, soumis à des séances d’exorcisme brutales. A force d’entendre qu’ils sont possédés, les malades en viennent à s’en persuader eux-mêmes.

« J’y suis restée six mois, enchaînée, je pouvais faire quelques pas mais je ne pouvais aller nulle part. Le guérisseur m’a fait boire des tisanes pour que ça aille mieux. »

Voyant son état empirer, ses parents décident de l’amener au centre. Une chance.

UN CENTRE GÉRÉ PAR D’ANCIENS MALADES

L’arrivée au centre est comme une renaissance. Les malades ne sont alors plus traités que pour ce qu’ils sont : des êtres humains. Innocent Amadji, directeur, explique : « Après être diagnostiqués par des psychiatres, on leur prescrit un traitement médical. Ensuite, on leur explique ce qu’ils ont. C’est basique, mais il faut insister sur le fait qu’ils sont malades et non pas possédés. » Comment convaincre que la guérison est possible et que la maladie n’est pas un sortilège ? C’est là toute l’ingéniosité et la simplicité de la méthode : recruter des patients guéris pour gérer le centre. Ainsi, tous les jours, les nouveaux venus sont au contact d’anciens malades qui s’en sont sortis et sont la preuve bien vivante qu’il existe une vie après la maladie. En effet, sur la quarantaine d’employés travaillant au centre, seuls deux ne sont pas d’anciens patients. Certains d’entre eux ont suivi une formation en informatique ou d’aide soignant et exercent sur place. D’autres aident aux tâches quotidiennes, ils veillent sur les malades, les habillent, les aident à manger, etc. La directrice du centre de Djougou, dans le nord du Bénin, est elle-même une ancienne patiente. Il arrive que la guérison prenne du temps, parfois plusieurs années et que les rechutes se suivent. « Dans ce cas, précise le directeur, Innocent Amadji, les patients sont gardés au centre. Ils ne sont renvoyés chez eux que lorsqu’ils sont guéris. »

 UNE FOIS STABILISÉS, IL S’AGIT DE LES OCCUPER

Dès qu’ils sont prêts, les patients en voie de guérison sont orientés vers le centre de réinsertion. « L’inactivité est la pire des conditions, c’est lorsque vous vous mettez à penser, à ressasser, que vous rechutez. » La théorie de Grégoire Ahongbonon a fait ses preuves. Le centre compte aujourd’hui une boulangerie, un atelier de couture, un atelier de peinture sur batik et une ferme d’élevage de porcs. Une fois encore, chacune de ces activités est chapeautée par un ancien malade. Lorsqu’il s’est perdu, Raymond Madou S.Y. a d’abord été trouvé par la police. « Je faisais des colères terribles et inexpliquées. Les policiers m’ont battu toute la nuit. Pour eux, j’étais un bandit. » Il raconte son histoire calmement, d’une traite et sans honte. Apprenant que Raymond exerçait le métier de boulanger, le fondateur du centre décide de construire une boulangerie et lui en donne les rênes. Raymond devient alors boulanger formateur d’une dizaine d’hommes en quête d’eux-mêmes. « Depuis que je suis à la boulangerie, je n’ai eu aucune rechute. J’ai pris femme, lance-t-il, nous avons deux enfants. Non, elle n’est pas malade. Oui, je continue à prendre mon traitement. » Près de 2 500 flûtes sortent du centre tous les matins.

 ÉTAT DÉMISSIONNAIRE

Marine Gourvès, auteure de ce reportage, habite à Ouagadougou au Burkina Faso depuis un an. Elle y  travaille pour des organisations de la société civile qui protègent et défendent les droits humains.

Les traitements prescrits aux patients coûtent cher, entre 30 000 et 40 000 francs CFA (45-60 €) par mois. C’est le centre qui les assume, une lourde charge quand on sait qu’ils doivent être pris à vie et que l’Etat n’y contribue pas. « On vit au jour le jour », soupire Grégoire Ahongbonon. Il déplore n’avoir reçu aucune aide publique, qu’elle soit financière ou matérielle. Pour l’heure, les centres Saint Camille tournent avec les moyens du bord. Malgré tout, les avancées qu’ils ont permises sont inestimables. Depuis son ouverture en 2004, 12 059 patients sont passés par le centre d’Avrankou. Quand on demande à Léonie comment sa famille la perçoit aujourd’hui, elle répond simplement qu’elle est considérée comme une personne normale. « Les gens ne savent pas, ils ne peuvent pas voir. J’ai appris la couture et je sais que je suis guérie. » Léonie rentrera bientôt chez elle, prête à exercer un métier et à reprendre une vie normale, au terme d’une expérience douloureuse et difficile.

ÉCRIT PAR : Marine Gourvès

http://www.altermondes.org/malades-mentaux-au-benin-les-derniers-oublies/

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