Archive for Paroles des lecteurs du blog

Quelque part

Un jour alors que j’attendais dans le couloir d’un pavillon hospitalier, j’ai entendu une réunion de transmission.

En voici le récit.

Une infirmière imite les voix des patients chiants. C’est vraiment très réussi. Les autres participants ont l’air d’apprécier en tout cas.  

Se répéter en boucle que ce n’est qu’une interprétation personnelle, des rires défensifs, un quart d’heure de défoulement, de simples bruits de couloir.

Les grosses voix de la réunion parlent uniquement de transgressions et de dates d’injections. Et s’esclaffent.

Echange de sourires gênés avec mes voisins de salle d’attente.

« Non ?!…. Injection il y a 2 jours…dans 3 jours…il crachait par terre… »

Je décide que je ne peux pas entendre les autres voix depuis le couloir, mais qu’il y a forcément d’autres prises de parole.

Discographie Lorie. Positive attitude. Moi j’préfère rester toute seule.

Mais quand même…

Une voix joyeuse annonce que : « ça y est on a décidé une mesure (d’isolement ?) pour X ». Ça semble être une bonne nouvelle. Elle répète « on » et « équipe » plusieurs fois.

Lire des magazines.

La boute en train de la réunion imite une patiente qui lui a dit qu’elle était« incompétente ». Ses collègues ne relèvent pas. Elle reprend sa propre voix et répète qu’elle a été traitée d’incompétente.  A nouveau, bref silence. La réunion se poursuit.

Le couloir, ça veut dire que j’attends de l’aide.

Et la salle de réunion ?

Virginie

Témoignage d’Aëolienne

Suite à de nombreux traumatismes, notamment des abus sexuels, j’ai commencé à l’âge de 13/14 ans à me dissocier très fort et à me replier sur moi même. Avant cette période, je n’étais pas une enfant très sociable mais lorsque la dépression et le PTSD ont commencé à s’installer, tout a empiré.
J’investissais en revanche une forme de monde intérieur pour fuir le réel (que je ne comprenais même pas). De toute façon, j’avais l’impression que ce « dehors », là, n’existait pas. Lorsque je regardais ma main, ce n’était pas « ma » main, c’était un carré de peau rempli pourvu de traits verticaux qui se mouvaient tous seuls. Je marchais au dessus de mon corps. Parfois, je marchais en apesanteur. Mes capacités d’attention ont commencé à être affectées et lorsque je parlais aux adultes de ce qui m’arrivait, parce que ça me terrorisait, on me disait que j’inventais et que j’avais trouvé tout ça sur internet.
J’ai fini par m’habituer à cette idée que rien n’existait, ni mon corps ni le monde, et qu’après tout j’avais bien mes bouquins, ma musique, mon monde à moi.
Est arrivé le procès et le psychiatre. Mon premier bon psychiatre et une adorable psychologue aussi, à qui j’ai pu parler de mes traumatismes pour la première fois. Anti dépresseurs, benzodiazépines. Suivi psychomoteur pour la dissociation. Vers mes 17 ans, j’ai commencé à aller mieux, la dissociation diminuait et je reprenais l’école suite à une année de déscolarisation à cause d’évitement social et des effets secondaires du traitement. J’ai commencé à reprendre espoir : les mauvaises personnes étaient loin de moi grâce à la justice, je me sentais de nouveau « là », « vivante » et j’avais envie de faire des études. Mais un nouveau problème a commencé à émerger : si la dissociation était de moins en moins forte la plupart du temps, j’avais des périodes où elle revenait en force d’un seul coup jusqu’à ce que je commence à faire des crises d’angoisse étranges…
Durant ces crises d’angoisse, j’avais l’impression d’être submergée par une terreur sans nom. Le monde s’effondrait. Ma tête s’effondrait. Je cessais d’exister et j’éclatais de partout en même temps : je me sentais enfermée dans ma tête tandis qu’elle explosait, tandis que « mon esprit » éclatait en morceaux qui eux, partaient dans l’espace. J’avais l’impression, aussi, que mon corps était coupé et que j’avais perdu des membres ou des bouts quelque part. Ces crises duraient quelque heures et me laissais épuisée pendant des semaines, des semaines où je ne voulais parler à personne, où j’avais peur de chaque chose qui bouge, où le danger était partout. Je ne pouvais pas expliquer ça. J’avais honte, j’étais incapable de mettre les mots là dessus et de toute façon je vivais avec la peur de tout inventer pour demander de l’attention, d’être un gouffre vide et sale qui ne mérite pas qu’on fasse attention à sa pseudo-souffrance.
Les crises sont devenues de plus en plus fortes et fréquentes. J’avançais vers mes 18 ans à cette période et si j’arrivais enfin à mettre les mots sur des émotions aussi fortes, j’avais toujours autant peur d’en parler. J’avais peur aussi d’avoir un cerveau cassé par les gens qui m’avaient fait du mal, comme si je portais la saleté qu’ils avaient déposé sur moi.
Mais de bonnes nouvelles sont arrivées. Mes petites sœurs ont commencé à aller mieux et j’ai eu de vrais amis. De vrais amis, ça veut dire des gens avec qui j’avais le droit d’être vulnérable en toute sécurité et c’était nouveau pour moi. J’ai réussi à leur parler de tout ce que j’avais en moi et j’ai été accueillie, ça m’a fait un bien fou. Les crises ont alors diminué même si les symptômes du traumatisme étaient encore compliqués à gérer pour moi. J’ai réussi à me stabiliser et à arrêter les antidépresseurs. Mes psys ont commencé à se questionner sur l’origine de ces crises avant de conclure qu’il s’agissait d’angoisses archaïques de morcellement.
Aujourd’hui j’ai 19 ans et je m’en sors. J’ai toujours des crises qui me détruisent mais je commence à comprendre doucement comment ça fonctionne et à guérir mes blessures. Les psys ne m’ont jamais diagnostiquée psychotique et on a gardé l’idée des angoisses archaïques. Par ailleurs ces dernières ont évolué. Par exemple, la dernière fois que c’est arrivé, c’était pendant la nuit. C’est monté, monté pendant des heures. Au début, je me sentais simplement sale, puis après j’ai eu l’impression d’être couverte d’une substance visqueuse. Puis j’ai commencé à sentir que je pourrissais de l’intérieur, littéralement. Une sorte de nécrose qui me rongeait les organes. J’étais terrorisée et je ne pouvais rien faire pour empêcher ça. Quand le monde a commencé à pourrir aussi et que j’avais du mal à respirer, j’ai réveillé quelqu’un et j’ai fait un malaise.
De même, par exemple, j’ai toujours du mal avec la foule et les grands espaces. Ce regard des autres qui m’envahit, me transperce, rentre à l’intérieur de ma tête. D’une part, dans de si grands espaces, je ne sais pas où placer mon corps, mais la foule fait que j’ai l’impression que les corps des autres perdent le mien dans un amas grouillant et terrorisant. Ils envahissent ma tête, mon corps, je suis submergée et je tétanise.
Aujourd’hui je vais mieux en grande partie grâce à mon entourage mais aussi parce que j’arrive à relever les éléments déclencheurs et à comprendre que j’ai besoin de douceur vis à vis de moi même. J’ai une vie très ritualisée et dès que je sors de chez moi, dès que je perds les habitudes qui me permettent de trouver des repères avec mon corps et le monde, comme le sport, ma chambre ou mes rituels, la crise n’est pas très loin si je ne parviens pas à compenser. Trop d’agitation ou d’anxiété, trop d’espace, pas assez de contenance sont aussi des déclencheurs. De même, lorsque je commence à avoir des idées un peu « étranges » (même si dans ma tête elles sont tout à fait logiques), comme par exemple l’impression que la pourriture dans la rue ou sur les aliments sont une forme de corruption du monde, c’est que ça ne tourne pas rond. Depuis que j’ai compris tout ça, j’ai commencé à déculpabiliser : non Aëolienne, tu ne fais pas semblant, tu es juste traumatisée et tu as besoin de douceur, maintenant.

