Comment puis-je vous aider?

Aujourd’hui, j’ai parlé avec ma psychiatre de mes sept années d’errance médicale avant de trouver une bonne psy et d’avoir un diagnostic.

Au début, j’avais beaucoup de mal à m’exprimer sur ce que je ressentais, et les deux psychiatres que j’ai vus ne m’ont pas prise au sérieux. Après, je m’exprimais trop bien et la psychiatre que j’ai vue ne m’a pas prise au sérieux.

Ma psychiatre m’a demandé comment on aurait pu m’aider, à l’époque.

De mes 17 à mes 19 ans, je ne rêvais que d’une chose, qu’un adulte me tende la main, main que j’étais dans l’impossibilité de réclamer. Les adultes m’engueulaient, la plupart du temps. Pour mes supposées fainéantise et insolence. Pour mon mutisme, aussi. J’aurais voulu qu’on me parle, tout simplement. Pas juste « ça va? », mais me prendre à part, me dire que je n’avais pas l’air d’aller bien, me demander ce qu’il se passait, me dire que je pouvais aller voir un médecin, me donner des numéros de téléphone, éventuellement m’aider dans mes démarches.

Ensuite, si je n’arrivais pas à exprimer mes souffrances, je pense qu’un psy peut aider à mettre des mots sur les maux, à définir des émotions. C’est vrai, je ne savais pas que ce que je ressentais s’appelait de l’angoisse, mais je pouvais dire que je voulais mourir, que je me coupais, que je ne dormais plus bien, que je perdais pied avec la réalité, etc. Je savais dire des tas de choses qui auraient pu mettre un psy en alerte, s’il s’était donné la peine de demander, de prendre au sérieux mes « je crois que je fais une dépression » ou « je n’arrive plus à étudier ». Ce psychiatre aurait pu dire bien d’autres choses que « attendez que ça passe ».

Après, à 20 et 21 ans, je savais qu’il valait mieux y aller cash avec les psy, commencer à parler directement des symptômes qui claquent, si on veut se faire soigner correctement. Mais pour certains, je m’exprimais trop bien, et ça rendait ma psychose improbable. Après n’avoir pas su parler, je parlais trop bien. Jamais dans les clous, jamais la patiente idéale. A l’époque, on aurait pu m’aider à gérer mes symptômes, à me dire comment faire avec les voix, avec les hallucinations, les pensées délirantes qui me bouffaient. Je ne demandais que ça, en parler. Mais mon suivi psychiatrique s’est borné à « tu manges bien, tu dors bien, tu prends bien tes médicaments? ». Scoop, non je ne mangeais pas bien, ne dormais pas bien et ne prenait pas bien mes médicaments non plus d’ailleurs. Mais ce n’était pas mes préoccupations principales. J’étais contente de maigrir, les médicaments me donnaient la vue trouble et mon sommeil rempli de cauchemars n’était que le reflet de mes journées. Apparemment, le boulot du psychiatre se bornait à attendre que les médicaments fassent effet et me rendent une vie tranquille comme par magie. Personne ne s’est dit que j’avais besoin de conseils pour faire face à mes symptômes.

Quand j’ai eu un suivi psychologique et psychiatrique plus régulier, ce fut avec des psys d’orientation psychanalytique. Le silence régnait. La neutralité totale. Je devais comprendre l’origine de mes problèmes pour les régler, avec pour toute réponse à mes questions des « hum hum » et hochements de tête. Là encore, rien de concret, rien pour mon quotidien.

J’ai l’impression d’avoir perdu sept années de ma vie parce que les gens ne m’ont pas prise au sérieux ou rien offert de concret. C’est de cette façon que j’aurais voulu qu’on m’aide. En me parlant vraiment et m’offrant des pistes de prise en main sur ma vie. En me faisant rencontrer d’autres personnes qui avaient vécu la même chose, aussi. En me disant qu’on pouvait s’en sortir (car ça non plus, personne n’a pensé à me le dire).

11 commentaires »

  1. Lemarchandel Said:

    Merci pour ce témoignage Lana. C’est toujours intéressant de voir comment ça se passe pour les personnes ayant des troubles similaires aux miens. Vous avez raison on ne m’ a jamais dit que je pouvais m’en sortir, c’est même l’inverse. J’ai du le découvrir par moi-même. Quand au psychiatre prescripteur, ils sont légions.
    J’ai dit un jour à ma psychiatre :  » vous avez vocation à soigner par la parole » ce qui l’a laissé sans voix. Oublié les géants Freud, Dolto. Ils ont plus le temps, plus l’argent non plus. Que de vies brisées, à peine écloses.
    Bonne continuation.

  2. Lana Said:

    Bonne continuation à vous aussi.

