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« L’illusion délirante d’être aimé », Florence Noiville, Points

Présentation de l’éditeur

« Une évidence. Une évidence aussi tangible qu’une pierre au milieu d’un jardin : C. est persuadée que je l’aime, que je l’ai toujours aimée. Comment puis-je faire semblant d’avoir oublié ? »
L’illusion délirante d’être aimé est une maladie, chronique, dangereuse, et parfois mortelle, nommée syndrome de Clérambault, car elle fut découverte par le célèbre psychiatre. C’est aussi un roman implacable, un thriller des sentiments : l’histoire d’une obsession et d’une dépossession. Un amour à perpétuité. Un amour qui ne peut que mal finir.
Milan Kundera a dit de ce roman de Florence Noiville : « Ce que dévoile L’Illusion délirante d’être aimé, c’est la présence aussi forte qu’inexplicable de l’amour dans la haine. »
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Faut-il expliquer à un schizophrène qu’il est fou oui ou non?

Bon, évidemment, le titre n’est pas de moi. C’est une requête google qui a mené à mon blog. Et c’est toujours une bonne occasion pour moi d’essayer de répondre simplement à ce genre de questions.

Déjà, je vais commencer par l’évidence: la réponse est non. Parce que « salut mon pote, je te dis que tu es fou, tu dois me croire », à mon avis ça ne fonctionnera pas. Il y a peu de chance que le schizophrène en question réponde « ah oui, je suis fou, je prendrais bien une petite dose de neuroleptiques ce soir ».

Je l’ai déjà dit cent fois, mais ça ne fait jamais de tort de le répéter: les proches d’une personne schizophrène ne sont pas des soignants. Leur rôle, c’est d’être là, un ami, un parent, quelqu’un sur qui on peut compter, et peut-être même se confier. Pas d’être celui qui va guérir le délire par un coup de baguette magique. Si quelqu’un vous confie une parole qui semble délirante, il ne sert à rien de nier en bloc, et surtout pas de s’écrier « Mais tu es fou! ». Il est par contre possible de dire qu’on ne voit pas les choses comme ça et de faire réfléchir la personne sur son délire en en questionnant les détails. Par exemple: « Comment crois-tu qu’on a installé des micros chez toi? dans quel but? »  On peut aussi lui dire qu’on comprend sa souffrance mais qu’elle n’est pas peut-être pas due à une vérité établie, qu’il arrive que les émotions et la raison ne coïncident pas. Par exemple: « Tu as l’impression qu’on peut te voler tes pensées, tu souffres réellement comme si on te les volait, mais ta raison ne te dit-elle pas que c’est impossible? »  Il s’agit de reconnaître la souffrance de la personne, de lui dire qu’on peut l’aider à la soulager en l’orientant vers un soignant et en étant là quand il en a besoin. Quand une personne a des doutes sur ses délires, s’il pense par exemple que vous le rejetez, que personne ne peut le supporter, le rassurer, même si ça peut devenir lassant quand il faut le faire tous les jours, peut aussi calmer ses angoisses et lui permettre de prendre de la distance avec ses délires.

Dire à quelqu’un qu’il est fou ne sert à rien, balayer ses problème par un « tu racontes n’importe quoi » ne peut que l’isoler davantage. Ecouter et comprendre sans adhérer au délire me paraît être la meilleure solution.

Déréaliser et ressusciter

 Cela y est, cela revient, un Monde se met en place, je suis de nouveau rattrapé, il va falloir que je finisse enfin par payer.

Vite, il faut que je rentre chez moi pour m’isoler et lutter dans le noir pour que cela passe, pour que tout redevienne comme avant.
Mais pour cela, j’ai la ville à traverser à vélo.

Le Monde est le même, mais il se met à fonctionner différemment.
Sur mon passage la ville se met en mouvement, des voitures démarrent en trombe et accélèrent.
Où s’en vont tous ces gens ? Est-ce que je ne les envoie pas au casse-pipe ?
J’avance en regardant vers le sol, car de ce Monde, je veux en voir le moins possible.
En roulant je ressens plus fortement les creux et bosses de la chaussées, comme si les pneus de mon vélo étaient crevés alors qu’ils sont gonflés.
En passant dans des lieux que je connais, je remarque des choses auxquelles je n’avais jamais prêté attention.
Je n’en mène pas large, je sens qu’au moindre moindre faux-pas je pourrais être arrêté.
Des personnes sont postées à certains endroits et semblent communiquer entre elles par signes.
Est-ce qu’une souricière n’est pas en train de se mettre en place pour me coincer ?
Cependant personne ne m’interpelle, on me laisse rouler.
Je passe juste au moment où des gens commencent une action alors que plus loin certains en finissent une autre.
Je suis peut-être un intrus, je ne devrais pas être là.
Est-ce que j’entraîne le Monde à sa perte ?
Tout ce que je perçois, tout le monde le perçoit, ce ne sont pas des hallucinations mais c’est peut-être UNE hallucination totale : tout le monde est englobé dans le phénomène.
Jusqu’où cela peut-il aller ? Faut-il que je me livre ?
Vais-je subir un châtiment ? Ma famille va-t-elle être inquiétée ?
Sur mon passage des gens s’interpellent vivement.
Attend-t-on de me cueillir comme un fruit mûr qui va tomber de sa branche ?
Par endroits des coups se font entendre.
Je roule prudemment en respectant les règles de circulation, je ne veux commettre aucune infraction.

