Posts Tagged ‘stigmatisation’

Mon travail de fin de formation

Mon travail de fin de formation, « La représentation des maladies mentales dans les médias et la culture mainstream : quel impact dans la vie des personnes souffrant de troubles psychiques ? », est disponible en ligne à cette adresse:

https://www.sciencesdelafamille.be/formation-pair-aidance-2018/7-tff-2017/

 

25 ans du Psycom

Pour fêter ses 25 ans, le Psycom organise une journée d’études dont le thème est « Maux croisés, parler de santé mentale sans stigmatiser. »  J’y interviendrai pour parler des préjugés sur la schizophrénie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous trouverez les détails et les modalités d’inscriptions ici.

Ce qui me gêne dans le « Tu es courageuse »

Les pratiques de réadaptation exemplifient, en l’exacerbant même, le paradigme de la « normalité moyenne ». Tous les efforts convergent pour que les personnes handicapées puissent être assimilées au lot commun. L’individu stigmatisé s’efforce de répondre aux normes sociales et « s’il parvient à trouver un emploi et à fonder une famille, on dit de lui qu’il « a su faire quelque chose de sa vie » « . Ces « héros de l’adaptation » se rapprochent, en dépit du stigmate, d’une certaine normalité; « normalité fantôme » cependant, puisque leurs actions restent interprétées à la lumière du stigmate. L’épreuve privée du handicap et l’idéologie de la réadaptation nourrissent une psychologisation du handicap, lequel est pensé comme une épreuve à « surmonter » exigeant une constitution psychique forte et volontaire. La réponse à l’épreuve est binaire: on la surmonte ou non.

« Introduction à la sociologie du handicap », Ville, Fillion, Ravaud, éditions de boeck, p.112

Et même des soins psychiatriques!

Entendu dans l’émission Cash sur France 2, à propos d’un homme dont l’industrie du tabac veut détruire la réputation (c’est la voix off du journaliste, que je cite de mémoire): on a dit qu’il avait volé une bouteille de whisky, frappé sa femme en état d’ivresse et même reçu des soins psychiatriques.

Ici, on ne parle pas d’hospitalisation, ni de psychose ou de délire. Ca ne serait pas une excuse pour stigmatiser la personne, mais disons qu’on ne s’en étonne plus beaucoup. Non, cet homme aurait reçu des soins psychiatriques, voilà tout. Donc il peut très bien avoit été deux fois chez un psychiatre parce qu’il était déprimé ou angoissé. Pour ceux qui font courir ces rumeurs, cela suffirait à décridibiliser quelqu’un, malgré ses diplômes et son expérience professionnelle dans le domaine qui est au coeur du litige. Etant donné le nombre de gens ayant reçus des soins psychiatriques au moins une fois dans leur vie, cette phrase est aussi ridicule que de dire « il aurait même reçu des soins en cardiologie’.  Pire, pour le journaliste, cette rumeur est celle qui est susceptible de lui causer le plus de torts. Il semble qu’il est bien plus grave d’avoir eu un problème psychique, aussi léger soit-il, et de demander une aide médicale que de battre sa femme.

Polémique autour de la fonction de pair-aidant

La fonction de pair-aidant pose question, et c’est normal. Qu’on ouvre un débat à ce sujet, c’est une bonne chose. Mais j’avoue être sidérée par le tour polémique que prend ce débat, par les accusations gratuites, la stigmatisation des usagers et le mépris envers eux qu’on peut lire dans différentes contributions, y compris et surtout par des professionnels de la psychiatrie.

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Plus que sur la fonction de pair-aidant elle-même, c’est sur la vision des usagers de la psychiatrie que je veux réagir ici.

« Mais comment un malade peut-il conseiller un autre ? On met quelqu’un qui souffre un peu moins pour soigner celui qui souffre plus ? Et en plus on le paye ? ! Et dans cette formation de huit semaines (!), ils vont apprendre quoi ? Nous, on n’apprend pas notre métier dans la théorie mais face à la souffrance morale, le délire, l’agressivité. Et enfin, la réinsertion passe par les médecins, l’assistante sociale, les aides soignants. Et de vrais moyens ». »

Pourquoi un malade ne pourrait-il pas en conseiller un autre? C’est ce que font les associations de patients, les forum internet, les amis qui partagent le même vécu, c’est ce que font entre eux les patients à l’hôpital. Depuis quand les gens ayant une expérience similaire ne pourraient-ils  pas se porter conseil? Mais peut-être faut-il comprendre que c’est impossible uniquement pour les patients en psychiatrie. Trop fous pour s’entraider, ne pouvant que s’entraîner dans la folie, sans doute.

