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Je ne suis pas une plante verte

« Peut-être que s’il avait bien pris ses médicaments qui l’auraient abattu (…) comme une espèce de plante verte, il n’aurait pas pris son avion et ils n’auraient pas pu se planter avec ». C’est ce qu’on peut entendre dans Pourquoi docteur?

Passons sur le diagnostic sauvage de schizophrénie et sa réfutation par l’argument imparable de « on peut imaginer qu’un dépressif puisse conduire un avion, mais un psychotique c’est plus difficile » (vingt-sixième minute).

Je voudrais réagir à la défense des neuroleptiques comme médicament transformant les patients en plante verte. Il serait donc préférable d’être une plante verte plutôt qu’en crise psychotique. Déjà, ça reste à prouver et je suis persuadée que c’est parce que cet état est insupportable que de nombreux schizophrènes arrêtent leur traitement. Ensuite, ces médecins n’ont pas l’air de le savoir, mais il n’est pas nécessaire d’assommer les patients à coup de doses massives de neuroleptiques pour qu’ils aillent mieux.

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Je ne suis ni un danger ni une plante verte. Oui, il y a une vie pour les schizophrènes, oui, je suis vivante comme vous.

Je prends des neuroleptiques et je vis.

Je prends des neuroleptiques et je ris, je pleure, je me révolte, je râle, je m’énerve, je déprime, je rigole, je suis triste et contente.

Je prends des neuroleptiques et je travaille, je fais du sport, je monte les escaliers en courant, je suis fatiguée et je suis pleine d’énergie.

Je prends des neuroleptiques et je lis, j’écris, j’étudie, j’apprends chaque jour, j’ai des idées, des bonnes et des mauvaises, je prends des initiatives, j’ai des projets.

Je prends des neuroleptiques et j’aime et je déteste, je suis indifférente et enthousiaste, je saute de joie et je soupire.

Je ne suis pas une plante verte et je vous emmerde je sais encore me mettre en colère.

L’abilify et le sommeil

L’abilify, c’est génial. Je dors moins, je ne suis plus perpétuellement fatiguée, j’ai plus d’énergie, je ne suis plus dans le coton.

Oui, mais voilà, c’est trop. Avec ma sensibilité à fleur de peau, le coton, ça faisait écran. Le sommeil, ça protégeait du monde. Là, j’y suis un peu trop exposée, au monde. Et ma schizophrénie, elle n’aime pas ça. Alors tout me paraît plus difficile. Alors je pleure, alors j’ai envie de me réfugier dans le sommeil mais mon corps n’en veut pas  plus que ce dont il a besoin. Alors, je m’angoisse.

On dira sans doute que je ne suis jamais contente. Peut-être. Ou alors c’est la schizophrénie qui n’est jamais enfermée comme il faut derrière la barrière des médicaments.

Choisir entre la peste et le choléra, comme toujours. La fatigue ou ne plus tenir en place. Trop de temps passé à dormir ou ne plus avoir de refuge. Le coton ou la déprime. La prise de poids ou l’angoisse.

Comme toujours, ce qui paraît génial ne l’est pas tant que ça. Pour le moment. Espérer que ce soit provisoire. Jusqu’au prochain problème, parce qu’avec les neuroleptiques et la schizophrénie, il y a en toujours un.

L’abilify et l’Afrique

Lu sur Twitter: « 6 billion spent on Abilify in the US alone last year. You could end poverty in Africa for less. » « 6 milliards dépensés aux Etats-Unis l’année passée pour l’Abilify. Vous pourriez mettre fin à la pauvreté en Afrique pour moins que ça »

Donc, les schizophrènes n’ont pas assez de préjugés qui leur collent à la peau, il faut maintenant leur rajouter la responsabilité de la pauvreté en Afrique.

Pour ceux qui ne le savent pas, l’abilify est le seul neuroleptique qui ne fasse pas grossir (ou beaucoup moins souvent que les autres) et qui ne fatigue pas. Ma vie a littéralement changé depuis que j’en prends. Oui, il coûte cher, comme tous les neuroleptiques. Oui, il est beaucoup prescrit, parce que comme dit ma psychiatre, il est beaucoup plus compatible avec une vie familiale et professionnelle que les autres et que la schizophrénie touche une personne sur cent. Alors, on peut critiquer l’industrie pharmaceutique, mais pourquoi s’en prendre particulièrement à ce médicament? Parce que les maladies mentales ne sont pas de vraies maladies? Qu’avec un peu de volonté, on se passerait de médicaments? Il y a des médicaments et des traitements qui coûtent beaucoup plus chers, pourquoi ne pas en parler? Parce que les gens qui ont une maladie somatique ont le droit de se soigner? Que là, l’Afrique, on s’en fout? Enfin, tout cela est tellement ridicule que ça ne vaut pas la peine d’argumenter, mais j’avoue que ça me mets hors de moi d’être accusée de ça juste parce que je me soigne. 