Et puis finalement, j’arrive chez moi.

Je rentre : on se désole, on se lamente de me voir dans cet état. On cherche une cause, peut-être une faute.
Comme on reprocherait à quelqu’un qui se noie de se baigner sans l’aider.
On ne me rassure pas, on ne me réconforte pas.
Il suffirait pourtant de me dire en souriant :
 » N’aie pas peur, tout va bien, il ne se passe rien d’anormal, tu n’as rien fait de mal, cela va passer « .
Pour les autres, tout a l’air logique.
Je ne prends personne à témoin de ce qui se passe : on ne sait jamais, en y regardant de plus près on pourrait m’approuver et trouver effectivement que la situation est très grave par ma faute.

Je me réfugie dans ma chambre, je ferme les volets, je veux le noir et le silence les plus complets possibles.
Je m’allonge sur mon lit où je me tortille en essayant de trouver la bonne position.
Je lutte dans la souffrance et la détresse. Les yeux fermés, j’essaie de comprendre tout ce que j’entends.
La rue semble agitée, la rumeur monte, va-t-on venir me chercher ?
Faut-il que je me sacrifie ? Est-ce la fin du Monde (ou la fin d’un Monde) ? L’heure du Jugement dernier est-elle arrivée, avec moi comme seul coupable ?
J’essaie de suivre l’heure en regardant de temps en temps ma montre, c’est tout ce qui me raccroche à la réalité habituelle.
Je me dis que cela va passer comme d’habitude, et en même temps j’ai peur que justement cette fois-ci cela ne passe pas.
C’est un véritable supplice. L’enfer cela doit être cela.
Je voudrais être mort sans mourir.
J’anticipe l’amélioration. Mais plus j’anticipe et plus ça continue.

Et puis finalement ça y est, c’est fini ! Je me lève, j’ouvre les volets, je suis soulagé, tout va bien, mais personne ne se réjouit avec moi.

Quel bonheur la réalité ordinaire ! Les gens peuvent pas savoir.

Tout cela c’est la conséquence d’un épisode initial mal pris en charge et mal liquidé, il y a plus de trente ans.
Comme si depuis j’étais poursuivi pour avoir voulu contrôler l’Humanité tout entière sans donner ma vie pour les autres.
Mais tout cela ce n’est que dans ma tête.
Je sais que les psychiatres peuvent qualifier, entre autres, cette expérience de  » syndrome d’influence  » avec grosse culpabilisation.
Mais je n’y peux rien, c’est mon vécu. Je ne prétends pas agir sur le Monde, je sais que c’est impossible.

Comme après chaque épisode similaire, je n’ai absolument aucun troubles résiduels pendant des semaines, des mois, parfois des années.
Tout va très bien, je prends un comprimé le matin et deux le soir sans que cela ne me renvoie à ma maladie, au contraire cela me sécurise et je ne suis pas  » ensuqué « , j’ai l’esprit clair.

Quand on surmonte de telles souffrances, on ne peut être que plus fort et très serein.
Il ne faut jamais désespérer. Vive la vie !

Marc.

Vidéo d’une installation audio-vidéo. (8 juin 2005) par Geneviève Hébert

« Viens plus près », Sara Gran, Sonatine

Présentation de l’éditeur

Amanda a tout pour être heureuse : un mari qu’elle aime, un métier – architecte – qui la comble. Une vie parfaite. En apparence. Jusqu’au jour où, dans un état second, elle se met peu à peu, et presque malgré elle, à réaliser ses désirs les plus enfouis, à donner libre cours à toutes ses pulsions. Est-elle  » possédée  » ? Cherche-t-elle inconsciemment une libération totale, absolue ? Jusqu’où ira cette descente aux enfers, qui peut parfois prendre des allures de paradis ?

Viens plus près

« La Moustache », Emmanuel Carrère, folio

Quatrième de couverture
Ayant vidé la poubelle sur le trottoir, il trouva vite le sac qu’on plaçait dans la salle de bains, en retira des coton-tiges, un vieux tube de dentifrice, un autre de tonique pour la peau, des lames de rasoir usagées. Et les poils étaient là. Pas tout à fait comme il l’avait espéré : nombreux, mais dispersés, alors qu’il imaginait une touffe bien compacte, quelque chose comme une moustache tenant toute seule. Il en ramassa le plus possible, qu’il recueillit dans le creux de sa main, puis remonta. Il entra sans bruit dans la chambre, la main tendue en coupelle devant lui et, s’asseyant sur le lit à côté d’Agnès apparemment endormie, alluma la lampe de chevet. Elle gémit doucement puis, comme il lui secouait l’épaule, cligna des yeux, grimaça en voyant la main ouverte devant son visage.  »

La Moustache

Le récit d’un délire.