En plus, on les paye. Eh bien oui, pourquoi un usager de la psychiatrie ne devrait-il être apte qu’à du travail bénévole? Parce qu’il serait forcément inapte à un travail digne de ce nom? Que le travail n’est là que pour l’occuper, mais n’a en aucun cas la même valeur que le travail de quelqu’un d’autre?

La formation dure huit semaines. Est-ce tellement moins que les semaines consacrées à la psychiatrie dans les études d’infirmières? Quant à dire que les soignants n’apprennent pas de théorie, un j’espère que c’est faux, deux est-ce quelque chose à revendiquer? Je trouve ça plutôt grave. Et puis si on part sur ce terrain-là, c’est bien justement ce que revendiquent les pairs-aidants, avoir un vécu commun avec les patients, connaître la souffrance psychique et la psychiatrie de l’intérieur. Vécu qu’ils vont complèter avec une formation. Au-delà de ces questions, je trouve cette vision des usagers totalement réductrice et stigmatisante. Les usagers ne seraient que des fous, incapables de comprendre les autres, incapables de se former et arrivant comme des coquilles vides à ces formations. Mais les usagers ne sont pas qu’une maladie! Certains ont des diplômes, des expériences professionnelles qui peuvent leur servir dans leur fonction de pair-aidant, une capacité à réfléchir, à se remettre en question  et beaucoup connaissent déjà pas mal de choses sur la psychopathologie et la psychiatrie, parce que, tout au long de leur parcours, ils ont échangé, lu, appris. Ils ont donc une connaissance empirique mais aussi théorique, même si celle-ci est différente des soignants, qu’ils ne prétendent d’ailleurs pas remplacer.

Un soignant  en psychiatrie dit: « Après le pompier pyromane, le prêtre pédophile, le flic ripou, voici le fou guéri qui soigne.
Quel pays de m… ! » Comme si, parce qu’on a été malade à un moment donné, on ne pouvait jamais retrouver la raison.  On ne pourrait que faire du mal en étant présent au sein d’une équipe soignante, être contre-productif. Un fou reste un fou à vie, c’est dit! Pas de rédemption pour les usagers en psychiatrie!

« En psy vous ne guérissez pas mais vous vous stabilisez »

Ce n’est pas le cas pour toutes les maladies psychiatriques, et ça reste à prouver pour les autres. Mais quand bien même, le fait d’être « seulement » stabilisés nous empêcherait donc toute notre vie d’être digne de confiance? Alors que bien souvent cette stabilisation s’est faite au prix de longues thérapies, de remises en question, de souffrances, de changements de point de vue sur la vie, etc. dont bien des gens n’ont pas fait l’expérience.

 » On se moque des soignants. Je suppose qu’il va y avoir des démissions en masse à l’hôpital. »

Pourquoi, pour les soignants, est-ce si dévalorisant de reconnaître l’expérience d’un usager? En quoi est-ce une menace? Il ne s’agit pas de les remplacer, mais de prendre en compte un autre point de vue que le leur. Pourquoi vouloir maintenir à tout prix une barrière soignant/patient? Qui a peur d’être assimilé à l’autre? Qui a peur de perdre son pouvoir? Encore une fois, il y a ceux qui savent, les soignants et plus généralement les gens « normaux », et de l’autre ceux qui ne savent pas et n’ont pas droit à la parole, les fous. Alors, qui veut faire taire les fous? La société? La psychiatrie? Les deux apparemment!

« Malheureusement le mot ‘aidant’ établit une hiérarchie entre une personne aidante donc supérieure et une personne aidée donc inférieure ». Oui, dans la vie on est successivement en position haute ou basse (même si je n’aime pas ces termes), mais pourquoi seuls les soignants auraient-ils le privilège d’aider et donc d’être supérieurs? En quoi est-ce plus grave si la personne qui aide a un vécu similaire à la personne aidée?

On nous dit aussi que le pair-aidant ne connaît que sa propre pathologie et rien d’autre, qu’il ne pourra que la projeter sur les autres. Encore une fois, nous ne sommes pas incapables d’apprendre, ni en théorie ni en pratique. On peut, comme tout un chacun, remettre ses pratiques en cause, s’interroger sur ses relations aux autres. Les soignants ne sont pas nés avec ce statut particulier dans leurs gènes, et j’aimerais bien croire qu’aucun d’eux n’a jamais fait de projection ni souffert d’aucune pathologie mentale, mais ça fait un bail que j’ai perdu mes illusions d’enfant!