Schizophrénie et prise de poids: une nouvelle explication

Les cannabinoïdes seraient à l’origine de la prise depoids observée chez les personnes atteintes deschizophrénie et traitées avec l’antipsychotique olanzapine, selon une étude-pilote publiée dans Journal of Clinical Psychopharmacology par des chercheurs de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et de l’Université de Montréal.

« Le cannabis produit ses effets psychoactifs par le biais des cannabinoïdes endogènes, qui sont des molécules chimiques présentes dans le cerveau« ,  déclare Stéphane Potvin, premier auteur et chercheur à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal. « Nos données préliminaires suggèrent que les cannabinoïdes endogènes seraient impliqués dans la prise de poids chez les personnes atteintes de schizophrénie, en agissant notamment dans certaines parties spécifiques du cerveau ».

L’équipe de monsieur Potvin a récemment étudié le comportement alimentaire de 15 personnes atteintes de schizophrénie traitées pendant 16 semaines avec l’olanzapine, un antipsychotique de type atypique réputé pour stimuler l’appétit. Ces participants ont visionné des images neutres ou destinées à stimuler leur désir de manger durant un examen d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), avant et après 16 semaines de traitement avec l’olanzapine. En parallèle, leurs niveaux sanguins de glycémie à jeun, d’insuline et de lipides ont été mesurés, de même que leurs niveaux de cannabinoïdes endogènes.

Résultats

Après le traitement, les chercheurs ont observé chez les sujets une hyperactivité de l’amygdale (région limbique) de l’hémisphère gauche, comparativement au groupe témoin constitué de sujets sains. Ces changements cérébraux ont été associés à une augmentation des niveaux de glucose, de triglycérides et d’anandamide, le principalneurotransmetteur cannabinoïde. Pendant le traitement, les participants ont également pris du poids et ont présenté moins de symptômes positifs (délires et hallucinations). L’analysestatistique, quant à elle, suggère une implication de l’anandamide dans l’hyperactivation de l’amygdale chez ceux qui ont visionné des images stimulant l’appétit.

« Ce résultat est cohérent avec la littérature scientifique rapportant que l’augmentation des cannabinoïdes, et en particulier de l’anandamide, est impliquée dans l’aspect motivationnel du comportement alimentaire. C’est aussi cohérent avec le fait que le cannabis augmente l’appétit, un phénomène que les consommateurs connaissent fort bien, et qu’on appelle lesmunchies, » explique Stéphane Potvin. « À notre connaissance, c’est la première étude de neuroimagerie qui rapporte un lien entre les niveaux d’anandamide et un trouble du comportement alimentaire chez des personnes atteintes de  la schizophrénie. Cependant, rien ne prouve qu’il existe un lien de cause à effet. Ces résultats préliminaires devront être confirmés avec des échantillons plus importants. Ils permettraient de mieux comprendre la prise de poids associée au traitement de la schizophrénie par des antipsychotiques. Il s’agit d’une problématique clinique préoccupante, puisque certains antipsychotiques ont des effets secondaires métaboliques importants , » conclut le chercheur.

http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=13638

« Pour s’informer sur la santé, Internet n’est absolument pas fiable »

MIKKEL BORCH-JACOBSEN, ce 20 juillet, chez lui à Paris, le jour où il a mis un point final à «Big Pharma». Né en 1951 de parents danois, MIKKEL BORCH-JACOBSEN a grandi à Strasbourg et fait des études de philosophie en France, où il soutenu sa thèse de doctorat devant un jury composé de Derrida, Lévinas et Lacoue-Labarthe. Il est parti aux Etats-Unis en 1986, où il enseigne actuellement, à Seattle, la littérature comparée à l’Université de Washington. (©DR)

Dans « Big Pharma », Mikkel Borch-Jacobsen, philosophe et professeur de littérature à l’université de Washington (Seattle), a fait appel à un collectif d’auteurs anglo-saxons pour parfaire son étude de mœurs d’un milieu qu’il scrute depuis dix ans: l’industrie pharmaceutique. Entretien

BibliObs Il y a un débat en France. Certains pensent que nous sommes désormais dans une ère de désinformation médicale, voire d’une manipulation des prescripteurs, le savoir scientifique étant «tenu» par les fabricants de médicaments; et ceux qui les dénoncent sont souvent perçus comme des accusateurs manichéens. Le savoir médical est-il oui ou non perverti?

