Posts Tagged ‘automutilation’

« Se blesser soi-même », Baptiste Brossard, Alma éditeur

Se couper, se brûler, se frapper soi-même : adolescents ou jeunes adultes, ils sont nombreux à se soulager par l’automutilation des tensions de leur quotidien. Cinq années d’enquête de terrain ont permis à Baptiste Brossard de recueillir de nombreux récits dans un cadre hospitalier ou via Internet. Comment et dans quelles circonstances envisage-t-on de se blesser, de commencer, de recommencer ? Comment la vie en société produit-elle chez certains le désir de s’automutiler ? Que nous dit, à l’inverse, l’automutilation de la vie en société ?

Baptiste Brossard montre qu’il s’agit, en fait, d’une pratique d’autocontrôlé : une manière de faire face aux attentes et à la pression de son milieu, qu’il s’agisse de réussite scolaire, de réussite sociale, ou d’identité de genre. Celui qui se blesse évite de « péter les plombs ». Il proteste sans perturber l’ordre des choses qui lui pose problème.

Fondé sur des témoignages directs, ce travail remarquable révèle la solitude d’une partie de la jeunesse contemporaine, des filles et des garçons qui s’organisent seuls pour gérer leur mal être. À leur corps défendant.téléchargement (2)

« Ce que j’ai oublié de te dire », Joyce Carol Oates, Albin Michel jeunesse

C’est la dernière année de lycée pour Merissa et Nadia. Les deux filles ont plus que jamais besoin de leur meilleure amie, la singulière, l’étrange et abrupte Tink qui s’est suicidée six mois plus tôt. Chacune est seule avec des secrets qu’elles ne pouvaient partager qu’avec Tink. Des secrets inavouables qui ont mis en péril leur amitié, mais qui les ont également mises en danger. Tink aussi avait un secret, un secret très lourd mais jamais elle ne leur a confié son tourment… Comment continuer à vivre avec ses silences quand la seule personne qui vous comprenait est morte ?

Un livre qui traite notamment du suicide et de l’automutilation.

L’angoisse psychotique, encore

Ton angoisse, celle qu’ils ont la chance de ne pas mesurer, est-ce que tu peux leur dire? Leur expliquer?

Non, quand je cherche, c’est le vide dans ma tête, pas de mots, rien, le vide, l’indicible. Une impression de regarder partout et de ne rien trouver à quoi s’accrocher. Un puits sans mots comme l’angoisse est un puits sans fond. Une destruction du monde. Une emprise sur tout le corps. Des tremblements. Une chute.

imagesAssise par terre. Devant ton lit. Dans la douche. Dans un coin de la salle-de-bains. Sur une marche d’escalier. Dans un coin de la chambre. A l’hôpital, dans le couloir. Assise par terre n’importe où. Debout sans jambes, tu vas tomber. Assise dans le train, tu n’imagines pas comment tu pourrais te lever pour descendre à la gare.

Pleurer dans les toilettes. Avant un examen. A une fête. Au travail. Pleurer dans la rue. Au cours. Devant les gens. Pleurer partout, parce que ça rend un peu plus léger. La souffrance a un nom et on pleure dessus. On la comprend, on la ressent, elle déchire mais les larmes, les gens les comprennent, au moins les larmes.

La main en sang. Le poignet en sang. Le pull trempé de sang, le doigt qui dégouline sans s’arrêter. Parce que ça fait mal et que c’est toi qui provoque ce mal. Tu le contrôles. Tu le regardes, tu le soignes, tu le caches, tu l’admires, il est beau, il est ta blessure que tu peux enfin voir en face. Tu gardes tes ciseaux tâchés, tu as un morceau de verre dans ton portefeuille, et une boîte avec un verre cassé, pour choisir les débris qui coupent le mieux. Tu casses même une bouteuille qui traîne par terre dans la nuit. Tu ne te soignes jamais qu’avec un peu d’eau. Il ne faut pas que ça guérisse trop vite. Il faut que ça ressemble au moins un tout petit peu à ta douleur intérieure.

Mais qu’est-ce que j’ai dit de l’angoisse? Rien. Elle te jette à terre. Elle te dévore. Elle t’envahit, te brise, te transperce, te prends ton corps et ton esprit. Elle fait chavirer le monde. Elle te donne envie de hurler et te paralyse. Elle te cloue là où tu es. Elle est toi. Tu n’es plus qu’elle.