La vie avec un antécédent psy est usante

Printemps 2016, j’ai alors presque 33 ans.
Tout semble aller pour le mieux. Ce que je décrirais comme la vie simple et ordinaire d’une personne qui l’est tout autant.
Marié depuis 4 ans, papa depuis 2 ans et demi. La construction de la maison est en cours. Un job de développeur logiciel.
Sauf que… je n’ai rien vu venir, ou presque. 15 jours sans réellement dormir, un peu de stress sans doute. Rien de bien grave je pense.
Sauf que… arrivent des crises d’angoisse. Rdv chez le médecin le jeudi 14 Avril. Prescription d’anxiolytiques. Quand je prends le comprimé, effectivement, je me sens un peu mieux.
Sauf que… deux/trois heures après la prise, la crise d’angoisse empire. (j’ai cru comprendre que ce sont des effets paradoxaux, et que ça peut arriver…)
Vendredi 15 Avril au soir je prends mon comprimé avant d’aller me coucher, il est environ 22h. Je me réveille en sueur vers minuit. Complètement angoissé.
Samedi 16 Avril après midi: Premier contact avec les UP. Je me souviens juste d’être incapable de fermer le zip d’une poche de mon manteau. On me ramène chez moi (je ne sais plus si j’ai eu un traitement complémentaire ou non).
Le soir, j’ai un comportement complètement WTF, avec notamment des hallu olfactives (j’ai l’impression qu’on veut m’empoisonner).
Dimanche 17 Avril après-midi: Une ambulance vient me chercher et me conduit aux UP. Expérience traumatisante, j’essaie de m’enfuir. Y’a clairement quelque chose qui déconne.
Je ne sais pas ce qu’on me donne, je sais juste que j’ai des comportements étranges, je passe une nuit affreuse où je me contorsionne dans le lit, croyant à je ne sais trop quoi. Je me crois observé, je pense qu’on mène une expérience sur moi.
3 jours plus tard, je me retrouve à l’HP le plus proche (HDT). Je me souviens juste être complètement désorienté, ne sachant pas où j’étais.
Je passe environ 1 mois et demi hospitalisé, et j’en ressorts en étant lucide mais en dépression. Selon le psychiatre, l’hospitalisation ne m’est plus utile.
Je passe ensuite le mois de juin et juillet dans un état dépressif sévère, j’ai même pensé à me suicider. Mais je ne suis pas passé à l’acte.
Petit à petit, je refais surface, et j’arrive à reprendre le travail en Septembre 2016.
A ce moment là je pense que le plus dur est derrière moi, on me dit que j’ai fait un burnout.
Sauf que…trois mois plus tard je me retrouve de nouveau aux UP après un état d’agitation intense et de nouveau des « ressentis » bizarres (je me souviens par exemple que je croyais savoir exactement communiquer avec le chat, et connaitre ce qu’il voulait. Je croyais de nouveau que j’étais espionné).
Et là, il s’est passé quelque chose que je n’ai vraiment pas vu venir. Je ne sais pas pour quelle raison exactement, mais j’ai voulu agresser le médecin. Je n’ai jamais été violent de ma vie auparavant (et jamais après). J’ai donc du être maitrisé de force et attaché à un lit. Et puis le néant. Jusqu’à ce que je me réveille à presque 100km de chez moi dans un autre HP. J’y reste 3 semaines.
Je rentre donc chez moi en Février 2017, après 2 autres semaines passés chez mes parents. C’était une condition de sortie.
Bon maintenant le plus dur est passé, c’est sûr, ça peut pas être pire.
Dans un sens, c’est vrai, ces deux expériences ont été probablement les plus difficiles à traverser dans ma vie.
Mais je me rends compte aujourd’hui, 3/4 ans plus tard, que la vie avec un antécédent psy est usante. Notamment quand il s’agit de parentalité et de justice. Je n’ai jamais eu recours à la violence physique avec ma fille (ni avec qui que ce soit hormis durant cet épisode aux UP), et la seule fois ou j’ai été violent oralement et psychologiquement, je m’en veux encore. (Pour préciser, je l’ai tenu a bout de bras, j’ai crié « maintenant tu dors ! » je l’ai posé dans son lit, et l’ai laissé pleurer). Je pense vraiment être un père « simple et ordinaire ».