Mikkel Borch-Jacobsen La réponse est oui, malheureusement. La recherche et l’information médicales sont complètement sous influence pharmaceutique, à un degré dont très peu de gens ont conscience. Ici en France, le public a été très choqué par l’affaire du Mediator, qui a mis en évidence les liens d’intérêts entre les laboratoires Servier et les experts qui étaient censés évaluer l’efficacité et la sécurité de leurs médicaments. L’affaire a été traitée sur le mode du scandale, c’est-à-dire comme une transgression et une exception à la règle. Or cette affaire est bien sûr scandaleuse – des gens sont morts – mais ce n’est nullement une exception. Bien au contraire. L’affaire du Mediator illustre une corruption de la biomédecine par l’industrie qui est devenue tout à fait courante, pour ne pas dire systémique, à travers le monde entier.

Vous en donnez de nombreux exemples dans «Big Pharma».

Chiffres et documents à l’appui, nous racontons en détail comment on a sciemment dissimulé ou minimisé les dangers présentés par les antidépresseurs du type Prozac, par les antipsychotiques de seconde génération, les traitements hormonaux de substitution, les antidiabétiques Rezulin et Avandia, le médicament contre reflux gastrique Prépulsid, les antalgiques opiacés comme l’OxyContin, les coupe-faim «Fen-Phen» aux Etats-Unis ou le médicament contre le cholestérol MER/29.

La liste de ces scandales sanitaires est littéralement interminable. À chaque fois, des centaines, des milliers, voire dans certains cas des dizaines de milliers de personnes sont mortes ou présentent de graves séquelles. Or aucun de ces scandales n’aurait pu avoir lieu si les procédures de contrôle scientifiques et régulatoires n’avaient pas été défaillantes. On apprend régulièrement que les experts entretiennent des liens financiers multiples avec les laboratoires produisant les mêmes médicaments qu’ils ont à évaluer. Il en va de même pour les agences et autorités sanitaires. Non seulement elles ne peuvent pas se passer des experts pour effectuer leur travail, mais elles sont elles-mêmes en perpétuelle situation de conflit d’intérêts.

Il faut savoir que la FDA américaine et l’OMS sont financées à 50% par des fonds en provenance de l’industrie, l’agence européenne (EMA) l’est à 70%, l’agence suédoise à 95%, et ainsi de suite. Comment veut-on que ces institutions ne fassent pas preuve de bienveillance à l’égard de ce «partenaire» privilégié qu’est pour elles l’industrie? Cela peut aller très loin. L’épidémiologue et ex-député SPD Wolfgang Wodarg raconte dans notre livre comment l’OMS s’est laissée complètement manipuler par les fabricants de vaccins et d’antiviraux au moment de la fausse alerte de pandémie de grippe H1N1.

Dans un tel contexte, les médecins sont-ils eux aussi manipulés?

Où donc voulez-vous qu’ils trouvent une information objective sur les médicaments qu’ils donnent à leurs patients? Leur source principale, ce sont les visiteurs médicaux. Or il est bien évident que cette information n’est jamais que du marketing déguisé en science. Idem pour la formation médicale continue, qui en France est assurée aux trois quarts par les soins de l’industrie. Idem pour la presse médicale, qui est notoirement vendue aux annonceurs de l’industrie.

Quant aux grandes revues scientifiques à comité de lecture, elles sont devenues de l’aveu même de Richard Horton, ex-rédacteur en chef de «The Lancet», des «opérations de blanchiment d’information pour l’industrie pharmaceutique». Les études publiées dans ces revues sont quasiment toujours favorables aux médicaments évalués, tout simplement parce que les laboratoires ne publient pas les études négatives.

On estime que 50% des essais cliniques financés par l’industrie restent ainsi invisibles parce qu’ils sont défavorables aux médicaments concernés. C’est évidemment une perversion totale du concept de «médecine basée sur des preuves», puisque les chercheurs et les médecins n’ont accès qu’aux «preuves» favorables et restent dans l’ignorance des risques et/ou de l’inefficacité des médicaments. La biomédecine contemporaine ressemble de plus en plus à un de ces «villages Potemkine» dont on cachait la pauvreté derrière des façades en trompe-l’œil lorsqu’ils étaient traversés par le cortège de l’impératrice Catherine II de Russie.

Vous expliquez aussi dans votre livre qu’Internet est un rouage-clé dans cette entreprise de désinformation. De quelle façon?

D’ordinaire, le marketing pharmaceutique cible les médecins puisque ce sont eux qui prescrivent les médicaments. C’est d’ailleurs pourquoi le marketing pharmaceutique se présente le plus souvent sous les dehors de la science, puisqu’il faut convaincre des médecins a priori sceptiques à l’égard des messages commerciaux de l’industrie.