Quant à dire que les personnes souffrant de psychose n’ont pas conscience de leurs troubles, c’est plus que réducteur. Les personnes qui deviennent pairs-aidants ne sont évidemment pas des malades en crise, mais des personnes ayant de nombreuses années d’expérience de la maladie derrière eux, et cette maladie, ils la connaissent, ils ont en conscience, ils y ont réfléchi, ils ont des choses à en dire.

« Le-père-est-dent, mon ami; quand va-t-il te dévorer? »: là, je suis carrément sans voix! Surtout que, comme chacun sait, l’institution psychiatrique est dénuée de toute violence! Le plus grand danger pour les patients serait les pairs-aidant? En ces temps de politique sécuritaire? Enfin, ce n’est pas la première fois que les jeux de mots psychanalytiques me renvoient à un silence abasourdi!

Pour finir, cette accusation gratuite à propos des formations proposées par Psytoyens: « ça rapporte beaucoup toutes ces formations comme vous le savez ». Alors que Psytoyens est une association sans but lucratif!!

Bref, qu’on se demande ce qu’un usager peut apporter dans une équipe soignante, quels sont les avantages et les désavantages pour tout le monde, oui. Mais rejeter la fonction de pair-aidant parce qu’un fou ne serait qu’un fou à vie, incapable d’apprendre, dénué de tout autre expérience que sa folie, ne resterait pas à sa place d’ignorant face à ceux qui savent et ne mériterait pas d’être payé pour son travail, c’est de la stigmatisation, malheureusement égale chez les professionnels qui tiennent ces propos à celle qu’on voit dans la société tous les jours.

« Cette histoire me paraît complètement folle !« , lançait abasourdi et scandalisé hier Pierre Tribouillard (FO Santé).

A moi aussi! Mais ce qui me paraît fou, c’est ce dénigrément, ce mépris voire cette haine chez des gens censés connaître les personnes souffrant de maladies mentales.

Les réactions dont je parle proviennent de ces deux articles:

http://www.laprovence.com/article/a-la-une/psychiatrie-des-malades-font-partie-de-lequipe-soignante?page=1

http://blogs.mediapart.fr/edition/contes-de-la-folie-ordinaire/article/060211/les-pairs-aidants-pseudo-generosite-et-deri

Le site de Psytoyens:

www.psytoyens.be

Les schizophrènes norvégiens ont peur d’être assimilés à Breivik

Anders Behring Breivik, l’auteur des attentats en Norvège survenus l’été dernier, a été examiné par les psychiatres Torgeir Husby et Synne Sørheim. Ces derniers ont conclu que l’intéressé est atteint de schizophrénie paranoïde. Pour beaucoup de personnes victimes de cette maladie, la pilule est amère. Parmi eux, Tor Espen Skeie, ancien journaliste et champion de handball qui a été atteint de schizoprénie. Et il s’est confié au quotidien norvégien Fædrelandsvennen, par l’intermédiaire de l’agence de presse NTB : « Il est important pour moi de ne pas être assimilé à Breivik ».

Le couperet des experts est tombé. Anders Behring Breivik est fou. Il est plus précisément schizophrène paranoïde. Ce diagnostic a pris de court une grande partie de la population en Norvège. Et si la stupéfaction est palpable à bien des niveaux, on peut également observer un malaise chez des personnes atteintes du même trouble mental. Parmi eux, Tor Espen Skeie, ancien journaliste et champion junior de handball. Cet homme âgé de 45 ans est devenu schizophrénie paranoïde lorsqu’il a atteint la trentaine. A l’issue du verdict des psychiatres qui se sont penchés sur Breivik, on peut mesurer la colère de Tor Espen Skeie dans les colonnes du quotidien de Kristiansand, Fædrelandsvennen : « A mon avis Breivik n’aurait pas du obtenir ce diagnostic. En rendant cette conclusion, les experts ont assimilé un fou hors norme aux vraies victimes de cette maladie ».

Psychotique à plusieurs reprises depuis sa plongée dans la schizophrénie, Tor Espen Skeie a fait le choix, dans un premier temps, de ne pas prendre de médicaments. Même lorsqu’il était victime d’hallucination ou lorsqu’il entendait des voix. Et il tient à le souligner : « Je n’ai jamais rien fait de criminel et je ne me suis jamais montré dangereux pour mon entourage ». Pour Tor Espen Skeie, le fait même de s’exprimer au lendemain des attaques du 22 juillet fut un choix difficile : « J’ai eu peur d’être d’office catalogué par certaines personnes, mais le vœu du Premier ministre norvégien Jens Stoltenberg de tendre vers davantage d’ouverture et de transparence m’a rassuré. Et je me suis dit que je pouvais apporter ma pierre à l’édifice ».