Sauf que… j’ai eu le tort d’avoir été deux fois hospitalisé en HP. Mon ex-épouse à demandé à ce que je ne puisse pas rester seul avec ma fille. Que les droits de visite se passent exclusivement chez mes parents. Bien entendu, hors de question aussi de la véhiculer seul. Je peux comprendre mon ex, après tout j’ai voulu agresser un médecin sous ses yeux. Ca a du être traumatisant pour elle, et elle a eu peur pour sa fille.
Par contre ce que je ne comprends pas, c’est que le JAF ne soit pas capable de discernement. Le dossier est passé devant elle plusieurs fois, j’ai passé deux expertises psy, plusieurs attestations de mon psychiatre habituel, cela fait trois ans maintenant, et le jugement n’est toujours pas rendu, et il n’y a pas eu d’adaptation. Attendre, patienter, sagement bien-sûr, parce qu’évidement je n’ai pas le droit de me mettre en colère…imaginez juste le résultat. (« Il redevient fou, c’est dangereux pour sa fille »). Et ça, c’est clairement pas évident à gérer pour moi. Alors peut-être que je m’auto-censure, mais j’ai toujours l’impression d’avoir une sorte d’épée de Damoclès au dessus de la tête, et d’avoir encore moins le droit à l’erreur que n’importe qui. Pas le droit de m’emballer, rester calme en toutes circonstances. Ah et aussi l’infantilisation… Expliquez à une personne « saine d’esprit » de 35 ans de DEVOIR retourner chez ses parents avec son enfant parce qu’on la pense incapable et que c’est dangereux de s’en occuper seul. J’imagine bien qu’elle va vous envoyer chier, et pas qu’un peu. Mais nous, les « fous », non, on doit non seulement s’y plier, mais avec le sourire.
Je ne suis apparemment pas capable d’avoir une garde « normale », pas contre je dois être capable d’être stable dans ma vie, de garder mon job, de payer la pension, de suivre un traitement et de prendre 20kg. J’ai l’impression d’avoir des devoirs, mais aucun droit en face.
Remarquez, après tout, l’HP a eu au moins ça de bon… apprendre à patienter et à être discipliné, peu importe ce qu’il se passe autour…
Sylvain

Mes bras sont des bras de cadavres

Difficile de dire quand tout a commencé. L’anorexie à 15 ans, tout pour se rapprocher d’un état squelettique, cet attrait pour le morbide. Les scarifications qui zèbrent mon avant bras. Les cauchemars dont je me réveille en hurlant. Puis à 21 ans ce décrochage après une rupture amoureuse. L’isolement, l’obsession. Les messages cachés dans les paroles des chansons qu’il m’envoie. L’échec scolaire. Cigarettes. Alcool. Cannabis.

25 ans, l’anorexie qui se réveille insidieusement. L’agressivité. Les cauchemars. Les coupures. J’ai perdu mes bras, ce ne sont plus les miens. Mes bras sont des bras de cadavres. Et ce visage, ce n’est pas moi. Je suis morte et avance parmi les vivants. Je sors de ce corps, rien n’est réel. L’angoisse. Je me sens catapultée dans une personnalité qui n’est pas la mienne. Chloé est morte quelque part et je continue à vivre à sa place. L’anorexie s’est endormie mais les voix se sont réveillées. Des commentaires. Sur chacun de mes faits et gestes, sur mes pensées. Elle me raconte ce que les gens pensent de moi, ils m’observent, partout tout le temps. Une ombre me suit. La présence des autres m’est insupportable alors la voix leur dit “Arrete de me regarder salope sinon je te tue”.  Le soir la radio est allumée dans ma tête, je ne comprends pas ce qu’ils disent. Je saisis des bribes, parfois des cris. Je me réveille en hurlant et quelque fois je vois une forme à côté de moi, je veux la saisir mais passe au travers.

Mon premier psychiatre m’a laissée dans l’enfer, il n’a pas traité les voix. J’avalais des anti-depresseurs sans me sentir mieux ou moins angoissée. Epuisée j’ai changé de psy. On a tâtonné, j’ai fait une très grosse dépression. Mais maintenant j’ai le bon traitement, les commentaires sont extrêmement rares, les cauchemars ont disparu, l’angoisse a globalement  diminué. Je me sens encore peu adaptée à ce monde mais je parviens à donner le change. J’ai la sensation que la personne que j’étais est morte. Mais j’arrive à vivre relativement normalement. Parfois je culpabilise, je ne me sens pas assez malade pour qu’on s’occupe de moi. Je ne serai jamais assez reconnaissante envers ma psy pour avoir mis un mot sur ma souffrance : la schizophrénie, cette salope.