L’arrivée d’Internet a profondément changé la donne en permettant aux laboratoires de s’adresser directement aux patients-consommateurs et de créer chez eux des besoins qu’ils demanderont ensuite aux prescripteurs de satisfaire – «Parlez-en à votre médecin». De nos jours, les patients ne sont plus passifs vis-à-vis du savoir médical. Ils s’informent sur les sites santé comme Doctissimo, participent à des réseaux sociaux spécialisés dans leur pathologie, forment des communautés virtuelles dont les membres échangent renseignements et conseils. Sept Français sur dix utilisent ainsi Internet pour s’informer sur la santé.

On présente souvent cela comme un empowerment démocratique des malades. Ceux-ci, nous dit-on, ne s’en laissent plus conter car ils ont à leur disposition de multiples sources d’information. Or l’information n’y est guère contrôlée. Elle est même souvent sous influence. Par exemple, il y a une blogueuse qui a fait dès l’été une critique défavorable de «Big Pharma», bien avant la parution du livre. Elle nous objecte que les Français n’ont pas besoin d’être alertés sur les méfaits de l’industrie pharmaceutique, car ils sont devenus des «e-patients» qui trouvent une information critique sur Internet. Peut-elle vraiment ignorer que cette notion d’«e-patient» vient directement de l’argumentaire des marketeurs de l’industrie? Ils la promeuvent activement depuis plusieurs années (quelques exemples ici et )?

Big Pharma ne demande pas mieux que les patients s’informent par eux-mêmes sur Internet, car c’est sur son information qu’ils vont immanquablement tomber. Comme l’explique l’expert en santé publique Antoine Vial dans notre livre, l’information médicale a un prix et celle qu’on trouve sur les sites santé et réseaux sociaux du web n’est gratuite et immédiate que parce que des labos ou des agences de communication ont payé derrière pour placer tel ou tel contenu ou pour obtenir telles ou telles données.

Face à une information gratuite, il faut donc toujours se demander «Qui ?». Qui a payé pour le site de telle association de patients, pour telle campagne de prévention? Qui a lancé le buzz au sujet de telle pathologie, de tel médicament? Qui est derrière tel blog? Loin de constituer un contre-pouvoir à la machine à désinformer de l’industrie pharmaceutique, Internet est en permanence ventriloqué par elle. On ne peut absolument pas faire confiance au Web pour obtenir une information objective et de qualité sur les médicaments. Même l’encyclopédie en ligne Wikipédia est manipulée.

Grâce au WikiScanner qui permet de détecter les modifications suspectes apportées à une entrée, on a pu voir ce qu’écrivent ou retranchent certaines firmes sur Wikipédia. Pouvez-vous donner des exemples?

Le WikiScanner permet de «désanonymiser» les modifications apportées à une entrée par des utilisateurs dont les ordinateurs sont enregistrés sous des adresses IP appartenant à des grandes entreprises ou à des organisations comme la CIA. C’est ainsi qu’on a pu montrer qu’un ordinateur de la compagnie pharmaceutique Abbott Laboratories avait été utilisé pour enlever la mention d’un article scientifique qui révélait que le médicament contre l’arthrose Humira, doublait les risques de développer des infections graves et triplait ceux de développer certains types de cancer. Le même ordinateur avait servi à supprimer toute information au sujet des risques d’accidents cardio-vasculaires présentés par un autre produit d’Abbott, le médicament anti-obésité Meridia. Il faut savoir que le Meridia a depuis été retiré du marché à cause de ces mêmes risques, ce qui illustre la gravité du caviardage effectué par Abbott.

Dans le livre, nous nous attardons sur les modifications apportées à l’entrée «Quiétapine» par l’Utilisateur «chrisgaffneymd» à partir d’un ordinateur appartenant au géant pharmaceutique AstraZeneca. La quiétapine, commercialisée sous le nom de marque Seroquel, est un antipsychotique de seconde génération qui présente toutes sortes de risques et d’effets secondaires: suicidalité, prise de poids importante, diabète, accidents cardio-vasculaires, dyskinésie tardive, syndrome neuroleptique malin.

Or comme l’a révélé un blogueur anonyme, l’utilisateur «chrisgaffneymd» a systématiquement éliminé toutes les références à ces effets secondaires dans l’entrée «Quiétapine». Il s’est aussi transporté sur les entrées concernant d’autres antipsychotiques de seconde génération pour souligner à grands traits leurs effets secondaires, afin de torpiller la concurrence. Du vrai travail de professionnel, visiblement effectué par un médecin psychiatre (son nom d’Utilisateur se termine par «md», ce qui semble indiquer qu’il est M.D., Medicinae Doctor. C’est absolument stupéfiant de cynisme!

L’entrée «Trouble bipolaire» a elle aussi été modifiée par ce même «chrisgaffneymd».