Tor Espen Skeie dit avoir ressenti un sentiment ambigu dans les jours qui ont suivi le verdit des psychiatres chargé de se prononcer sur Breivik : « D’un côté j’étais assez soulagé car l’événement est désormais mis dans une perspective médicale, et les gens ne se focalisent plus sur une faillite supposée de la politique d’immigration en Norvège. Mais je suis également triste pour les témoins de ce drame, les proches de Breivik et la société dans son ensemble. Curieusement, je ressens même parfois un peu d’empathie pour Breivik car je sais ce que c’est que d’être malade ».

Tor Espen Skeie espère même que Breivik, dans son propre intérêt, ne puisse guérir de sa folie, car « s’il venait à comprendre tout le mal qu’il a fait, il en mourrait de honte ». Pour sa part, l’ancien journaliste et champion de handball, loin de l’univers de Breivik, affirme avoir déjà traversé les épisodes les plus difficiles de sa vie de malade : « J’avais une perception différente de la réalité. Je délirais, et il était impossible de partager ma vision des choses avec mon entourage ». Tor Espen Skeie a fini par prendre des médicaments, et s’il reste actuellement dans l’incapacité à reprendre une activité professionnelle, il vit néanmoins dans son propre appartement. Et souligne-t-il, « Je mène une vie normale ».

Photo : Tor Espen Skeie (source : radiofrihet.com)

http://www.carevox.fr/psycho-sexo/article/les-schizophrenes-norvegiens-ont

Où je me dis que l’Unafam va peut-être remonter dans mon estime mais non, c’est encore raté!

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Un autre regard: le slogan est très vrai, mais je ne suis pas sûre qu’il soit bien utilisé!

Je suis en train de lire « La stigmatisation en psychiatrie et en santé mentale », dirigé par Jean-Yves Giordana, chez Masson (http://www.elsevier-masson.fr/Psychiatrie/Livre/product/471204/La-stigmatisation-en-psychiatrie-et-en-sante-mentale/)  Un des chapitres est écrit par le président de l’Unafam. J’hésite un peu à le lire à cette heure tardive, je travaille demain et en général les interventions des membres de l’Unafam ont le don de me faire perdre le sommeil pour cause d’énervement. Mais je me dis, allez, dans un livre sur ce thème, ils ont dû faire un effort, et puis ça date d’avant leur soutien à la loi du 5 juillet. On ne pourra pas m’accuser de mauvaise foi, à chaque fois je leur laisse une chance de me surprendre et de remonter dans mon estime. Mais malheureusement, ce n’est pas encore pour ce soir!

Cet article de quatre pages et demies nous apprend des choses édifiantes, que pour ma part je ne pensais pas trouver dans un livre sur la stigmatisation mais plutôt dans la partie préjugés de ce blog.

A savoir:

-« Le signataire doit avouer sa perplexité devant l’ambiguïté du concept (stigmatisation), et l’utilisation qui en est souvent faite, au moins pour ce qui concerne la population concernée par les troubles sévères ». Le concept est pourtant bien expliqué dans le livre, mais apparemment le signataire pense que « la population concernée par les troubles sévères » (comprenez les psychotiques) n’est pas stigmatisée, contrairement à ceux ayant des troubles plus légers, injustement associés aux psychotiques qui méritent bien ce qu’on dit d’eux. Peut-être le signataire pense-t-il cela parce que, comme le révèle une étude mentionnée dans le livre, il est courant que la famille culpabilise et ait honte de la personne malade, même si bien sûr c’est faux, jamais les familles ne feraient ça!

-« La grande prudence de l’Unafam en ce qui concerne le concept de déstigmatisation. Concernant la population confrontée à des troubles sévères, l’Unafam n’est pas favorable à passer sous silence l’intensité des souffrances subies et le caractère inacceptable de beaucoup des manifestations des troubles. »  Les souffrances subies: par qui? La personne malade ou la famille? L’ambiguîté n’est pas levée et ma question est légitime au vu du paragraphe qui suit. Quant au caractère inacceptable de la manifestation des troubles, je trouve la formulation plutôt étrange, d’autant que plus loin ces troubles sont qualifiés d’ « atteinte du système nerveux ». Va-t-on dire à quelqu’un qui a un cancer « votre tumeur est inacceptable » ou pour rester dans les atteintes neurologiques puisque c’est ainsi que l’Unafam qualifie les maladies mentales « monsieur l’épileptique, vous vous êtes mordu la langue, c’est inacceptable! ».