Chloé

On va se battre pour vivre du mieux qu’on peut

A 17 ans, on m’a diagnostiquée schizophrène dans une Maison de l’Adolescent. Cela aurait pu très mal se passer en fait, quand j’y réfléchis. On aurait pu chercher longtemps mon traitement. Mais dès le premier essai, tout était bon… Je me sentais déjà mieux, malgré quelques instabilités. Je me rend compte à quel point j’ai de la chance par rapport à d’autres patients.
Malgré tout, une idée obsessionnelle me poursuivait, avec mes voix qui accentuaient cela : tu es un monstre.
Oui, tu es un monstre, parce que les schizophrènes tuent les gens à la demande des voix. Tu vas finir par tuer ta famille, puis les gens qui t’énervent. C’est comme ça que se comporte les schizophrènes.
J’avais peur que je le fasse un jour, que mes crises mènent à blesser quelqu’un. Alors, pourquoi pas utiliser cette « arme » pour me faire du mal à la place ? Dès que j’allais mal ou que je voulais faire du mal à quelqu’un, je m’enfermais dans la chambre et je me tabassais seule, pleurant en silence.
Je me rendais compte que, parfois, quand j’étais en colère, une voix prenait ma place, je ne voyais que des brides d’images, en général. Elle tentait d’attaquer les gens, ou de les blesser dans leur égo. J’ai eu de la chance, je n’ai jamais eu de contact avec la police à cause de ça. Au contraire, je voyais un psychiatre ou on m’emmenait en hôpital psychiatrique. Dans ces moments là je reprenais lucidité, et je mentais en disant que c’était moi même.
Après 8 ans de traitement actuellement, je vais beaucoup mieux. J’ai appris à connaître ma maladie, à connaître trois principales voix, et à apaiser leur rage. Je me sentais seule toutefois. Jusqu’à ce que je rencontre quelqu’un de jeune, qui débutait la même maladie, à la salle d’attente. J’ai pu le rassurer, qu’il n’était pas le seul à avoir cette maladie, et lui ait donné conseil sur la prise en charge de sa maladie. Je me rend compte à quel point on se sent seul dans cette maladie, et que les témoignages de souffrances de notre part sont rares.
J’ai pour projet de faire un témoignage BD de cette maladie, et d’essayer de le faire éditer pour non seulement sensibiliser sur la maladie, mais aussi dire à ceux qui peuvent avoir conscience de leur maladie : « vous n’êtes pas seul ». Car ma psychiatre actuelle me l’a dit : nous ne sommes que 40% à avoir conscience de cela, les 60% autres sont totalement coupés de la réalité. Nous avons la chance de pouvoir continuer notre vie en se faisant aider du mieux que peuvent les professionnels, même si nos voix nous rabaissent, nous angoissent, nous donnent envie de leur foutre un poing dans leur gueule immatérielle ; on va se battre pour vivre du mieux qu’on peut, dire merde à nos angoisses quand on a envie d’avoir du bonheur, d’aimer malgré notre haine envers nous même. Ce ne sera pas facile tous les jours, mais on se battra !
Bien cordialement à vous, chers lecteurs et chères lectrices,
Auriane.

Je ne cherche pas à paraître autre chose que ce que je suis

Je souffre de schizophrénie depuis l’âge de 17 ans et je suis passé par plein d’étapes. Aujourd’hui, je suis un homme de 31 ans et j’ai bien mûri. Entre temps il s’en est passé des choses : des études, des rencontres, disputes, rires etc.

Je ne cherche pas à savoir quels sont les effets secondaires de tels médicaments, je ne cherche pas une définition à chacune des idées délirantes qui me passent par la tête et je ne cherche pas à paraître autre chose que ce que je suis. Je ne cherche pas non plus à me regarder le nombril et à penser comme je suis triste d’être comme ceci ou cela. Le seul regret que j’ai sur le plan phénoménologique, c’est mon appartenance, c’est-à-dire ce qui fait ce que je suis aujourd’hui. J’ai vécu toute ma vie dans la précarité.

Ce qui m’a fait beaucoup de mal depuis que je suis passé au cabanon à mes 18 ans et qu’un infirmier se soit délibérément foutu de moi. J’ai vécu aussi des blâmes. On m’a honni, une soirée il y a 3-4 ans d’ici, en groupe on me traitait de « psychopathe » parce qu’ils pensaient que j’avais cherché à incendier une habitation protégée. Ils m’ont réellement fait souffrir.

Lors de ma première crise psychotique je croyais à l’époque que je pouvais être télépathe, qu’on lisait dans mes pensées et qu’on disait du mal de moi. Des années plus tard, j’ai compris que c’était le cas en quelque sorte. Une de mes collègues de l’école secondaire avait perdu son père et avait répandu la misère dans mon dos, ce qui s’est reproduit plusieurs fois dans ma vie et qui m’a conduit à préférer la solitude à la vie de groupe.