Oui, ainsi que l’entrée «Spectre bipolaire». On peut évidemment se demander pourquoi l’employé d’une compagnie pharmaceutique s’intéresse ainsi à la définition d’un trouble psychiatrique, mais la réponse est évidente pour quiconque connaît un peu les pratiques de Big Pharma. En (re)définissant les critères diagnostiques d’une maladie, on peut en effet augmenter considérablement les indications – et donc les ventes – d’un médicament donné. C’est ce que les marketeurs de l’industrie appellent dans leur jargon le «condition branding», autrement dit la promotion des maladies.

Au lieu de vendre un médicament, on promeut une maladie pour laquelle le médicament est indiqué. Cela peut être une maladie existante dont on étend ou modifie artificiellement la définition pour élargir le marché d’un médicament. Cela peut aussi être une maladie créée de toutes pièces, comme le désormais fameux «trouble dysphorique pré-menstruel» qui a été intégré dans le «DSM», manuel de recension des troubles psychiatriques, par des experts complaisants pour fournir un débouché au Sarafem de la compagnie Eli Lilly, un médicament recyclant la molécule du Prozac, arrivée en bout de brevet.

Le «trouble bipolaire» relève de la première catégorie, qu’on pourrait qualifier d’«extension du domaine de la maladie»…

Oui, excellente expression ! Le «trouble bipolaire» a été introduit en 1980 dans la nosographie du «DSM-III» pour remplacer celui de psychose maniaco-dépressive. Celle-ci se définissait classiquement comme un trouble de l’humeur faisant osciller le patient entre des états d’hyperactivité maniaque et des états de dépression profonde. Il s’agissait clairement d’une psychose grave, relativement rare, pour laquelle on donnait des antipsychotiques.

Or dans les éditions ultérieures du «DSM», des commissions composées à 100% d’experts ayant des liens d’intérêt avec des firmes pharmaceutiques ont introduit un «trouble bipolaire II», auquel ont été annexées des formes moins sévères de dépression et/ou d’hyperactivité. De fil en aiguille, on a commencé à parler d’un «spectre bipolaire» incluant quasiment n’importe quelle forme d’instabilité d’humeur et affectant toutes les tranches d’âge, des enfants turbulents aux vieillards déprimés. Tout cela nommé indifféremment «trouble bipolaire» et traité avec… des antipsychotiques de seconde génération comme le Seroquel d’AstraZeneca! Vous comprenez maintenant pourquoi l’homme d’AstraZeneca s’est intéressé aux entrées sur le trouble bipolaire dans Wikipédia.

Lorsqu’on examine ses ajouts et amendements, on voit tout de suite qu’il s’agissait essentiellement pour lui de redéfinir la dépression et l’hyperactivité en trouble bipolaire caché ou mal diagnostiqué – autrement dit d’élargir le marché du Seroquel. C’est à la faveur d’opérations de «condition branding»de ce genre que le marché des antipsychotiques a littéralement explosé ces dix dernières, pour atteindre un chiffre d’affaires de 18 milliards de dollars par an. En promouvant agressivement le concept de «trouble bipolaire», les fabricants d’antipsychotiques et d’antiépileptiques ont réussi à capter le marché détenu auparavant par les antidépresseurs du type Prozac et les psychostimulants comme la Ritaline.

En avril 2009 dans «BoOks», à l’occasion d’un numéro consacré à l’industrie pharmaceutique bien avant que n’éclate l’affaire du Médiator, vous aviez lancé cette formule saisissante: «On lance une maladie comme on lance une marque de jean»

Oui et dans «Big Pharma», nous donnons bien des exemples de maladies ou de syndromes promus par les laboratoires au gré des cycles de brevets et des stratégies commerciales: dépression, maladie d’Alzheimer, fibromyalgie, syndrome métabolique, reflux gastro-oesophagien, phobie sociale, et j’en passe. Sans parler des facteurs de risque dont on manipule les seuils pour inclure toujours plus de «malades qui s’ignorent»: cholestérol, hypertension ou ostéoporose. Chaque jour amène un nouveau «trouble», un nouveau «syndrome» qui demande impérativement un traitement médicamenteux.

Pas plus tard que ces quinze derniers jours, nous avons eu droit en France à deux unes enthousiastes de «Libération» et de «Elle» sur la «révolution sexuelle» promise par le Viagra féminin: les femmes souffrant de «désir sexuel hypoactif» (autrement dit de libido un peu languissante) auront à nouveau envie de faire l’amour cinq fois dans la semaine grâce au Lybrido, l’un des nombreux aphrodisiaques en préparation dans le pipeline des labos. Le Lybrido n’a même pas encore reçu d’autorisation de mise sur le marché que des agences de communication s’activent déjà pour promouvoir dans la presse la nouvelle «dysfonction sexuelle» qu’il est censé guérir.