« Délire d’amour », Ian McEwan, folio


Description
La vie tranquille de Joe Rose, faite de bonheur conjugal et de certitudes scientifiques, bascule le jour où il est impliqué dans un accident mortel. Parce qu’il se sent coupable, mais surtout parce qu’il fait ainsi la connaissance d’un jeune homme, Jed, qui lui voue sur-le-champ un amour aussi total qu’inexplicable, aussi chaste que dévorant. Car Jed, qui veut guérir Joe de son athéisme, est convaincu que leur rencontre a été voulue par Dieu, et que cet amour est forcément réciproque. Débute alors un harcèlement amoureux terrifiant, qui bouleverse l’existence de Joe et le confronte à ses propres démons… Délire d’amour, sommet d’humour noir et de cruauté, constitue un nouveau tour de force de Ian McEwan, qui nous plonge au coeur d’une obsession destructrice et contagieuse, où l’amour est plus dangereux que la haine.

« Logiques du délire », Remo Bodei, Aubier

Quatrième de couverture

Le délire n’est pas étranger à la raison.
Il ressortit plutôt à un monde intermédiaire et paradoxal dans lequel se mêlent
les dimensions publique et privée, la logique de l’esprit et celle des passions,
la perception correcte et l’hallucination, la prohibition et la réalisation du
désir, l’adaptation au monde et la fuite. Symptôme de maladie, le délire est
aussi une tentative de reconstruction de l’intégrité psychique. C’est dans cette
perspective que Remo Bodei décrit le fonctionnement des logiques à l’œuvre dans
les délires, notamment dans la schizophrénie. Dès lors, Lacan et Freud, mais
aussi le rationalisme cartésien sont réinterrogés à la lumière d’une question
fondamentale de la philosophie contemporaine : quel est le poids des passions
dans la rationalité ?

 Logiques du délire : Raison, affects, folie

L’auteur vu par l’éditeur

Remo Bodei, philosophe, enseigne à
l’université de Pise. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont, traduits en
français : Le Prix de la liberté (Cerf, 1995), Géométrie des passions (PUF,
1997) et La Philosophie au XXe siècle (Champs-Flammarion, 1999).

C’est de la folie d’admettre qu’on est fous

On ne se rend pas compte de notre folie, on ne l’admet pas et ça justifie qu’on pense à notre place.

On veut nous faire admettre qu’on est malade. Nous faire dire que nos pensées sont des symptômes. Quand on pense qu’on nous vole nos pensées, qu’on nous en impose, qu’elles ne sont plus les nôtres, c’est du délire. Ce qu’on doit dire, c’est que c’est la maladie qui nous impose ces pensées-là. Dire j’ai perdu mes pensées n’est pas correct, il faut dire c’est la maladie qui m’impose mes pensées. Mais quelle est la différence? Mes pensées ne sont pas mes pensées, voilà tout.

On a vraiment peur le jour où on se rend compte que nos pensées sont listées dans le DSM, qu’elles sont partagées par des gens qui ont la même maladie et à qui on n’a jamais parlé, qu’elles sont combattues par les mêmes médicaments. Ce jour-là, on se sent tomber dans le vide, on se sent perdu, dépossédé de soi-même, plus rien qu’une liste de symptômes. On se dit que ce qu’on a de plus intime n’est plus à nous. Et c’est ça qu’on doit admettre pour être un bon malade, celui qui sort du déni.

Mes pensées ne sont pas mes pensées, d’accord je le dis, mais je le dis depuis le début, c’est quoi la différence? Je ne comprends pas.

Vous aussi vous partagez vos pensées, vos désirs. Avoir une famille, une maison, un travail, lire les mêmes livres, voir les mêmes films, c’est ce que veulent la plupart des gens. Alors vous non plus vos pensées ne sont pas à vous. Encore moins que les nôtres, qui se limitent au moins à un cercle plus restreint. Vos pensées ne sont pas vos pensées, alors c’est quoi la différence?

Je veux bien admettre que je souffre, je veux bien crier que je veux de l’aide, je veux bien hurler que je veux que ça cesse, mais je suis désolée, c’est de la folie que d’admettre qu’on est fous.

« La vérité, c’est d’abord que j’ai mal à la tête », Marianne Bourgeois, La Différence

La vérité, c'est d'abord que j'ai mal à la tête

Névrose de la narratrice qui déchiffre ses amours et son destin à travers les signes
aveuglants que secrète sa folie : n’est-elle pas montrée du doigt et noircie
dans le personnage d’un roman imaginé par une vieille romancière ? Ce personnage
n’a-t-il pas son nom et son âge ? La vieille romancière n’est-elle pas l’amie de
l’écrivain célèbre dont elle est amoureuse ?

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