-« Il nous paraît plus honnête de reconnaître que les troubles arrivent comme un séisme dans les familles et provoquent des blessures qui ne cicatriseront pas vraiment. Le plus souvent, ces troubles détruisent beaucoup de possibilités de vivre comme avant, de réaliser des projets dans la longue durée, et d’une manière plus générale, d’entretenir aisément des liens sociaux ». Comme d’habitude, on voit que le séisme est le plus dur pour la famille, première victime de la maladie, et incapable de s’en remettre (la résilience, connaît pas, même quand on n’est pas malade soi-même!) et évidemment la personne malade n’ira pas mieux. Sa famille l’a déjà condamnée. Il est à noter d’ailleurs l’emploi des termes « comme avant ». Mais moi je ne veux pas vivre comme avant; la maladie, son expérience nous change et ne pas redevenir comme avant ne veut pas dire rater sa vie, sauf si on se place évidemment du côté de l’enfant idéal perdu à jamais.

-« Dès lors que l’on connaît la gravité des troubles (…), comment peut-on prétendre qu’une meilleure connaissance de la maladie ne provoquera pas, dans le public, des craintes et des peurs que, pour notre part, nous comprenons pleinement? » Tout le livre montre que les témoignages de personnes malades montrent l’humanité derrière la maladie et que les gens sont donc moins stigmatisants, comme c’est le cas des gens ayant l’habitude de côtoyer des personnes malades, que ce soit au travail, en tant que soignant ou comme collègue, comme ami ou en habitant près de structures de soins. Mais non, pour l’Unafam, plus on connaît les maladies mentales, plus on devrait en avoir peur. Sachant de quel degré de peur on part de la population générale, il me semble difficile de faire pire, mais l’Unafam pense que si. Dois-je en conclure que les patients et les soignants feraient mieux de se taire parce qu’ils ne font que montrer toute la monstruosité de la maladie mentale? Dois-je fermer mon blog parce qu’il alimente la peur des schizophrènes?

-« (…) on parle alors de dépression au sens large, pas de psychiatrie (…) »: bon, ben je viens d’apprendre que la dépression ne concerne pas la psychiatrie. Nous avons donc d’un côté les gentils dépressifs injustement stigmatisés, ne relevant pas de la psychiatrie, et les mauvais psychotiques relevant d’une psychiatrie qui du coup à le droit d’être contraignante. D’ailleurs le signataire dit  » (…) les centres médico-psychologiques (CMP) ne sont pas particulièrement reconnus pour leur disponibilité et leur humanité. Mais est-ce là le problème essentiel? » Maintenant qu’on a appris que la psychiatrie c’est juste pour les psychotiques, je suppose qu’il faut répondre non.

-« Les interprétations démagogiques ou trop sécuritaires sont probablement inévitables ». Notez bien le « trop », le sécuritaire est donc acceptable. Et puis tout cela est inévitable, alors pourquoi perdre son temps à lutter contre la stigmatisation, qui est pourtant, comme le montre le livre, un véritable problème dans le quotidien des personnes malades?

-Et pour finir « plus la personne a besoin de soins, moins elle peut demander », grand classique qui fait que les gens voulant se faire soigner se retrouvent sur un chemin semé d’embûches, et qui explique qu’on soit parfois obligé d’être en HDT pour être hospitalisé.

Après tout ça, l’Uafam nous explique qu’elle veut non seulement être considérée comme un usager (ah bon, ils dorment à l’HP?) mais aussi comme un acteur à tous les niveaux des organisations, un agent de liaison probablement indispensable entre le sanitaire, le social et le politique. Oui, on sait, les patients ne sont rien sans leurs parents et rien ne pourra être faits sans eux. Mais tous ces beaux discours ne donnent pas très envie de les voir se mêler de tout.

Qui a dit que le regard de la famille sur les malades était souvent nocif?  L’Unafam le montre très bien toute seule en tout cas!

La différence et la stigmatisation

La différence qui inquiète, qui n’est pas tolérable, est une différence qui nous reste proche. Ce n’est pas l’étranger. L’étranger est justement trop différent. C’est l’autre. Il n’y a pas d’identification possible. Nous n’avons rien de commun, rien à partager. Il est trop éloigné de nous pour nous inquiéter et susciter le rejet.