Dans votre ouvrage, vous évoquez longuement la question des risques sanitaires…

Oui, c’est un problème énorme, dont on commence à peine à prendre conscience. Les médicaments sont loin d’être des produits inoffensifs, que ce soit pour notre corps ou pour les écosystèmes dont nous faisons partie. Ce sont des produits synthétiques fabriqués de façon industrielle, exactement au même titre que toutes sortes d’autres produits synthétiques que nous déversons depuis près d’un siècle dans l’eau, l’air et le sol de notre planète – pesticides, herbicides, dioxine, phtalates, PCB, PVC, bisphénol A, etc.

Or ces molécules artificielles agissent de façon largement imprévisible sur les organismes avec lesquels elles entrent en contact pour la première fois ou à des doses introuvables dans la nature. C’est vrai pour les produits synthétiques que je viens de citer, mais c’est vrai aussi pour les médicaments, qui peuvent s’avérer avoir ce qu’on appelle pudiquement des «effets médicaux indésirables» (EMI). On évacue d’ordinaire la question en parlant d’«effets secondaires», comme si ces effets étaient négligeables.

Mais il suffit de regarder les chiffres de la iatrogénie médicamenteuse pour constater que les médicaments posent un véritable problème de santé publique. Pensez donc, on estime que les EMI sont responsables en Europe de 197.000 morts par an, ce qui en fait la cinquième cause de décès à l’hôpital. Les chiffres sont à peu près les mêmes aux Etats-Unis, toutes proportion gardées: une étude datant de 1998 estime à 2,2 millions le nombre d’EMI graves par an, dont 100.000 décès.

Nous avons l’habitude de considérer les médicaments comme des substances essentiellement bénéfiques, mais en réalité ils présentent aussi toutes sortes de risques qui sont multipliés par leur diffusion massive, industrielle. Plus nous consommons de médicaments et plus nous augmentons les risques d’en tomber malades. Les essais cliniques sont absolument incapables de nous garantir contre ces risques, car ils sont effectués sur des cohortes bien trop limitées et sur des durées bien trop courtes. Ce n’est que lorsque les médicaments sont testés sur des populations entières et pendant des dizaines d’années qu’on peut en évaluer correctement les effets – et à ce moment-là il est souvent trop tard. Voyez ce qui est arrivé avec l’hormone de synthèse distilbène [traitement donné aux femmes enceintes dans les années 70, censé prévenir les, fausses couches, NDLR]: ses effets se sont déclarés sur la seconde et maintenant la troisième génération

Vous traitez aussi d’un sujet rarement évoqué: les risques environnementaux. 

C’est le plus inquiétant. On sait depuis une vingtaine d’années que certains produits synthétiques omniprésents dans notre environnement comme les PCB ou le bisphénol A perturbent le système endocrinien des animaux et des humains, en imitant ou en bloquant les hormones naturelles. Or il en va exactement de même pour certains médicaments, notamment les hormones de synthèse comme l’éthinylestradiol, qu’on retrouve dans quasiment toutes les pilules contraceptives. Ces produits, une fois excrétés, se retrouvent dans les cours d’eau et dans la mer où ils affectent le système reproductif des poissons, des oiseaux qui les mangent – et finalement le nôtre.

Pas plus tard qu’il y a quelques mois, une étude a trouvé des traces de tamoxifène dans certaines eaux en bouteille. Or le tamoxifène, une hormone de synthèse utilisée dans le traitement des cancers du sein, est un perturbateur endocrinien.

D’autres médicaments se comportent aussi comme des perturbateurs endocriniens, à commencer par les antidépresseurs du type Prozac, dont on sait qu’ils affectent le fonctionnement sexuel et reproductif chez les humains. Or ceux-là aussi sont déversés dans l’eau des rivières et des mers où ils ralentissent la croissance des têtards de grenouilles et altèrent les fonctions reproductives des mollusques et des crustacés, avant de se retrouver dans l’eau qui sort de notre robinet. En réalité, l’eau de nos rivières et celle que nous buvons sont devenues un bouillon médicamenteux où l’on retrouve pêle-mêle des antibiotiques, des bêtabloquants, des antiépileptiques, des anti-inflammatoires, des anticancéreux, des antihistaminiques, des anti-hypertenseurs, des statines, et ainsi de suite.

Ce n’est donc pas seulement en prenant des médicaments vendus en pharmacie que nous nous exposons à des risques iatrogéniques. Du fait de la production et de la consommation industrielle de toutes ces molécules, nous y sommes tous exposés dans l’environnement, que nous le voulions ou non. La vérité est que l’industrie pharmaceutique est une industrie polluante, exactement au même titre que l’industrie agro-chimique, et que les médicaments sont devenus des perturbateurs écologiques. Les agences de protection de l’environnement commencent d’ailleurs à s’inquiéter de la toxicité des médicaments présents dans l’environnement, mais très discrètement. On comprend bien pourquoi, car il s’agit d’une question politiquement et économiquement explosive. Qu’adviendrait-il de Big Pharma si les médicaments s’avéraient aussi dangereux pour l’environnement et la santé publique que de vulgaires déchets chimiques?

