Qu’on revienne de guerre ou d’ailleurs

Qu’on revienne de  guerre ou d’ailleurs

quand c’est d’un ailleurs

aux autres inimaginable

c’est difficile de revenir

 

Qu’on revienne de guerre ou d’ailleurs

quand c’est d’un ailleurs

qui n’est nulle part

c’est difficile de revenir

tout est devenu étranger

dans la maison

pendant qu’on était dans l’ailleurs

 

Qu’on revienne de guerre ou d’ailleurs

quand c’est d’un ailleurs

où l’on a parlé avec la mort

c’est difficile de revenir

et de reparler aux vivants.

 

Qu’on revienne de guerre ou d’ailleurs

quand on revient de là-bas

et qu’il faut réapprendre

c’est difficile de revenir

quand on a regardé la mort

à prunelle nue

c’est difficile de réapprendre

à regarder les vivants

aux prunelles opaques.

 

Charlotte Delbo, « Auschwitz et après, III. Mesure de nos jours », les éditions de Minuit

 

 

9 commentaires »

  1. udgg Said:

    J’ai coutume de dire qu’on n’en revient jamais. C’est un allé simple en enfer. Je ne parle pas d »‘Auschwitz, il y a différents enfer, je ne sais lequel est le pire. « Mon dieu, pourquoi m’as tu abandonné ? » écrivait Nietzsche ; cela m’évoque mon état d’esprit lorsque « j’ai entrepris cette longue descente » vers le fond du gouffre

  2. Sybilline Said:

    Effectivement, il y a plusieurs types d’enfer…Le mon « Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » est une célèbre phrase que le Christ prononce lorsqu’il est en train de mourir sur la croix…même le fils de Dieu a douté de son père, mais il ressuscitera un peu plus tard…Il n’a donc pas été vraiment abandonné! Il faut être patient, nous dit la religion…

    Le texte est émouvant. La mort psychique prend plusieurs formes.

  3. Sybilline Said:

    Je pense que c’est important d’être optimiste pour revenir d’un quelconque enfer, on a plus de change de retrouver la surface et le soleil.

    La religion offre un message d’espoir. On a plus de chance de revenir d’un enfer lorsqu’on y croit! La foi est d’ailleurs une vertu théologale au même titre que l’espérance et la charité. Tout se construit toujours de façon ternaire.

  4. Sybilline Said:

    Les messages longs ne passent pas toujours. Que je suis bavarde ce soir:)!

  5. Sybilline Said:

    Et les émoticônes non plus…ou ils n’aiment pas les points d’exclamation ensuite! Il leur faut de l’espace 🙂

  6. udgg Said:

    sybilline a dit:
    « Je pense que c’est important d’être optimiste pour revenir d’un quelconque enfer »
    C’est un jugement à priori; on ne revient pas toujours d’un enfer ou même en revenir autre que celui qu’on était avant d’y entrer. Et si par malheur on y trouve la mort, l’optimisme devient absurde. Je pense que tu manques totalement quelque chose au sujet de la schizophrénie. Ce n’est pas une simple promenade de santé ou un parcours d’obstacles dont on sort nécessairement vainqueur à la force du biceps. C’est un processus de destruction de l’être. De mon point de vue un schizo est un « reconstructeur » qui passe son existence à essayer de recoller les morceaux sans jamais réellement y parvenir ou pour le formuler autrement c’est quelqu’un qui jour après jour tente désespérement de reconstituer une « vache complète » à partir de « fragments épars de viande hachée ». Tu t’en rends bien compte tout ceci est très très éloigné de tes conceptions métaphysiques sur Dieu, le Bien, la foi, le positivisme etc….C’est quelque chose de beaucoup plus viscéral. Une existence qui part des tripes en quelque sorte (voir l’image en haut à gauche sur cette page). Ce qu’il faut éviter à tout prix c’est que ses « propres boyaux foutent le camp »

  7. Sybilline Said:

    En tout cas, ici, certaines personnes disent en être sortis, avoir essayé de reconstruire et se sentir mieux. Je pense qu’ils y ont cru. Je me base donc sur des gens qui ont vécu cette expérience et en sont sortis vainqueurs. Quel guerrier gagnerait une bataille en pensant échouer dès le départ? Le doute est évidemment permis, mais pas l’absence de volonté. Il faut le vouloir pour avoir des chances de vaincre, même si ce n’est pas sûr à tous les coups. Il faut parfois beaucoup de persévérance, de patience et de sagesse.

