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« Schizophrénie et langage » , Danielle Roulot, Erès

Présentation de l’éditeur
 » Un jour de grande lassitude, j’aurais voulu écourter l’entretien avec Priandre, mais il m’a arrêtée tout net : « Il faut me laisser vous parler plus longtemps : vous comprenez, si vous me laissez parler un quart d’heure, les mots gardent leur sens deux ou trois jours et alors je peux parler avec les autres. Que veut dire le mot chapeau ? »  » Voilà bien l’aveu de transfert le plus étonnant que j’aie jamais entendu, le plus émouvant aussi… La question de Priandre me surprend, me déroute puis me fascine… Mais oui, que veut dire… ? Je partage son questionnement désespéré. Parce qu’il faut que je comprenne, non pas ce que veut dire le mot, ni ce qu’il veut me dire-il ne veut rien me dire, il ne sait pas m’avoir dit- mais qu’il attend au contraire que je lui dise un « secret ».  » En un éclair, je sais que si je peux maintenir ce questionnement avec lui, j’aurai saisi l’essence de la schizophrénie. De quoi parle-t-il ? Quelle est cette zone qu’il cherche à scruter ? Là où pour moi il n’y a rien ? Le lieu où il vacille ? Le gouffre ouvert pour lui là où, pour moi, le sol est uni ? De quel secret suis-je détentrice sans jamais l’avoir su ?  » Danielle Roulot.

Schizophrénie et langage : Que veut dire le mot chapeau ?
Biographie de l’auteur
Après une formation scientifique, Danielle Roulot rencontre la clinique de La Borde en 1965 ; elle décide de rester dans ce lieu  » magique  » de la psychothérapie institutionnelle et de devenir psychiatre. La fréquentation des psychotiques la pousse à s’interroger sur la schizophrénie et à approfondir les prises en charge analytiques des psychotiques.

« Le Schizo et les langues », Louis Wolfson, Gallimard

Le schizo et les langues

« Dossier Wolfson ou L’affaire du Schizo et les langues », collectif, Gallimard

Présentation de l’éditeur

Le Schizo et les langues de Louis Wolfson
est certainement l’un vies livres les plus fascinants des années soixante-dix.
Ces « Mémoires », écrits en français par un jeune schizophrène newvorkais,
auraient pu connaître le destin confidentiel d’un document psvchopathologique.
Mais c’eut été sans compter sur le récit qu’ils recèlent: Wolfson y raconte
comment, pour échapper à sa langue maternelle, il a mis au point un procédé
linguistique ultra sophistiqué lui permettant de convertir le plus vite
possible, l’anglais en une autre langue, faite de mots français, allemands,
hébreux ou russes, équivalents du point de vue du sens et de la sonorité. Dès
l’arrivée du manuscrit, ce livre, qui sera publié avec une préface de Cilles
Deleuze, va provoquer une véritable effervescence intellectuelle et littéraire.
dont on peut encore percevoir l’écho aujourd’hui. Que s’est-il joué là
exactement? L’heure était venue de rouvrir le « dossier Wolfson ».
Dossier Wolfson : Ou L'affaire du Schizo et les langues

Le mot est la chose

Une des premières choses que l’on apprend en linguistique est que le mot n’est pas la chose.
En effet, le mot pomme a-t-il un rapport avec le fruit qu’il désigne? Non, c’est une pure convention, puisqu’en anglais, par exemple, on dit apple. En français, on utilise ce mot pour dire pomme verte, pomme de pin ou tomber dans les pommes, des réalités différentes pour un même mot.

Mais quand on est psychotique, il arrive que le mot soit la chose. Pas raisonnablement, mais émotionnellement.
Quelqu’un vous lance une plaisanterie, vous savez que c’en est une, mais émotionnellement, le mot vous blesse comme s’il avait été dit méchamment. Le second degré, donné dans le ton, n’a pas d’emprise sur vos émotions, puisque le mot a été lâché. Il est là, il vous blesse, il a une vie propre, et vous ne pouvez pas assimiler ses nuances.

Je suis incapable de faire des jeux de rôles. Parce que si je me mets dans la peau d’une autre et invente les mots d’une autre, je deviendrai cette autre. Les mots auront pris le pouvoir, faire semblant ce sera être, et si je suis une autre, alors je me perds, je ne sais plus qui je suis, je me dissous dans le pouvoir des mots.

Voilà sans doute pourquoi je suis incapable de mentir, ce qui est le cas de pas mal de psychotiques que je connais.