Propos recueillis par Anne Crignon

Big Pharma, une industrie toute-puissante qui joue avec notre santé,
coordonné par Mikkel Borch-Jacobsen, Les Arènes, 524 p., 22,80 euros.

http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20130927.OBS8881/pour-s-informer-sur-la-sante-internet-n-est-absolument-pas-fiable.html

Mes tourments

Dans le silence
de mes nuits rances;
je guette avec ardeur
toutes mes terribles horreurs.
Je voudrai croire
mais où est donc passé l’espoir?
Quand je suis au bout du rouleau
je tente de pourchasser mes maux!
Aller à l’hôpital
quand je vais mal;
pour ainsi parvenir
à ne plus souffrir!
Cataclysmes
et traumatismes
s’additionnent
quand le glas sonne.
A coup de traitements
donnés par les bien pensants
je les avale,
mais ça me fait mal.
Dans ma tête,
c’est loin d’être la fête.
Tout bascule
et je recul.
J’avais décidé
de tout arrêter.
Idées à la « con »
car j’ai connu l’effet rebond….
 
Gotek31

Médicaments antipsychotiques: la prise de poids et le risque accru de diabète mieux compris

             

 

 

 

 

Une étude néerlandaise, présentée au congrès annuel de la Society for the Study of Ingestive Behavior (SSIB), suggère un mécanisme par lequel les médicaments antipsychotiques (ou neuroleptiques) pourraient causer une prise de poids et disposer au diabète.

L’étude a été menée avec le médicament olanzapine (nom commercial: Zyprexa), indiqué pour le traitement de la schizophrénie et du trouble bipolaire, qui a été associé, dans des études chez l’humain et chez l’animal, à une prise de poids et à la résistance à l’insuline.

Anton Scheurink et Simon Evers de l’Université de Groningen ont mené cette étude, visant à identifier les mécanismes soustendant les effets métaboliques du médicament, avec des volontaires masculins en bonne santé.

Leurs résultats ont confirmé les études précédentes indiquant que l’olanzapine pouvait induire une prise de poids en faisant manger plus et consommer plus de calories. Ils montrent aussi que le médicament réduit la température du corps, ce qui réduit la dépense énergétique. Il altère aussi le métabolisme du glucose, ce qui peut contribuer à la réduction de la sensibilité à l’insuline.

« Notre groupe de recherche estime que la baisse de la température corporelle est l’effet le plus direct et consistant de l’olanzapine chez les humains et les animaux. Cette baisse de la température peut expliquer plusieurs des effets secondaires métaboliques du médicament, incluant la suralimentation, la dépense énergétique réduite, la sédation, la glycémie (taux de sucre sanguin) élevée et la résistance à l’insuline. »

http://www.psychomedia.qc.ca/sante/2011-07-14/medicament-antipsychotique-olanzapine-prise-de-poids-et-diabete

Les effets secondaires des antipsychotiques (neuroleptiques) insuffisamment surveillés par les psychiatres

       

 

 

 

 

Les psychiatres devraient améliorer leur surveillance des effets secondaires des médicaments antipsychotiques (neuroleptiques), selon une étude britannique publiée dans la revue Psychological Medicine.

Ces médicaments sont connus pour provoquer divers effets secondaires indésirables pouvant avoir des conséquences sérieuses pour la santé. Par exemple, 60 % des personnes prenant un médicament antipsychotique pour le traitement de la schizophrénie ont un niveau de cholestérol élevé, 40 % ont une pression artérielle élevée, et 30 % présentent un syndrome métabolique. Certains experts estiment que 90 % des personnes traitées avec des médicaments antipsychotiques ont au moins un facteur de risque métabolique.

Alex Mitchell de l’Université de Leicester et ses collègues ont analysé 48 études (impliquant près de 300 000 personnes) menées de 2000 à 2011 dans 5 pays.

Les psychiatres surveillaient la pression artérielle et les triglycérides chez plus de la moitié des personnes qui recevaient des soins psychiatriques. Mais le contrôle du cholestérol, du glucose et du poids étaient offerts chez moins de la moitié. La surveillance était similaire dans les études américaines et britanniques et pour les personnes hospitalisées et traitées à l’externe.

Cette étude montre que les psychiatres ne tiennent pas toujours compte des complications métaboliques des médicaments prescrits, concluent les auteurs.

Plusieurs directives soulignent la nécessité d’un contrôle médical régulier, mais même après la publication de ces directives, les taux de surveillance sont demeurés faibles en particulier pour ce qui est des paramètres qui nécessitent un test sanguin. Même dans les études les plus récentes, le poids et la tension artérielle n’étaient pas vérifiées chez environ un quart des personnes traitées.