Mais je n’ai toujours rien dit de cette angoisse. Elle ne connaît pas les mots, elle est au-delà du langage, de la raison, de la vie. Elle est en schizophrénie et il n’y a pas de mots là-bas.

L’automutilation

Pas mal de fautes d’orthographes, mais le message est intéressant.

L’automutilation

  

Tous les moyens sont bons pour en arriver à ça:

 Un peu de soulagement, une diversion par rapport à ma douleur psychique. Se
mutiler pour ne pas mourir, pour échapper à la folie, pour crier au secours même
si je cache mes blessures. Un signe visible de ce qui, caché en moi, me dévore
sans que personne ne le voit vraiment.

24 avril 1996

La lame dérape dans le sang. C’est gluant, visqueux.

Des cicatrices que je ne cache même pas. Aucune réaction. Tout le monde s’en moque.

J’ai parfois l’impression d’avoir des pensées si éloignées des vôtres, d’être comme dans un autre monde. Isolée. Et mon poignet vous le crie, vous le hurle en plein visage. Mais vous restez indifférents à ses appels désespérés.

Personne ne comprend pourquoi il s’est suicidé en plein voyage de rhéto, pourquoi il n’a pas caché cela.
Moi, je ferais la même chose. Ce serait mon ultime appel au secours.

5 mars 1997

Renaud. Jf. Renaud. Jf. Renaud. Jf. C’est le seul à pouvoir me sauver. Mais il attend d’être sauvé lui aussi. Il me prend toute mon énergie. Je n’en peux plus. Je ne veux plus y penser. « Ah, si elle avait pu ne jamais rencontrer le duc de Nemours! » Je ne peux pas dire ça. Il m’a apporté beaucoup. Mais si seulement je n’en étais pas tombée amoureuse. Si seulement je n’avais pas trop aimé ses cicatrices et ses traces de piqûres, ses yeux bleus, ses yeux noirs, ses cheveux devant, ses larmes cachées, sa tête dans les mains, ses mains sur les cordes, leur noirceur, leur blancheur dans le coeur. Si seulement j’étais morte avant, si seulement je mourais maintenant. Si au moins je cessais de tomber et de regarder le ciel. Je dois mourir ou arrêter.

« La vie est pleine de promesses » jamais tenues.
Les anges pleurent au milieu de l’hostilité.

Et quand elle s’arrête, je meurs. Et quand elle s’arrête, je meurs. Et quand elle s’arrête, je meurs. Fois mille, fois un million, fois un quart d’heure, fois toute ma vie. Je suis morte.
Ca saigne bien, une main.

24 mars 1997

Les bris de verre. Le sang. Le sang qui coule. Le sang rouge. Le sang le long de mes doigts. Le sang pour ne pas mourir. Le sang pour tuer l’amour.
Tuer l’amour.

7 décembre 1998

Le spectre de la dépression plane à nouveau. Pas en moi mais autour de moi. Le prof de psycho qui énumère les symptômes de la dépression comme autant de coups de couteau et je suis au bord des larmes. J’y pense à nouveau, je viens de relire ce cahier. J’écris l’histoire de Nadège qui me ressemble étrangement au temps de ma chute. Je sais que ça ne recommencera pas mais pourquoi ai-je toujours cet attrait morbide?

Je me suis coupé le poignet. Mais je le fais exprès ou quoi? Je ne vais même pas vraiment mal. Pourquoi est-ce que je fais ça? Est-ce pour me punir d’avoir
perdu mes notes de théorie? Pour le plaisir de voir un peu de sang couler? Vraiment, il y a des moments où je ne me supporte plus. Il ne faut pas que ça recommence. Je ne le veux pas. Et je ne trouve rien de mieux à faire que de me couper le poignet. Je suis vraiment conne.

14 septembre 2001

J’ai recommencé à me couper.
X. est à Dave. B.C., X.,… Je vais devenir folle avec toutes ces histoires d’hp.
Mon psychologue m’a proposé de rester à l’hôpital. Mais ça va être la rentrée. Je ne suis pas assez mal pour aller à l’hôpital, de toute façon.
Je voudrais ne plus rien avoir à faire avec la psychiatrie, mais ce n’est vraiment pas le moment.
C. fait une dépression.
Et moi je pète les plombs.
Je rentre dans mon kot lundi, c’est quitte ou double. Pour ma santé mentale, je veux dire.
Je n’ai pas réussi à arrêter mes médicaments.
H. va peut-être retourner à l’hôpital.
J’ai mal au bras, je viens de me couper. J’ai six coupures.
« Etions-nous si méchants????? »

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