Mes voix ont toutes une histoire et pour la plupart, je les aimais parce qu’elles m’apportaient de la sécurité et ont permis mon développement personnel. Mon père m’a déjà battu pour avoir fait une décompensation psychotique et il y avait toute cette violence autour des disputes de mes parents et de leur addiction à l’alcool. Pour revenir à mes voix du début de la maladie, vous  voyez, ce n’était pas que des voix qui m’insultaient mais elles m’aidaient aussi à percevoir le monde à ma manière. Cela me manque parce que tout ce qu’il en reste, c’est juste une immense plaie qui ne se refermera jamais. Au début, j’entendais des voix dire « continue comme cela, courage etc. » et maintenant, c’est une sorte de double langage ou d’une part j’entends des amis se moquer de moi dans des rêves que je prends pour réels, je leur sonne et ils me disent que non, ce n’est pas réel.

À l’époque, je savais différencier l’imaginaire du réel, à présent, c’est vraiment compliqué. Je suis seul et jamais je ne me sentirai en sécurité… Je n’ai pas choisi d’être schizophrène, je n’ai pas choisi d’avoir à surmonter une situation sociale ou psychique qui m’aliène… Quelque chose a changé, ce quelque chose c’est que je suis devenu malgré moi le fou que je ne voulais pas devenir. Je ne veux plus l’être mais déjà je suis terriblement seul.

J’ai perdu mes parents et je n’ai plus de famille ou bien un ersatz de ce qu’elle était, c’est-à-dire que je vois tous les 3 mois mon frère ou ma sœur. C’est très difficile à vivre et bien que j’essaye de relativiser,  c’est devenu viral : il me faut retrouver de la sécurité, ne plus angoisser, me rappeler des bons moments avec ma famille qui a explosé depuis. Il me reste une poignée d’amis qui ne peuvent pas comprendre l’autodestruction où  me pousse cette maladie.

J’aimerais finalement remercier tous les gens qui visitent ce blog et la personne qui le met à jour, j’ai vu des témoignages poignants, des réflexions pertinentes sur la schizophrénie (on n’est pas tous un peu schizophrène…). Merci de rendre accessible des vécus, des idées, de l’espoir. J’espère vraiment que je vais m’en sortir.

Encore merci.

Notalent

La vision tronquée d’un étudiant infirmier

Bonjour à tous,

Je m’appelle Alexandre, je suis infirmier depuis 10 ans et je suis l’auteur du site Santadom. Un petit blog sur la santé. Mais ce n’est pas le sujet.

J’ai eu envie de prendre la parole sur ce site car lorsque j’étais étudiant infirmier, on a voulu me dégoûter de la pathologie mentale.

Je me souviens c’était au tout début de ma scolarité. J’avais déjà une idée toute tracée de mon évolution dans la profession infirmière. Je voulais bosser en psychiatrie.

Pourtant, de nombreuses personnes m’ont conseillé de ne pas le faire. Au départ il n’y avait pas de justifications.

Puis, par la suite, j’ai entendu des choses horribles sur cette partie de la santé et sur ceux qui y travaillent.

« Bosser en psy? Ce n’est pas un vrai métier ».

« Tu ne soignes personne dans ces services »

Et tant d’autres phrases absurdes. En gros lorsque l’on parle de maladie mentale, il ne faut pas la mettre sur le même pied d’égalité qu’une maladie physique.

Venant de la part d’infirmiers, je n’en croyais pas mes oreilles. D’ailleurs il est vrai que lors de mes stages dans des CHU ou des cliniques, lorsque j’évoquais l’endroit où je voulais travailler, on me riait au nez. A tel point que je n’osais plus l’évoquer.

A ce moment là, j’avais fait la connaissance d’une interne qui voulait devenir psychiatre. La pauvre… Elle était en cardiologie. Il n’ y a pas un seul jour ou son référent ne l’a pas taquiné avec ça. C’est fou cette sensation de supériorité que certains ont parfois non?

Pour ne rien vous cacher, lors de ma première semaine dans un service de psychiatrie, je m’en souviendrai toujours, un infirmier m’a dit :

« Fais attention à lui, il pourrait te planter un couteau dans le dos » en parlant d’un des patients.

Il a beaucoup ri, pas moi. J’avais 18 ans et du coup j’ai mal vécu mes premiers instants. Heureusement le reste de l’équipe était passionnée. J’ai pu faire des activités avec tous les patients, leur parler, les soigner… et cela m’a conforté dans mon idée.

J’ai par la suite bossé en CMP et en addictologie. J’ai adoré. Au jour d’aujourd’hui je fais complètement autre chose mais je crois que je n’aurai plus jamais l’impression d’être aussi utile qu’à cette période de ma vie.

Tout cela pour vous dire que j’ai l’impression que la maladie mentale n’est pas toujours à la place à laquelle elle devrait être. Heureusement qu’il existe des lieux comme ce blog pour pouvoir échanger de tout cela.

J’ai reçu un témoignage à la fois drôle et touchant il y a peu d’une personne hypocondriaque. Je ne sais pas si certains s’y reconnaîtront mais c’est très intéressant.

Merci d’avoir lu mon petit coup de gueule ! Je ne sais pas si vous êtes du même avis que moi alors n’hésitez pas à m’interpeller.