    Le mot « reconstructeur » me paraît juste, oui. Pour le reste, chacun a sa vision des choses en fonction de son caractère. Par contre, je ne vois pas du tout la schizophrénie comme un parcours de santé, non. Mais plutôt comme un précipice. On y tombe et il faut remonter la pente en faisant de la varappe mentale, avec le risque de glisser, celui de tomber et de se faire encore mal. Je ne peux pas dire l’avoir vécu complètement puisque je n’en ai pas souffert directement. Je pense cependant que lorsqu’on partage une grande intimité avec quelqu’un qui vit ce processus, on le vit aussi (en partie). Je me souviens de moments d’extrêmes angoisses lorsque mon ami me racontait certaines choses, l’impression d’avoir vu ce gouffre s’ouvrir sous mes pieds, d’avoir senti aussi tous les ravages que cela pouvait produire. Quand on reçoit certains messages terriblement haineux alors qu’on n’a rien fait de mal, qu’on se dit qu’on ne reconnait pas celui avec qui on avait des discussions apaisées, agréables, on ne peut pas dire qu’on sort indemne de ce type d’expériences…et qu’on voit la maladie comme un gentil parcours de santé. On se demande comment ces influences négatives ont pu tout dévaster, pourquoi ce tsunami.

    Quand on peut garder la foi, c’est mieux. Mais ce n’est que mon humble avis. On ne se force pas de toutes façons.

  8. Alain Said:

    Tu n’envisages pas d’amélioration possible à court ou moyen terme. Ce que tu décris est vrai (la lutte pour les boyaux) mais ce qui est vrai aussi, c’est que beaucoup s’en sortent. Chacun peut estimer avoir trouvé « la » technique ou peut être est-ce un phénomène naturel qu’on s’approprie.

    Le pessimisme des psy sur l’évolution de la maladie est contredit par les faits, mais il faut les chercher et ne pas se contenter d’observer ce qui est à portée de main.

    Ces idées viennent des Etats Unis et comme toujours, elles feront leur chemin en France avec un décalage plus ou moins grand. Elles ont été initiées par des associations d’anciens malades et non par des psy. Il leur a fallu lutter pour avoir voix au chapitre ce qui est encore loin d’être le cas ici, même s’il existe des initiatives comme psycom, mais c’est toujours encadré et dans le cadre de la santé publique.

    Il ne faut pas non plus oublier les méthodes novatrices, cela aussi commence à exister ailleurs…

  9. udgg Said:

    oui on peut parler d’améliorations mineures mais pour moi tout ce discours positivo-mystique made in USA appartient au domaine de l’incantation car la schizophrénie en tant qu’énigme non résolue est une formidable claque administrée à la science. Jean Jaurès disait que « quand les hommes ne peuvent changer les choses ils changent les mots »; c’est exactement de ça dont il s’agit: de la propagande qui vise à créer la confusion et « noyer le poisson » à défaut de mieux. Deleuze disait que « les schizos sont malades du monde ». Je trouve ça pertinent, ce n’est pas seulement une problématique personnelle qu’on peut solutionner par ajustement de ses propres « paramètres ». Cela est strictement dépendant du monde dans lequel on vit et que recouvre le concept de normopathie. La normopathie/conformisme/normalité exacerbée c’est l’ennemi mortel du schizo. Aucun schizo ni d’ailleurs personne ne peut composer avec ce qui l’empoisonne et c’est pourtant ce qu’on exige de lui et donc, on s’éloigne à très grandes enjambées d’une véritable guérison et/ou amélioration significative de son état général


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