Une explication est que la responsabilité est souvent perdue entre la psychiatrie et la médecine générale, estiment les auteurs. Ils recommandent que des contrôles de santé physique fassent obligatoirement partie des soins fournis par les psychiatres.

http://www.psychomedia.qc.ca/medicaments/2011-08-16/effets-secondaires-antipsychotiques-neuroleptiques-insuffisamment-surveilles

Ma petite maladie familière

Oui, la schizophrénie est grave, longue, pénible, tout ce qu’on veut, je ne le renie pas du tout, elle mène la vie dure, quand elle ne la détruit pas, fait peur à tout le monde et est synonyme de folie.

Mais comme pour tout, on finit par s’y habituer. Ca ne veut pas dire que c’est facile, loin de là. Mais je la connais, j’ai passé presque la moitié de ma vie avec elle. Elle est toujours là, même si je la perds de vue de temps en temps.

Je viens de passer quinze jours dans le doute, incapable de tenir debout très longtemps, attendant les résultats des analyses de sang, pleurant devant l’incompréhension d’un médecin pour qui le problème est que je ne vais pas dormir avant minuit. J’ai eu peur, d’avoir une maladie et de ne pas en avoir. Une nouvelle maladie inconnue ou une absence de maladie qui ne veut pas dire absence de symptômes mais absence de solution. Recommencer avec l’inconnu, frapper à toutes les portes pour savoir, ne pas avoir de réponses, imaginer le pire, me battre avec le corps médical, non ça vraiment je ne peux plus.

M’être battue des années pour un traitement, un diagnostic, un diplôme, un travail, et recommencer ça, perdre mes acquis à cause de mon corps qui lâche, c’est trop. C’est la panique.

Quand mon médecin m’a dit que mon corps ne supportait plus le Seroquel, à cause de son agressivité lors de la prise, et m’a proposé le même médicament sans cet inconvénient, ça a été le soulagement.

Je pourrais me dire que c’est un peu la merde quand même, je n’avais jamais pensé à ça, que ce soit mon corps qui ne veuille plus des médicaments et non ma volonté. Je prends ce traitement depuis neuf ans, il me convient très bien, et voilà une nouvelle étape dans la maladie, que j’ignorais totalement: je ne supporte plus mon traitement. Considérant le nombre d’années que je peux encore vivre, ça peut faire pas mal de problèmes de ce genre à venir.

Oui, mais je suis soulagée. La schizophrénie et sa cohorte de problèmes, j’y suis habituée. J’ai déjà les armes au poing, j’ai  gagné pas mal de fois, même si j’ai été souvent mise à terre aussi. C’est la cause de mes pires problèmes depuis longtemps. C’est ma « petite » maladie familière.

Je teste les neuroleptiques à libération prolongée

Depuis quinze jours, je suis épuisée, au point de ne pouvoir aller travailler. Selon mon médecin, il est possible que mon corps ne supporte plus bien mon traitement neuroleptiques actuel, du Seroquel 300 mg. Celui-ci me shoote beaucoup peu après la prise, au coucher, et j’ai du mal à me lever le matin. Il m’a donc proposé le Seroquel XR, qui n’a pas de pic lors de la prise mais se diffuse dans le corps durant 24 heures.

Premières questions: vais-je arriver à dormir sans ce fameux pic? Ou vais-je ressentir un manque et avoir des insomnies comme lorsque je ne prends pas un comprimé? Et vais-je être en forme toute la journée, ou le fait d’éviter le shoot du soir va-t-il provoquer une une somnolence permanente?

Réponses demain!

Première observation: j’ai pris un comprimé de Seroquel XR 300 il y a une heure trente et je ne ressens rien, alors qu’avec le Seroquel classique, en restant éveillée, je serais shootée depuis longtemps, incapable de tenir debout et allongée dans un brouillard à la limite de la confusion.

Deuxième observation: après 2h30, j’ai été un peu shootée. Trop pour rester debout mais pas assez pour que ce soit gênant allongée. J’ai passé une très bonne nuit, me suis réveillée tôt sans être dans le brouillard. Reste à voir comment se passera la journée.

Troisième observation: je n’ai pas du tout été shootée dans la journée. Je suis fatiguée, mais comme je le suis depuis plus de 15 jours, l’avenir dira si c’est à cause du Seroquel XR ou pas.

Bilan trois mois après: il est positif. Le Seroquel ne me shoote plus du tout, je dors très bien et me sens mieux moralement (mais ça, je ne sais pas si c’est dû au nouveau traitement ou si c’est un hasard). Le seul point négatif est que j’ai un effet secondaire que je n’avais jamais eu, de l’urticaire, mais les effets secondaires sont rarement évitables.

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