  3. Anonyme Said:

    Je fus médecin généraliste. J’ai 67 ans et je suis en retraite depuis quatre années. Je suis tombé par hazard sur votre blog, comme souvent sur internet. Je vous ai laissé une adresse mail et ainsi je suis vos posts. Je suis trés heureux que soyez sorti de ces années difficiles, que vous puissiez nous écrire ainsi que vous le faites. Continuez bien sûr.
    Bien amicalement.

  4. Chère Lana,
    A chaque fois que je te lis, mon coeur se met à s’accélérer.. je viens de découvrir que je pouvais lire ton livre, mais ça sera par petits bouts, Il me faut préserver mon coeur à présent.
    J’ai survolé des chapitres qui me font voir que si la maladie m’a prise de plein fouet, j’ai été plus privilégiée pour l’accueil, ce qui n’a pas été le cas pour mes proches.
    Je suis trop troublée pour écrire plus
    Bravo Lana !

  5. steribox44 Said:

    Mouais , je suis en partie d’accord avec vous , le , les psys ne sont que des guides pour nous aider à allez mieux , nous sortir d’un enfer , mais la seule personne qui peut vraiment nous sortir du carcan dans lequel nous nous trouvons c’est nous et nous seul et pour ça il faut le vouloir en commençant par s’accepter avec une différence , un « problème » qui avec le temps s’avère gérable , après certes tous les psys ne sont pas d’une très grande aide pour y parvenir , certains ont meme tendance à nous pousser vers un pire , mais parfois il faut en passer par ce pire pour enfin réussir à s’en sortir (i cela s’avère encore possible) , mais sans l’aide des psychiatres aujourd’hui je ne serais certainement plus là pour en parler et meme si j’en suis passer par la CSI , les traitements qui vous rendent comme un légume à l’agonie , sans ça je ne serais pas un papa comblé et qui n’a plus aucun traitement psy , je continue de voir le psy de temps en temps mais plus rien à voir avec mes débuts de patient , il ne faut jamais perdre espoir , car ni ma famille , ni mes amis , ni mêmes le milieu médical penser que je pouvais réussir et pourtant . Seulement je suis pas certain que si c’était à refaire je le pourrais , la psy à l’heure actuelle ce n’est que de la garderie ou l’on vous sers des cachtons et des repas , mais rien ni personne n’est parfait surtout pas moi …

  6. Lana Said:

    Merci à tous pour vos messages.

  7. pierre Said:

    Juste description du champ de ruines de la psy française…

  8. Lana Said:

    Ce n’était pas en France mais en Belgique et en Espagne.Cela dit, j’ai fini par trouver des gens qui m’ont aidée.

  9. Hlhl Said:

    Vaste chose que de cerner l’angoisse … même si on me dit que je suis angoissée, je ne cerne toujours pas le terme.

    Je rebondis sur ce que dit Stéribox : passer(éventuellement) par pire pour s’en sortir.
    Pas faux.
    Dans mon cas, je trouve dommageable que les psy n’aient apparemment pas imaginé que je puisse m’en sortir, ne me promettant comme avenir qu’une pension pour subsister, et l’hôpital de jour pour égayer mon quotidien.
    J’étais mal, je ne rêvais moi aussi que d’une main tendue, et au niveau hospitalier, j’ai majoritairement eu du mépris, des médocs à en tomber par terre et un zeste de chambre d’isolement (certes justifiée, mais en serais-je arrivée là si une forte dose de médicaments ne m’avait pas poussée au désespoir ?)

    Je suis arrivée en suivi hospitalier de mon plein gré en étant mal, et j’ai décidé de l’arrêter quand j’ai enfin réalisé (tous mes proches me le disaient pourtant …) que ce suivi me rendait très mal.

    Le point positif, c’est que ce pire m’a fait rebondir, avec l’aide d’un médecin généraliste, généralistes pourtant méprisés par le milieu psy qui me disait :  » mais que les généralistes s’occupent du somatique, ils ne sont pas psy ».
    Certes. Et finalement, c’était sans doute mieux dans mon cas !

    Alors aujourd’hui, je dois avoir environ l’âge de Lana, un travail qu’on ne m’imaginait pas faire et tenir, un zeste de suivi psy, un traitement light. Ce n’est pas tout rose, c’est parfois dur de gérer le quotidien, le boulot et le contact aux autres, mais je ne veux pas revenir au pire, et ce pire, ça aura été des soignants qui me l’auront fait vivre.
    J’ai eu du mal à consulter à nouveau un psy après ça, heureusement, celle que j’ai fini par aller voir a su gérer et me redonner un peu foi en la psychiatrie.

  10. Lana Said:

    Merci pour ton témoignage.

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