Alex – SantADom

Je suis aujourd’hui sortie du psychiatre en larmes

Je suis aujourd’hui sortie du psychiatre en larmes. J’ai 19 ans. En ce moment je ne me sens pas bien, j’ai l’impression que mes proches et des inconnus me veulent du mal. J’ai peur de rechuter. J’ai donc décidé de ne pas manquer le rendez-vous chez le psy. J’ai hésité à lui serrer la main. J’avais le regard fuyant et je ne parlais pas beaucoup. J’étais nerveuse, angoissée. Je ne veux pas regarder le psychiatre dans les yeux car j’ai peur qu’il puisse m’analyser. J’ai passé la séance à balbutier en me griffant la main et le poignet. Le psychiatre passe le début de la séance à ironiser « Ohhhhh mais vous pensez que les gens autour de vous ont des pouvoirs magiques!!! » Tout à coup le psychiatre se met en colère contre moi. Me dit « Vous êtes soûlante, vous ne parlez pas de toute la séance, la séance n’arrêtera pas! » Je dis que je ne le fais pas exprès. « Vous parlez comme une enfant de six ans! Je ne vais quand même pas vous prendre par la main! » « Et puis vous ne prenez même pas vos traitements régulièrement! » « Vous devriez vous faire soigner! Mais chez un autre psy! ». J’ai les larmes aux yeux et l’envie de riposter. Je quitte le bureau du psychiatre en claquant la porte, même la secrétaire a entendu l’altercation. Je crie « adieu » et je sors en pleurant. Ce témoignage est véridique. J’ai tout de même dit au psy qu’il ne devrait pas parler comme cela à des patients, il a rétorqué de la manière la plus inhumaine qui soit « Oui effectivement je ne devrais pas parler comme cela MAIS vous êtes soûlante! ». Je suis sortie sans ordonnance de neuroleptiques, et il n’a même pas essayé de me rattraper. Alors qu’il ironisait pendant la séance « Oui bien sûr… Vous ne pensez tout de même pas qu’on a caché des micros » alors même que je répète que je n’ai pas le coeur à plaisanter. Je n’ai même pas les moyens de me payer un psy en libéral maintenant. Ce psychiatre a été infect du début à la fin. Il remet mes expériences hallucinatoires en cause. Il utilise l’appel à la majorité « l’autre psy ne vous supporte pas non plus donc c’est vous qui avez un problème ». Il ne veut pas me dire mon diagnostic. A sous-entendu que j’étais bipolaire alors que mes délires/hallucinations ont parfois duré plus d’une année sans pause, puis a assuré que je n’étais pas maniaco-dépressive, tout en occultant toujours le sujet de la schizophrénie en disant « le diagnostic est inutile sauf pour mettre les gens dans des étiquettes ». Suite à cela j’ai arrêté les neuroleptiques, car à quoi bon, je ne suis ni bipolaire ni schizophrène selon Docteur, et je ne me reconnais pas dans les autres psychoses. Ce même docteur a osé me reprocher l’arrêt des neuroleptiques ensuite! Et depuis j’hallucine tous les jours, je vois mon propre visage se transformer, j’ai peur tous les jours, j’ai peur, peur, peur.

Surtout, si vous rencontrez un tel psy, ne faites pas la même erreur que moi, essayez, si vous le pouvez, avec vos moyens de le rembarrer dès les premières séances. Je n’ai pas osé et je m’en veux. Ce même psy sous-estimait les effets secondaires des neuros, haussait le ton, était condescendant et toujours sarcastique.

Elise

Mange ! Sale gamine !

:

Je ne sais pas si on peut parler de témoignage sur l’anorexie, à propos de cette petite contribution personnelle relatant mon propre vécu : un épisode anorexique.

Toujours est-il que ce sont les conseils d’un « psychologue » qui motivent ma réponse, car il déclare, je cite :« Je m’autoriserai à dire à une anorexique ce que ses parents n’ont peut-être jamais osé lui dire : « Mange ! Sale gamine ! » Vous pouvez voir l’ensemble de son article en capture d’écran, puisque la page du site a été retirée entre temps, sans doute suite à une pétition :

Je me souviens de ce culte du repas en famille, de cette charge émotionnelle qui le motive et qui en découle aussi. L’importance donnée à l’acte de manger provient peut-être de plusieurs raisons, je ne sais trop, mais j’en ai noté quelques unes :

– Partager une nourriture alimentaire c’est aussi partager une nourriture sociale, en mangeant avec un groupe, ce que mange ce groupe, on y adhère, on incorpore plus que des aliments : sa façon de vivre aussi. Ne pas manger les mêmes aliments, ou refuser tout net de manger, cela peut renvoyer au groupe une image négative de sa façon de vivre. En s’excluant de la sorte de ce rite du partage, le groupe se sent rejeté, pas aimé, et il réagira de manière très irrationnelle et rigide contre celle ou celui qui refuse de partager le même pain. J’y vois, d’ailleurs, un rapport ancestral avec le mythe de la « sainte Cène »

– Par le passé, certains parents ont souffert du manque de nourriture quand ils étaient enfant durant la guerre. Refuser de profiter de ce dont ils ont manqué leur semble une être une aberration, une insulte à leur propre lutte pour la survie. Ne pas manger c’est risquer de mourir, au point que si un de leur enfant refuse un repas, ou un aliment, cela les renvoie à leurs anciennes angoisses et l’alarme « danger de mort » retentit dans leur tête. D’un seul plat refusé, ils en font tout un plat. Leurs peurs les rendent menaçants vis à vis de ces « sales gamins », et alors commence la série de gestes et propos violents : j’ai vu des parents forcer carrément la bouche de leur enfant avec la cuillère, malgré ses cris et ses pleurs, j’en connais qui étaient punis des heures à rester devant leur assiette jusqu’à ce qu’ils la vident, sans compter tout le chantage dont ils se retrouvent victimes : « si tu ne manges pas, tu seras privé de… »

– Ces générations ayant souffert de pénurie alimentaire ont sans doute fait perpétrer le message aux générations suivantes, car le forçage alimentaire des enfants récalcitrants est toujours de mise. C’est très angoissant pour eux. Ils espèrent évidemment que leur enfant devienne grand et fort, c’est assez normal. Ils redoutent plus que tout les conséquences des carences alimentaires. C’est terriblement anxiogène d’imaginer leur propre enfant, dont ils doivent prendre soin, devenir chétif, sous- alimenté, et voilà que le drrraaame survient : le bout de chou, entêté, serre les lèvres, dit « non »,  pour ne pas avaler le bout de viande au fond de l’assiette.