La différence qui nous trouble, ce n’est pas le lointain mais le proche. Celle avec laquelle nous avons un certain nombres de points communs, une possibilité d’identification. Quelque chose de nous qui nous serait insupportable.

La personne « différente » a de nombreuses caractéristiques d’appartenance à la communauté, à la même culture et pourtant quelque chose de ses attributs la rend différente et, de ce fait, elle va être catégorisée. Elle perturbe la représentation idéale que les membres de la société ont d’eux-mêmes.

C’est le handicapé ou le malade mental, dont la présence même est inquiétante.

La personne « différente » crée de « l’étranger » chez ses semblables et, à ce titre, elle va être marginalisée, voire exclue et, dans ce processus, va faire l’objet d’attitude humiliantes et déshumanisantes.

Jean-Yves Giordana, « La stigmatisation en psychiatrie et en santé mentale », Masson

Lutter contre la stigmatisation

Plan directeur des psychiatres pour combattre la stigmatisation et la discrimination au sein de la profession médicale : Nouvel énoncé de principes rendu public lors du Congrès annuel de l’APC, à Vancouver

VANCOUVER, le 13 oct. 2011 /CNW/ – Aujourd’hui, l’Association des psychiatres du Canada (APC) a rendu public un plan directeur permettant aux psychiatres de combattre la stigmatisation et la discrimination au sein de la profession médicale.

« La stigmatisation et la discrimination constituent l’une des principales raisons pour lesquelles un Canadien sur cinq qui sera atteint de maladie mentale au cours de sa vie n’obtiendra pas d’aide ou tardera à chercher un traitement jusqu’à ce que sa situation se détériore davantage, déclare la Dre Susan Abbey, auteure du document et membre du Groupe de travail de l’APC pour combattre la stigmatisation et la discrimination. Les personnes peuvent se rétablir d’une maladie mentale, mais d’ici à ce que nous abordions ces questions, tous nous efforts pour offrir de meilleurs soins en santé mentale continueront d’être entravés. »

À l’instar de leurs compatriotes, les médecins, y compris les psychiatres, font partie de la société et ne sont pas à l’abri des sentiments et des attitudes de stigmatisation envers les personnes atteintes de maladie mentale. « Les médecins sont le reflet de leur société lorsqu’il s’agit des attitudes de stigmatisation, mais cela est terrible lorsque des patients qui ont besoin d’aide font face à de telles attitudes », explique la Dre Manon Charbonneau, présidente du Groupe de travail. C’est pour cela que l’APC a choisi d’axer ses efforts pour combattre ce fléau au sein même de la profession de la médecine. En tant que médecins et psychiatres, nous en sommes responsables. »

La Commission de la santé mentale du Canada a aussi lancé « Changer les attitudes », une initiative pour combattre la stigmatisation et la discrimination associées à la santé mentale. Elle a ciblé deux groupes principaux : les enfants et les adolescents et les professionnels de la santé.

L’énoncé de principe présente une approche fondée sur trois volets stratégiques permettant aux médecins de réduire la stigmatisation : la protestation, l’éducation et le contact. Dans ce document, l’APC invite tous les psychiatres à jouer un rôle de chef de file et à identifier et étiqueter immédiatement la stigmatisation lorsqu’ils en sont témoins, à éduquer pour faire échec à la stigmatisation et à promouvoir le contact direct avec des personnes aux prises avec une maladie mentale qui se sont rétablies.

« Nous devons protester contre la discrimination à tous les niveaux—en dénonçant les plus petites injustices dont nous sommes témoins dans notre pratique quotidienne, dans nos cliniques et hôpitaux et dans nos écoles de médecine; et à l’échelle des gouvernements fédéral et provinciaux », ajoute la Dre Abbey. L’insuffisance du financement pour la santé mentale est remarquable. Alors que la maladie mentale représente plus de 15 % du fardeau des maladies au Canada, en 2003-2004, seulement 6 % de la somme totale des fonds pour la santé a été allouée au financement des soins de la santé mentale. Cela est inférieur au niveau de la plupart des pays européens et industrialisés.

L’éducation est le deuxième volet de la stratégie pour enrayer la stigmatisation et pour la rendre visible. « Il est assez facile d’identifier la discrimination, mais beaucoup plus difficile d’identifier les attitudes de stigmatisation. Souvent, les personnes ne sont pas conscientes de leurs attitudes », précise la Dre Charbonneau.