Je peux comprendre, par contre, ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est que ces angoisses passent par dessus le fait d’obliger quelqu’un à incorporer quelque chose qu’il refuse. Qu’elles soient plus fortes que les peurs de générer des traumatismes propices à des comportements alimentaires déséquilibrés dans le futur.

J’en avais parlé plus tard à mes parents. Ils s’extasiaient que mon enfant « n’avait aucun problème pour s’alimenter », contrairement à tant d’autres… Je leur expliquais que lorsqu’il refusait un aliment, cela ne m’angoissait pas outre mesure.

Je vivais pourtant dans la misère. Pouvoir acheter de quoi manger était un grand souci à cette époque, et mes priorités étaient que mon enfant ne manque de rien. Mais jamais au grand jamais je n’aurais pour ces raisons accepté de perpétrer les manies familiales : l’obliger à manger c’est un manque basique de respect.

Autant que possible je lui proposais des produits variés, qu’il avait le droit de refuser s’il y avait goûté avant. Il était autorisé à manger ce qu’il aimait, et ce qu’il aimait étant varié, ses repas étaient au final, toujours équilibrés.

S’il arrivait qu’il refuse catégoriquement de manger, je lui demandais de sortir de table : il changeait de comportement immédiatement et partageait le repas avec nous, en toute convivialité.

Il avait déjà expérimenté le « sautage de repas » et n’aimait pas cela. Quand il avait sauté ce repas, je n’en avais ressenti aucune crainte, je savais qu’il se rattraperait au suivant. Si j’avais montré quelque inquiétude, il aurait été assez finaud pour le sentir et l’utiliser comme moyen de chantage.

De ce fait, lorsque je l’invitais à sortir de table, il restait, et puis, il mangeait comme tout le monde.

Je me souviens aussi de la fois où il refusait de goûter aux épinards. D’habitude il acceptait de tester  ce que je lui proposais, mais pour les épinards, j’ai du beaucoup insister pour qu’il en prenne juste une bouchée. Quelques minutes après j’ai remarqué qu’autour de sa bouche, où il restait une trace d’épinard, sa peau devenait rouge vif. Peut-être une allergie ? J’aurais du le laisser ne pas y goûter.

En tous les cas, dans la mesure de mes moyens, et du respect de l’équilibre nutritionnel, je m’accordais le droit de ne manger que ce que j’aimais, pourquoi le refuser à son enfant ?

Qu’il n’aime pas ce qu’on aime n’est PAS un manque d’amour de sa part à notre égard.

J’expliquais à mes parents que si j’avais agi ainsi avec mon enfant, c’est parce que j’avais souffert de toutes les fois où ils m’avaient forcée à manger.

« Forcée ! Vous vous rendez compte ? »

Ils se sont excusés.

Adolescente, j’avais fait ce qu’on pourrait appeler une mauvaise rencontre durant des vacances. Une famille suisse « bien comme il faut » campait à côté de la notre, ils étaient évangélistes chrétiens. L’un des fils m’a fait croire qu’il était amoureux de moi, dans le but de me convertir à sa religion. Il s’en est excusé, mot pour mot, en ces termes, quelques années plus tard. Mais à l’époque j’avais 16 ans, j’étais naïve, il m’était inconcevable qu’on puisse vouloir manipuler par les sentiments, quelqu’un, pour atteindre des objectifs autres, et pire encore, au nom d’un Jésus-qui-t’aimes-Jésus-peut-te-sauver-Jésus-est-amour ». Mais je n’avais pas les mots pour définir l’arnaque dont je fus victime, c’était lui qui était venu me chercher : je n’avais rien demandé.

Sans savoir pourquoi, sans même être consciente de cette petite trahison, j’ai perdu le goût de manger, cela s’est fait en douceur, mois après mois, années après années, jusqu’à ce que je devienne squelettique. A 20 ans j’étais un tas d’os sur pattes quand je regarde les photos, et pourtant on avait beau me dire « que tu es maigre ! », je n’en croyais rien. Je fuyais les repas, qui étaient surtout le théâtre de règlements de compte en famille = double écoeurement. Manger le minimum vital ne me fatiguait pas outre mesure, j’étais comme une pile électrique toujours en mouvement et souffrais surtout des inquiétudes de ma famille. L’idée même de manger me serrait le ventre.

Cela n’a pas duré au point d’être en danger. C’est au détour d’une conversation avec ma gynécologue qu’un déclic s’est produit. Elle a dit un truc du genre : « Mais vous en avez bien souffert, de cette déception sentimentale… » de manière anodine, comme si c’était une évidence.

Je l’ai regardée, frappée par ses propos, les yeux grands ouverts.

Je tournais en boucle dans ma tête, les heures suivantes « déception sentimentale ». C’était ça ! Tout ça pour ça ! Je n’avais plus goût à la vie à cause d’une déception sentimentale !???

Quoiqu’il en soit, j’ai décidé à ce moment là de lutter contre mon dégoût de la nourriture, et j’y suis parvenue, tout d’abord, en mangeant seule, comme si de rien n’était, en mangeant sans penser au fait que je mangeais, en mangeant en même temps que je faisais une activité autre, et agréable.