Le document décrit des initiatives d’éducation à plusieurs niveaux, notamment : inclure la stigmatisation, la discrimination et l’inclusion sociale au programme d’étude supérieures en psychiatrie; poursuivre l’éducation des médecins à cet égard; aborder la question de la stigmatisation avec les patients; et travailler avec les collègues médecins pour lutter contre les comportements discriminatoires envers les patients atteints de troubles mentaux aux endroits où ils demandent de l’aide soit les salles d’urgence, les départements médicaux et de chirurgie, les cliniques ambulatoires et lorsqu’ils visitent leur médecin de famille.

Le contact—le troisième volet de la stratégie—est très important. « La recherche révèle que le contact direct avec des personnes aux prises avec une maladie mentale qui se sont rétablies est un outil puissant qui change profondément les attitudes du public », souligne la Dre Charbonneau. On encourage les écoles de médecine à promouvoir et enseigner le contact direct avec les patients, non seulement dans les contextes cliniques, mais dans d’autres environnements. On invite aussi les patients à participer au processus de diagnostic et de traitement. On suggère qu’ils soient consultés pour la conception des structures cliniques et des traitements. »

« Combattre la stigmatisation et la discrimination liées aux personnes souffrant de maladie mentale est le premier pas pour obtenir un meilleur système de soins. Les efforts de la société canadienne et de la communauté médicale du Canada sont encore à leur premier stage et il reste beaucoup de travail à accomplir. Mais nous y arriverons », conclut la Dre Charbonneau.

Lien à l’énoncé :
http://publications.cpa-apc.org/media.php?mid=1222

L’Association des psychiatres du Canada est un organisme national qui représente 4 100 psychiatres et plus de 600 résidents en psychiatrie. Fondée en 1951, l’APC plaide en faveur d’un milieu propice à la prestation des meilleurs soins cliniques, à l’éducation et à la recherche.

Renseignements :Hélène Côté
Association des psychiatres du Canada

http://www.newswire.ca/fr/story/857983/plan-directeur-des-psychiatres-pour-combattre-la-stigmatisation-et-la-discrimination-au-sein-de-la-profession-medicale-nouvel-enonce-de-principes-rend

Mad Pride, Bruxelles, 8 octobre 2011

  

Aujourd’hui a eu lieu une Mad Pride en Italie, en Espagne et à Bruxelles. La Mad Pride est une marche des patients psychiatriques et de sympathisants, qui consiste à affirmer qu’on est fier d’être ce qu’on est, à ne plus avoir honte de sa maladie et à ne plus se cacher.

J’étais à celle de Bruxelles, avec un ami français ayant fait le déplacement uniquement pour y participer lui aussi. La marche a démarré à la gare du Nord et s’est terminée aux Monts des Arts. Sous la pluie battante, environ deux cents personnes étaient présentes, sous les bannières de Psytoyens, Uilenspiegel et Similes ou à titre individuel. Un orchestre accompagnait la marche et a mis une ambiance festive et chaleureuse malgré le froid et la pluie.

Un juriste, une patiente et un membre de Similes ont pris la parole devant la gare Centrale, mais ils étaient très peu audibles et je n’ai quasiment rien entendu.

 

 

Un mini congrès était prévu aux Beaux-Arts à 16h, sur le thème de l’anti-stigmatisation. La première intervenante a présenté la Convention relative aux droits des personnes handicapées (http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?id=1413), signée par l’Union Européenne, et qui, si elle est appliquée, devrait apporter des changements notables dans les conditions de vie des patients et le respect de leurs droits, notamment en remplaçant  le système des tutelles par un système d’accompagnement qui consiste à informer la personne et à la laisser prendre les décisions elle-même, en interdisant les traitements inhumains comme la contention ou les traitements médicamenteux excessifs. Le centre pour l’égalité des chances, qui s’occupe du racisme, s’occupera aussi de faire respecter les droits et de lutter contre la discrimination des personnes souffrant de troubles psychiques.

La deuxième intervenante a parlé du rôle des pairs-aidants, qui commencent à voir le jour en Belgique, notamment comme médiateurs entre les patients et les professionnels de santé pour des soins de meilleure qualité.

Dans la salle, j’avais repéré quelques jeunes au look altermondialiste qui n’avaient l’air ni de professionnels, ni de parents ni de patients. Oui, moi aussi je mets les gens dans des cases, ou peut-être que nous nous mettons nous même dans des cases par notre look et notre façon d’être, bref, je me demandais à quel groupe ils appartenaient et ne savais quoi penser.  Le troisième intervant devait être le ministre flamand pour le Bien-être, Jo Vandeurzen, qui s’est aussi occupé de la justice. Je dois l’avouer, je ne savais pas qu’il occupait cette fonction, oui la Belgique est bien coupée en deux, et nous ne sommes pas souvent au fait de ce qui se passe de l’autre côté de la frontière linguistique. En réalité, je ne connais même pas ce ministère du Bien-être, qui existe sans doute aussi en Wallonie. Il n’était pas là mais s’était fait réprésenter. Son remplaçant a été immédiatement interrompu par une des jeunes filles que j’avais repérée, et très vite, des jeunes se sont levés dans plusieurs coins de la salle et on brandi des banderoles. Ils étaient là pour dénoncer la construction de deux nouvelles prisons psychiatriques, les mauvais traitements infligés aux jeunes dans les centres fermés, notamment des injections d’Haldol et des abus sexuels, les isolements prolongés dans les oubliettes de la démocratie. Le présentateur leur a dit de venir discuter après la conférence, mais ils ont continué à parler de leurs revendications, dans les deux langues, et a distribuer des tracts,  malheureusement sans lien vers un site internet qui aurait pu en dire plus. L’animateur a décidé que la pause aurait lieu à ce moment-là. Et moi je me disais que mon « psychodar » était toujours en état de marche! Je suis sortie, cette interruption ayant mis un peu d’animation, j’ai enfin oser discuter avec des gens.  Du groupe qui avait interrompu la conférence, il ne restait qu’une jeune fille qui discutait avec quelques personnes. Je me suis jointe à la conversation, et j’ai pu voir à quel point la politique qu’elle dénonçait la choquait, j’ai vu qu’elle était sincère et très émue. Pour elle, l’intérêt de leur action était de provoquer la discussion avec les intervenants. Je lui ai dit que j’étais d’accord avec ce qu’elle dénonçait, mais qu’il ne fallait pas rejeter la psychiatrie en bloc, que j’étais schizophrène et avais besoin de la psychiatrie et de médicaments pour vivre bien, mais que moi aussi je dénonçais tous les abus, qu’on m’a souvent accusée d’être contre la psychiatrie alors que je suis pour une psychiatrie humaine et respecteuse et qu’il était intolérable que la psychiatrie puisse faire aussi souffrir. Elle m’a répondu « Merci, c’est ce que j’espérais entendre ». Je suis rentrée dans la salle, elle n’a pas voulu attendre la fin pour continuer à discuter comme le lui a proposé une dame, elle avait l’air vraiment bouleversée. J’ai regretté de ne pas être restée là pour parler avec elle et en savoir plus sur le mouvement, si c’en est un, auquel elle appartient. La conférence s’est terminée avec quelques questions-réponses, où malheureusement les traducteurs n’entendaient pas les gens parlant sans micro, et j’ai regretté d’avoir passé mes cours de néerlandais à rire bêtement au dernier rang et de n’avoir jamais pratiqué, parce que toutes les interventions dans la salle on été faites en néerlandais.

Certaines personnes ont été choquées par l’interruption de la conférence, mais je crois que ce n’est que la conséquence du fait que la psychiatrie a toujours plus ou moins flirté avec la répression sociale, et c’est plutôt cela que je trouve scandaleux. J’ai été impressionnée favorablement par ce groupe de jeunes, bilingue en plus.

Pour moi, le bilan est positif, même si j’ai été un peu frustrée qu’il n’y ait pas plus de discussions informelles entre les gens. La plupart était venu en groupe et restait entre eux, j’aurais aimé qu’après la conférence il y ait toujours l’espace pour boire un verre et se rencontrer, les exposés et l’interruption favorisant le dialogue avec des inconnus. Cela dit, j’ai parlé à quatre personnes que je ne connaissais pas aujourd’hui, ce dont je suis assez fière! Cela m’a donné l’envie de continuer à participer à des évènements de ce genre, je pense que j’arriverai peut-être même à y aller seule s’il le faut!

Liens vers Jo Vandeurzen et les prisons:

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/11/21/des-quartiers-de-haute-securite-dans-les-prisons-font-scandale-en-belgique_1121530_3214.html

http://www.deredactie.be/cm/vrtnieuws.francais/infos/1.735429

http://www.alterechos.be/?p=sum&d=i&c=a&n=262&art_id=18366

http://www.legrandsoir.info/Interdit-d-enseigner-dans-toutes-les-prisons-belges-pour-des.html

Un grand merci à Béhémote pour les photos.

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