Dix ans plus tard j’arrivais à accepter des repas de groupes, mastiquant longuement, où bien animant tant et si bien les repas qu’on remarquait à peine que j’en oubliais de manger.

Les amoureux qui m’invitaient au restaurant ne savaient pas que si je déclinais cette si jolie invitation, c’était pour éviter la corvée de passage obligé au partage de la tablée.

Maintenant, pour les repas de groupes incontournables, je ne décline plus l’invitation, et j’arrive même à faire comme tout le monde, et même, à y prendre goût.

En bref, j’ai eu la chance de ne pas tomber sur un spécialiste qui m’aurait dit « Mange ! Sale gamine ! »

réponse du psy sur anorexie

Florence

Je me suis fait à l’idée que c’était pour la vie…

Des précisions de l’auteur du témoignage « Je voudrais donner un peu d’espoir aux schizophrènes » sur ses symptômes:

Je pense que dans les précédents paragraphes, j’ai dû faire une erreur sur le début de ma maladie. Une chose est sur elle à commencé bien avant mes quarante ans.
En fait cela ne fait que huit ans que je n’ai pas fait de rechute, que je suis stabilisé.
La dose de Risperdal quotidienne que je prend le soir, me rappelle que j’ai une épée de Damoclès au dessus de la tête, comme tous les gens qui sont condamnés à prendre des médicaments à vie… Je me suis fait à l’idée que c’était pour la vie…
Je voudrai décrire quelques symptômes que j’ai eu dans mes délires.

Comme je le disais dans le paragraphe précédent, je pensais être harcelé par des voix télépathiquement. Voix que j’attribuaient à mon voisinage proche.
Les voix la plupart du temps n’avaient rien d’empathique.
C’était comme si j’étais harcelé par des gens sans cœur, des coquilles vides, un peu comme des pervers narcissiques.
Ces voix me dévalorisaient. Elles faisaient référence souvent à la sexualité, me culpabilisait. Elles voyaient aux travers des murs. Je n’étais jamais seul, elles surveillaient mes moindres faits et gestes.
Le plus souvent une voix féminine prenait ma défense, se faisait mon avocat pendant que d’autres plutôt masculines me dévalorisaient, m’insultaient.
J’en étais arrivé à tomber « amoureux » de la voix féminine à qui j’avais donné un prénom.
Les voix méchantes aussi avaient leur nom, à ma façon je les dévalorisais, les ridiculisais. Je me défendais comme je pouvais, j’essayais de leur faire entendre raison et tout ça par la pensée.
Je parlais rarement tout seul comme beaucoup de schizophrènes.
Ces voix communiquaient rarement directement avec moi. Elles ne s’adressaient jamais à moi personnellement.
Elles parlaient entre elles sur moi, débattaient de ce qui était bien, se disputaient entre elles.
C’était infernal ça ne s’arrêtait que dans mes périodes de sommeil. Quand elles se manifestaient la nuit c’était pendant mes phases de réveil. Je dormais peu dans les crises de délire.

Dans un moment de délire assez long je me suis senti agressé par tout le quartier.
J’entendais ou semblait entendre tout ce qui se passait derrière les murs, les portes, les fenêtres de tout les appartements.
C’était un peu comme si les murs était devenus de papier. Plus personne n’avait d’intimité.
Les gens se parlaient entre eux par télépathie, s’engueulaient, faisaient l’amour…
Paradoxalement j’affichais un comportement « normal » hors de chez moi devant le public physique bien en chair et en os. Bien que parfois je criais par la fenêtre…
Plus en voiture je m’éloignais de la grande ville ou j’habite, plus les voix, les bruits diminuaient, pour réapparaître la ville, ou la bourgade suivante.
Je commençais d’envisager d’acheter un fourgon pour dormir au calme dans un chemin, dans une forêt, un peu comme les personnes électrosensibles.
Mon internement mis fin au projet…

Un jour par lassitude j’ai été voir mon médecin généraliste tout en continuant à entendre des voix, j’avais encore du discernement…
J’ai suivi son conseil, j’ai été aux urgences psychiatriques du CHU de mon plein gré.
Quand on m’a sanglé sur un brancard, alors que je commençais à m’agiter (ma voiture était garée sur un parking payant et ils ne me laissaient pas sortir pour mettre des pièces dans le parcmètre) j’ai eu de la haine contre les soignants.
Cela pour moi commençait à ressembler à un internement abusif.
Maintenant je les comprends, ils ne savent jamais à qui ils ont affaire. Ils agissaient pour ma sécurité, la sécurité des autres patients et la leur.
Certains de leur collègues avaient été blessés et tués par des cas psychiatrique dans le passé. Ce qui est encore le cas, maintenant et je comprends leur prudence.

Tout ceci est un descriptif assez sommaire de mes délires.
Dans des périodes j’avais même le pouvoir de faire disparaître des objets, de les rendre invisibles.
Moi aussi j’avais le pouvoir de me rendre invisible.
Les voix voyaient aux travers de mes yeux, j’étais une sorte de réceptacle.
Les voix étaient dans ma tête ou peut être dans une autre dimension, un monde parallèle, peut être l’enfer…

Mais tout cela n’est que suppositions. La science n’a jamais démontré physiquement l’existence d’univers parallèles.
Restons dans le cartésianisme, ne partons pas dans un délire…En général une crise commence comme ça…Boostée par l’imagination…On se met à essayer de comprendre ce qui nous arrive, à inventer des concepts, des théories plus abracadabrantes les une que les autres, des tentatives d’explications aux voix qui envahissent votre tête.

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